PORTRAITBouchra Akdim, «présidente, copine, maman, prof» du club de Bellevue

Journée des droits des femmes: Bouchra Akdim, «présidente, copine, maman, prof» du club de foot de Bellevue

PORTRAITDepuis quatre ans, cette femme de 39 ans est à la tête d'un gros club de football de l'agglo nantaise
David Phelippeau

David Phelippeau

L'essentiel

  • Bouchra Akdim est présidente du club de Bellevue (R1) depuis 2015.
  • Ce n’est pas toujours simple pour une femme de se faire une place dans un milieu majoritairement masculin et réputé macho.
  • La jeune femme de 39 ans, au caractère bien trempé, a su se faire accepter et respecter au fil des années.

C’est elle qui le dit : « Au club, je suis copine, maman, prof, assistante sociale… » Bouchra Akdim, 39 ans, est surtout présidente du club de foot de Bellevue (R1) (club de foot de l’agglo nantaise comptant près de 500 licenciés) depuis 2015. Elle ne fait pas figure d’exception dans le département : 10 femmes dans le 44 occupent ce rôle.

Bouchra s’amourache du ballon rond et de la JSC Bellevue en septembre 2010 « en venant inscrire ses jumeaux au foot ». Trois ou quatre mois plus tard et une formation pour encadrer les enfants dans la poche, la voilà coach des débutants. « Non, non, je n’ai jamais pratiqué le foot, s’esclaffe-t-elle. Mais, dans mon quartier à Rennes, quand j’étais enfant, j’étais toujours la seule fille à avoir le droit de jouer avec les garçons ! » Rien d’étonnant à la retrouver donc aujourd’hui et depuis 4 ans à la tête du club de Bellevue.

Elle hésite à se présenter au poste de présidente

En octobre 2015, le président jette l’éponge. Tous les regards se tournent alors vers Bouchra membre du bureau et investi dans différentes missions au club depuis plusieurs années. « C’était la personne parfaite pour prendre la relève, estime Loutfi Zebidi, directeur technique. Tout le monde a validé sa candidature. C’était une évidence. » Par pour tout le monde en revanche. « Ça choquait certains, se rappelle Zebidi. C’était un petit tremblement de terre dans la région. Une femme présidente dans un club de foot communautaire et réputée machiste. Certains se disaient qu’il devait y avoir une erreur… » Première réunion : Bouchra n’est pas candidate. Deuxième réunion : « Après un bon lavage de cerveau au quotidien et voyant qu’il n’y avait personne, je me suis lancé le défi… », avoue-t-elle.

« Changer l’image négative du club »

Objectif : changer l’image négative de ce club de quartier sensible. Sporadiquement, la JSC Bellevue défraie la chronique… dans les pages faits divers. « J’en avais marre de cette image de club de sauvages. » Bouchra Akdim prévient d’emblée. « Avant le vote, je leur ai dit : "Vous allez me trouver révolutionnaire". Ils ont tous rigolé et m’ont dit : "Mais, tu l’es déjà, tu es la seule femme coach sur les terrains de Bellevue !" Avec moi, ils savaient à quoi s’attendre. Je leur ai dit de bien prévoir suffisamment de boîtes de Doliprane car j’allais leur donner mal à la tête. Tout ce qu’on fait mal, on va devoir le faire bien, j’ai ajouté. »

Une grande gueule au grand cœur

Cette très grande gueule dans un monde constitué majoritairement d’hommes, Bouchra la revendique. « Quand il faut l’ouvrir, elle l’ouvre, et les gens l’acceptent car elle a fait ses preuves », selon Loutfi Zebidi. « Il fallait avoir du courage pour reprendre la présidence du club en 2015, permettez-moi de le dire ainsi et même pour une femme, mais Bouchra en a "eu", estime Ali Rebouh, adjoint aux sports à la ville de Nantes. Il en faut de la volonté pour s’occuper d’un club de quartier pas simple. Ce n’est pas la même chose d’être présidente du club de Bellevue que de l’être à Vertou. »

Une autre approche des relations humaines qu’un homme

Dialogue, écoute, psychologie… Bouchra apporte « plus de douceur » – selon ses propres termes – qu’un président-homme. « A l’image de Bouchra, une femme temporise, estime Alain Martin, président du district de foot dans le 44. Il n’y a pas que les résultats sportifs qui priment pour les femmes présidentes, il y a le bien vivre ensemble qui compte avant toute chose. » Ali Rebouh : « Bouchra est un atout pour apaiser les relations. C’est un vrai plus dans les rapports humains. » Ce qui fait dire à Loutfi Zebidi que « le nombre de convocations devant la commission de discipline a été divisé par 40 depuis qu’elle est là ». Alain Martin regrette néanmoins que Bouchra ne soit encore « pas assez épaulée ». « Elle a du caractère, mais d’autres en ont autour d’elle… »

« Loutfi, tais-toi !!!!»

Derrière la main courante, tous les samedis et tous les dimanches, cette ancienne étudiante en LEA (langues étrangères appliquées) veille. « Je suis aux aguets et si quelqu’un s’adresse mal à un arbitre par exemple, j’y vais et je gueule. » Comme ce dimanche de Coupe de France en novembre dernier, où elle avait hurlé « Loutfi [Zebidi], tais-toi ! » à son entraîneur joueur qui était remonté comme une pendule contre l’homme en noir.

« La seule fille capable de s’arrêter sous le porche de Bellevue et de discuter avec les jeunes, c’est moi aujourd’hui. C’est mon côté à la fois féminin et garçon manqué. Je suis acceptée par eux. Certains sont pourtant des durs à cuire, mais jamais on ne m’a répondu. » Un respect acquis au fil des années par ses paroles et mais aussi ses actes. « Les gens savent ce que je fais pour le club, le temps que j’y consacre [elle est sans emploi]. C’est pour eux que je donne tout ça. Quand je râle, quand j’en ai marre et que je parle d’arrêter, mon mari me dit souvent : "Mais, tu vas arrêter quoi ? Tu ne peux pas, ça ne serait pas toi…" Le club de Bellevue représente une partie de moi. »