Solitaire du Figaro: «Peyron, Desjoyeaux ont des palmarès hors-norme, on a les armes pour les battre», estime Corentin Douguet
INTERVIEW•Le skipper nantais sera au départ de Nantes, dimanche matin, de sa 10e Solitaire Urgo Le FigaroDavid Phelippeau
L'essentiel
- Corentin Douguet prendra le départ de la 50e édition de la Solitaire du Figaro, dimanche matin, de Nantes, sa ville natale.
- Le skipper de 44 ans a hâte d’en découdre avec un plateau exceptionnel (Peyron, Gautier, Desjoyeaux, etc.)
Un peu comme chez lui. Le skipper Corentin Douguet (44 ans) va prendre le départ de la Solitaire Urgo Le Figaro* dimanche matin de… Nantes, « sa ville de naissance ». Toute la semaine, le bateau du navigateur (NF Habitat) était amarré quai de la Fosse « à 5 minutes à peine de chez mes parents » ou « à 500 m de l’endroit où j’ai fait mes études d’officier de marine marchande ».
Corentin Douguet, qui prend le départ de sa 10e Solitaire, l’avoue à 20 Minutes : « Cette course représente beaucoup d’années de ma vie. C’est chouette d’être là et de partir d’ici. »
Cela vous fait quoi de partir de Nantes ?
Il y a une saveur particulière car c’est ma ville. Il y a vingt ans j’étais étudiant ici, à quelques centaines de mètres du départ. A cette époque-là, je ne pensais pas que courir au large allait devenir mon métier. Finalement, ça l’est devenu. Ça représente beaucoup de travail, mais c’est aussi une grande chance car il en faut. C’est vraiment une chance dans la vie en général de pouvoir faire de sa passion un métier.
On dit que cette 50e édition est constituée de « Ballons d’or »…
La Solitaire, c’est une des courses au large la plus compliquée à gagner. Forcément, c’est excitant. Celui qui sera déclaré vainqueur dans cinq semaines aura battu tous les meilleurs skippers de la course au large. Elle est encore plus excitante cette année avec un plateau encore un peu plus relevé encore, un peu plus dense. Chaque année, on a coutume de dire qu’il y a une vingtaine de prétendants au top 10 voire podium. Cette année, il y a 30 ou 35 prétendants et il n’y a pourtant toujours que 10 places dans le top 10 et 3 places sur le podium. C’est le nombre de déçus qui va augmenter. C’est un challenge énorme pour nous. A mon sens, un des challenges les plus relevés de notre sport.
Qu’espérez-vous ?
J’espère réussir à aligner les planètes sur cette course et finir le mieux possible. J’ai déjà remporté une étape en 2007, ça date. C’était lors de ma deuxième participation. Je suis monté deux fois sur le podium au général et j’ai fini régulièrement dans le top 10.
Retrouver des Alain Gautier, Loïck Peyron, Michel Desjoyeaux… C’est dingue non ?
C’est très sympa. C’est une des richesses de notre sport. Gautier et Desjoyeaux, j’ai déjà régaté contre eux. Peyron, ça sera la première fois sur la Solitaire. On fait un sport sur lequel on peut durer (rires). Des gars comme Loïck Peyron et Alain Gautier ont un peu inventé le Multi qu’on fait aujourd’hui. Ils ont défriché et ont transformé ce jeu en métier à part entière en sport de haut niveau. On ne peut que les en remercier.
« Pouvoir jouer contre eux c’est un peu comme ce qu’il se passe à Roland-Garros quand des joueurs de tennis de 20 ans se retrouvent dans le même tableau qu’un Federer. »
Ils sont injouables ?
Non, même si ces gars ont des palmarès hors-norme, on a les armes pour les battre. C’est chouette de pouvoir courir contre des gars dont on lisait le nom dans des magazines à une époque où on ne pensait pas qu’un jour on serait sur la même ligne de départ.
D’ailleurs, c’est le principe de la Solitaire. Vous avez tous le même bateau (Figaro Bénéteau 3)…
Oui, c’est le principe de la monotypie sur la Solitaire. Il est en place depuis 1990. De 1990 à 2002, on était sur des Figaro Bénéteau 1 puis en 2003, Figaro Bénéteau 2. On a tous le même bateau construit par le même chantier. C’est vraiment la capacité du bonhomme à exploiter la machine d’une part et à choisir les bonnes options météo d’autre part qui vont jouer. Il faut faire en sorte que le bateau aille vite et au bon endroit. En course au large, c’est la seule qui propose ça. Ce principe rend le jeu très excitant. Je suis sûr qu’il n’y a pas untel ou untel qui a un bateau dernière génération qui ira plus vite que moi…
Le bateau, vous avez déjà une bonne maîtrise ?
On l’a tous découvert en février-mars. C’est très court comme période d’apprentissage pour trouver les petits détails qui permettent d’aller plus vite que le voisin. Entre la première étape et la dernière de la Solitaire, on aura plus appris sur ce bateau que lors des trois mois écoulés. Il y a encore plein de choses qu’on n’a pas explorées. S’il y a une étape dans des conditions musclées, ça va être la découverte pour tout le monde.
On dit souvent que la Solitaire est l’une des courses les plus épuisantes. Pourquoi ?
C’est un format particulier. C’est du demi-fond. Quand on part sur des tours du monde, des transatlantiques, c’est tellement long qu’il faut avoir un quota de sommeil minimum qui permet de ne pas devenir fou et de ne pas s’écrouler. Là, on est sur des étapes sur trois ou quatre jours, on se rend compte qu’on peut dormir très, très peu. On tient ce rythme car on a en tête que la compétition est serrée et courte. On a en permanence des bateaux autour de nous comme si c’était une régate en baie qui dure une heure, et ce jusqu’à l’arrivée.
Qu’est ce qui vous permet de tenir ?
L’adrénaline générée par la compétition permet de tenir des rythmes de sommeil complètement effarant. Moi, j’ai commencé cette course, je ne pensais pas être capable sur trois jours de dormir deux fois vingt minutes. En fait, si, c’est possible. C’est possible, mais ça fait mal. Il faut puiser dans ces ressources. Quand on arrive à terre, on s’écroule souvent. L’épreuve dure quatre semaines, il faut vite récupérer le mieux possible après chaque étape. On repart toujours plus fatigué qu’à l’étape d’avant. Au bout des quatre semaines, il faut au moins un mois de récupération, voire un peu plus. Cela dépend des éditions et de l’âge (rires).
*2.000 milles répartis sur quatre étapes et va passer par l’île de Man, au départ de Nantes, via Kinsale, la baie de Morlaix et Dieppe.