POLITIQUEBenoît Loeuillet, «libraire patriote», suspendu du FN

Propos négationnistes d’un élu FN: « Le Front national n’a pas encore rompu avec ses racines »

POLITIQUELe responsable niçois du parti est accusé de négationnisme…
Fabien Binacchi et Mathilde Frénois

Fabien Binacchi et Mathilde Frénois

Le rideau de sa Librairie du Paillon, à l’Est de Nice, est resté baissé mercredi. Benoît Loeuillet avait d’autres affaires à régler. En début de matinée, le responsable niçois du Front national, ex-identitaire, a été suspendu par le parti. En vue de son exclusion. En cause : des propos négationnistes tenus dans un documentaire était diffusé mercredi soir sur C8.

Un dérapage qui n’étonne pas le politologue de l’université de la Côte d’Azur Gilles Ivaldi. « Même si Marine Le Pen a voulu justement les éviter en « purgeant » le Front national de certains membres identitaires, des liens se sont encore affirmés à l’occasion des dernières élections régionales », explique-t-il.

Un ancien du mouvement identitaire Nissa Rebela

Benoît Loeuillet, 45 ans, est justement de ceux-là. Ex-numéro 2 de Philippe Vardon à la tête de Nissa Rebela, la branche locale du mouvement identitaire, l’Azuréen était devenu conseiller régional de Paca en décembre dernier, élu sur la liste de Marion Maréchal Le Pen. Avant ça, ce diplômé d’Histoire avait travaillé à l’implantation de plusieurs structures « identitaires » à Nice. Il est notamment l’un des cofondateurs du bar Lou Bastioun, un de leur QG.

En avril 2001, il concrétisait un « rêve » : ouvrir sa Librairie du Paillon « de droite, identitaire et patriotique », expliquait-il encore il y a quelques jours sur Facebook. Dans ce commerce, qui doit fermer définitivement ses portes le 31 mars, il avait notamment accueilli Guillaume Faye et Alain Soral.

« Dans l’intimité, il n’a aucun mal à se lâcher »

Mercredi soir, Benoît Loeuillet a finalement réagi, affirmant n’avoir, « en aucune manière, nié la réalité de la Shoah » et dénonçant des propos « habilement découpés ». Le responsable politique a également annoncé sa démission du FN et indiqué avoir demandé à son avocat de porter plainte contre l’auteur du reportage.

Interrogé par 20 Minutes, le journaliste Quentin Pichon décrit « un homme assez réservé, mais qui, dès qu’il se trouve dans l’intimité de sa librairie, n’a aucun mal à se lâcher avec les propos qu’on découvre dans ce documentaire ».

Filmé en caméra caché dans sa boutique, Benoît Loeuillet présente plusieurs livres qu’il vend, dont des livres d’Adolf Hitler ou de Robert Faurisson, régulièrement condamné pour ses propos révisionnistes. Il dit d’abord qu’il « ne sait pas trop quoi penser » de ces thèses. « Bon, après, je pense qu’il n’y a pas eu autant de morts. Il n’y a pas eu 6 millions. Il n’y a pas eu de morts de masse comme ça a été dit », ajoute-t-il ensuite.

« La dédiabolisation est uniquement un processus d’image »

« Malgré les efforts de Marine Le Pen pour convaincre du contraire, le Front national continue d’avoir dans ses troupes des gens d’extrême droite, avance le chercheur Gilles Ivaldi. Le parti les tolère tant que certaines idées restent en interne. On peut très bien imaginer, qu’avant son exclusion, Benoît Loeuillet ait déjà tenu ce genre de propos devant des membres du parti. La dédiabolisation est uniquement un processus d’image, pas de fond. Le Front national n’a pas encore totalement rompu avec ses racines. »

« J’ai croisé Benoît Loeuillet dans deux ou trois manifestations officielles. Je sais en tout cas très bien qu’il vendait des livres négationnistes dans sa librairie », assure de son côté Gael Nofri.

Selon le conseiller municipal niçois, ex-conseiller de Marine Le Pen pendant la présidentielle 2012 et désormais en délicatesse avec le Front national, cette affaire permet de « se rendre compte que là où on parlait de rassemblement patriotique, des souverainistes, des gaullistes, des femmes et hommes de bonne volonté, il y a la réunion des racialistes, des antisémites et des négationnistes ».