«Les pesticides ne sont pas la seule explication à la mortalité des abeilles»
RECHERCHE•A l'occasion des 40 ans du laboratoire sur les abeilles de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, à Sophia-Antipolis, son directeur Richard Thiéry fait le point sur les recherches en cours...Propos recueillis par Fabien Binacchi
Depuis des années, ils enquêtent dans l’intimité des abeilles. Ce mercredi, les scientifiques de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses), spécialisés dans la recherche sur ces hyménoptères, vont souffler les 40 bougies de leur laboratoire de Sophia-Antipolis, en pointe sur le sujet.
A l’occasion de cet anniversaire, le directeur du site Richard Thiéry fait le point, notamment sur les inquiétudes qui bourdonnent autour des pollinisateurs.
Quelle est la mission de votre laboratoire ?
Au moment de sa création, en 1976 sous la tutelle du ministère de l’Agriculture, il venait soutenir l’apiculture de la région face aux différentes pathologies de l’abeille. Nous sommes devenus un laboratoire de référence de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), c’est-à-dire que nous pouvons être amenés à enquêter sur des cas d’intoxication.
Le but est de confirmer les causes de la mort de spécimens que l’on nous envoie. Nous avons été parmi les premiers à identifier le virus de la paralysie chronique de l’abeille, le virus israélien de la paralysie ou encore celui du cachemire. Et depuis les années 80, le laboratoire s’est régulièrement alerté à propos de l’utilisation des pesticides et de ses effets sur la santé des abeilles.
Quelle est l’étendue du problème ?
Une étude faite de 2002 à 2005 a déjà montré que dans cinq ruchers localisés d’un bout à l’autre de la France, on a retrouvé des traces de pesticides. Et les néonicotinoïdes, notamment, peuvent « stresser » les abeilles, c’est avéré.
Faut-il craindre des disparations de masse des populations d’abeilles ?
J’éviterai d’être alarmiste même si l’on constate, depuis un certain nombre d’années, des mortalités inexpliquées. On étudie plutôt des hypothèses multifactorielles. Les pesticides auraient un effet sur le système immunitaire des abeilles qui les rendrait plus sensibles aux agents pathogènes. Mais la monoculture et l’arrivée du frelon asiatique sont aussi à prendre en compte. On est encore loin d’avoir tout compris.