Guerre en Ukraine : « Il fallait qu’on y aille… » Ces quatre Nantais ont traversé l’Europe pour sécuriser des proches et des réfugiés
EXPEDITION•Quatre amis originaires de Loire-Atlantique ont passé une semaine aux frontières ukrainiennes dans l'espoir de ramener des proches et d'être utiles. De retour en France avec leurs vans de location, ils racontentFrédéric Brenon
L'essentiel
- Kamel Maïz, Elena Zakharenko, Pierre Raffalli et Guillaume Daly sont restés en Slovaquie puis en Pologne du 26 février au 4 mars.
- Sur place, les quatre amis ont apporté de l’aide aux réfugiés ukrainiens.
- Ils sont parvenus à ramener en France la soeur d’Elena ainsi que ses deux enfants. Ils ont également transporté plusieurs réfugiés.
«On ne s’est pas posé beaucoup de questions. Il fallait qu’on y aille, il fallait agir. » Le 26 février, au surlendemain de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Guillaume, Pierre, Kamel et Elena, quatre amis installés à La Baule, Pont-Château et Saint-Gildas-des-Bois ( Loire-Atlantique), ont pris la route à bord de deux vans loués à la hâte. Cap à l’est, à la frontière ukrainienne, avec l’objectif de ramener « un maximum » de membres de la famille d’Elena qui habite Tcherkassy, au sud de Kiev.
« On voulait mettre en lieu sûr sa sœur et ses enfants, sa mère, sa grand-mère, notamment. En raison des bombardements, elles passent beaucoup de temps en sous-sol ou dans la salle de bains », explique Kamel Maïz, conjoint d’Elena. Avant de partir, les quatre Ligériens préviennent en vitesse leurs employeurs, « compréhensifs », puis chargent les véhicules de produits de première nécessité offerts par deux supermarchés du coin.
« Un flux ininterrompu de bus »
Quelque 2.200 km plus loin, les voici près de Kosice (Slovaquie), un « lieu central » pour les déplacements de population vers l’ouest de l’Ukraine. Dans l’attente d’avoir des nouvelles de la famille d’Elena, les Nantais se signalent aux associations et proposent leur aide. « C’était un petit camp de réfugiés, assez bien organisé, témoigne Guillaume Daly. Les militaires étaient très bienveillants avec les familles qui arrivaient à pied. On a distribué nos courses, on a déchargé des camions, on a aidé des francophones. Puis, comme on avait des véhicules disponibles, on a nous a demandé si on pouvait acheminer des Ukrainiennes jusqu’à Cracovie. »
L’équipe file donc en Pologne avec 13 femmes et enfants à bord. « Elles étaient un peu en état de choc. Et ne comprenaient pas trop qui on était. On s’est efforcé de les rassurer comme on pouvait », raconte Guillaume. Les quatre amis se dirigent ensuite à la frontière, à Mlyny, où se trouve l’un des plus importants camps de réfugiés, sur le site d’un ancien centre commercial. « C’était énorme. Des milliers de personnes arrivaient dans un flux ininterrompu de bus. Les gens attendaient des informations, d’autres dormaient sur des lits de camp. Il faisait très froid. Mais cela restait digne. Il y avait beaucoup de monde pour les accueillir. »
Elena apprend que sa sœur, Jena, et ses deux enfants se dirigent bel et bien vers ce poste frontière. Sa maman et sa grand-mère, elles, ont finalement renoncé à quitter le pays. Une nouvelle fois dans l’attente, les quatre Ligériens multiplient alors les « coups de main » pendant plusieurs jours. « Entre le manque de sommeil, l’émotion, l’inquiétude, on marchait à l’adrénaline. On a fait plusieurs transferts, on a coordonné des infos, on a racheté de la nourriture et, surtout, des médicaments. On a essayé de se rendre utile sans compter nos dépenses. »
Un retour en France avec des réfugiés
Vendredi dernier, au matin, soulagement, Jena et ses enfants apparaissent enfin. « Il y avait évidemment beaucoup de joie. Pour tous ces réfugiés, les déplacements sont longs et éprouvants », décrit pudiquement Kamel. Après avoir « soufflé un peu » dans un hôtel, les Ligériens décident de prendre le chemin retour. Mais ils ne se contentent pas de ramener la famille d’Elena. Les minibus de location sont « optimisés au maximum » pour « répondre aux besoins ». Une dizaine de réfugiées supplémentaires effectuent ainsi le voyage. Certaines sont déposées en Allemagne, d’autres en Picardie, d’autres en région parisienne. Une jeune mère et son fils rencontrés en Pologne et qui paraissaient en « détresse » reviennent même avec eux à Saint-Gildas-des-Bois.
Arrivés samedi soir en Loire-Atlantique, les quatre amis ont, depuis, repris le travail, à l’exception d’Elena, enseignante, qui a obtenu une semaine pour s’occuper de ses compatriotes hébergés. Marqués par les scènes d’exode, ils retiennent surtout la « solidarité observée aux frontières ». « Si on doit repartir, on est prêts à y retourner », assure Guillaume Daly.