JOB ETONNANTA Nantes, des étudiants recrutés en renfort pour conduire le tramway

Comme à Nantes, des étudiants recrutés à Paris pour conduire les tramways

JOB ETONNANTDepuis quatre ans, des étudiants sont formés pour conduire le tramway à la place des titulaires pendant les vacances scolaires et les week-ends
Frédéric Brenon

Frédéric Brenon

L'essentiel

  • La société des transports en commun nantais (Semitan) emploie une trentaine d’étudiants par an pour conduire ses tramways.
  • La formation proposée est la même que celle dispensée aux conducteurs titulaires.
  • Le recours aux étudiants existe dans d’autres villes, comme à Lyon et à Lille.

EDIT 6 mars 2024 : Nous vous proposons à la relecture cet article paru en février 2022 après l’annonce de la RATP, mardi, du recrutement de 29 « postes avec des profils étudiants » pour conduire des tramways sur les lignes T1, T2, T5, T6 et T8 du réseau francilien.

« Ça suscite l’étonnement, c’est sûr. Mes proches me posent beaucoup de questions. Pareil sur mon CV, cette expérience suscite toujours un commentaire. » Certains gardent des enfants, donnent des cours particuliers ou travaillent chez McDo. Léa Guillou, elle, s’est trouvé un job pour le moins original en complément de ses études : conductrice de tramway à Nantes. Pour la troisième année consécutive, l’étudiante de 26 ans, qui se prépare au métier d’orthophoniste, circule sur la ligne 1 certains samedis et jours de vacances scolaires. Seule aux commandes d’une rame pouvant transporter 250 passagers.

« On a lancé cette démarche en 2018 voyant que ça fonctionnait dans d’autres villes. C’est un combo gagnant-gagnant. Les étudiants sont disponibles à des moments où nous avons des besoins de remplacements du fait des congés de nos conducteurs. En échange, on leur fournit un travail, en CDI, avec un salaire régulier lissé sur douze mois », explique Benjamin Peaudeau, chargé de recrutement à la Semitan. Pour postuler, il suffit d’avoir 18 ans, son permis B, être « sérieux et motivé » et prêt à s’engager pour environ trois ans. Le métier, lui, s’apprend en formation.

« Il faut compter 120 heures de théorie et de pratique. C’est la même formation, le même niveau d’exigence, que pour le reste du personnel. Sauf qu’elle est étalée sur deux à trois mois au lieu d’un seul », explique Benjamin Peaudeau. « La conduite n’est pas si compliquée que ça, estime Léa. Mais il y a beaucoup de notions à maîtriser : la signalisation, la vitesse, la sécurité, le code ferroviaire, la maintenance, etc. »

« Il faut savoir gérer le stress »

La formation s’achève par l’obtention d’une habilitation, valable pour une seule ligne, compte tenu des spécificités du parcours. Puis vient le moment de se lancer sur le réseau, d’abord assisté d’un référent, puis seul. « Au début c’est impressionnant, admet l’étudiante. L’environnement extérieur demande une attention énorme, une vigilance de tous les instants pour anticiper les imprévus. On finit par s’habituer mais ça muscle le cerveau. » « Il faut savoir gérer le stress. Certains carrefours sont très fréquentés. Si on doit effectuer un freinage d’urgence, on sait qu’on risque de secouer plus de 200 personnes derrière », se souvient Valentin Berthomé, qui a commencé à conduire à l’âge de 19 ans et a désormais intégré le service RH de la TAN en alternance.

Léa conduit un tramway de la ligne 1 à Nantes.
Léa conduit un tramway de la ligne 1 à Nantes. - F.Brenon/20Minutes

Les interactions avec les voyageurs, parfois désagréables, peuvent aussi inquiéter. « Sur un tramway, notre cabine est fermée donc on se sent en sécurité, relativise Léa. On a aussi un contact radio permanent avec notre PC. Et puis on reçoit des bonjours de la part de certains voyageurs, des petits signes d’attention, ça fait plaisir. » La jeune femme « recommande » le job à ses amis d’études. « On a de la visibilité sur notre emploi du temps, c’est assez confortable, poursuit-elle. L’ambiance de travail est appréciable, même avec les anciens qui font plutôt preuve de bienveillance avec les jeunes. Je pense aussi que c’est un plus pour notre CV, ça démontre un sens de responsabilité à de futurs employeurs. »

« Faire ça à l’âge 18 ans, ça ne me rassure pas beaucoup »

Une trentaine d’étudiants, sur les 700 agents TAN habilités à conduire un tramway, circulent ainsi sur les trois lignes nantaises chaque année. Inquiets au départ, les syndicats de l’entreprise ont revu leur jugement. « Ça se passe très bien, reconnaît la CFDT. L’accompagnement proposé est très rassurant. Ça suscite même des vocations chez certains jeunes. On demande juste que le recours aux étudiants ne devienne pas une variable d’ajustement. » Satisfaite du bilan, la direction de la Semitan relance régulièrement des campagnes de recrutement, comme c’était le cas ces derniers jours. Mais elle ne souhaite pas, pour autant, monter en puissance. Surtout pas en mettant des étudiants au volant d’un bus. « Le bus, c’est plus complexe, il faut un permis D, la formation est beaucoup plus longue », justifie Benjamin Peaudeau, le chargé de recrutement.

Quant aux voyageurs, la plupart ignorent la situation. « Je ne savais pas du tout que ça pouvait être un job étudiant, vous êtes sûrs ? », s’interroge Catherine, 53 ans. « Faire ça à l’âge 18 ans, ça ne me rassure pas beaucoup, ajoute cette habituée de la ligne 1. C’est une sacrée responsabilité. Il faut quand même un minimum de maturité. » « C’est bien, il faut faire confiance aux jeunes, commente, de son côté, Abdel, abonné TAN. La valeur n’attend pas le nombre des années, comme on dit. Ceux qui sont choisis sont forcément des gens sérieux, ça ne m’inquiète pas. »