Nantes: « Quand on expulse les Roms, on ne fait que repousser le problème »
SOCIETE•Près de 130 personnes d'origine rom ont quitté leurs bidonvilles pour vivre sur des terrains aménagés à Rezé. Avant, peut-être, d'intégrer un logement...Frédéric Brenon
L'essentiel
- Trente familles roms de Rezé vivent depuis fin octobre sur deux terrains mis à leur disposition.
- Elles disposent de caravanes en bon état, de sanitaires et d’électricité.
- Le premier bilan de l’expérimentation, prévue pour durer deux ans, est jugé « positif ».
«S’occuper des Roms, ce n’est pas très populaire dans notre société. Mais il fallait le faire » est convaincu Gérard Allard (PS), maire de Rezé. Fin octobre 2017, trente familles roms quittaient les trois bidonvilles rezéens où elles vivaient depuis parfois plus de cinq ans « dans des conditions d’hygiène déplorables », à quelques mètres de la Loire. Pas d’expulsion précipitée, sous pression des forces de l’ordre, comme elles en ont déjà connu. Mais un déménagement vers deux terrains (4.000 et 2.100 m2), plus dignes, aménagés par la mairie.
Elles y ont trouvé des caravanes d’occasion « en bon état » mais aussi des toilettes, des douches, de l’électricité, un parking. Quatre mois plus tard, les anciens bidonvilles ont été détruits et Alina, 27 ans, apprécie le changement. « On est bien ici. On a du chauffage, de l’eau au robinet. Pour les enfants c’est très important. On peut cuisiner et dormir à l’abri. La caravane d’avant était cassée, la pluie rentrait. »
« Ce n'était pas gagné d'avance »
Près de 90 personnes, dont une trentaine d’enfants, vivent comme Alina près du centre commercial Atout sud. Dix autres familles ont été logées près de la porte de Rezé. Elles sont accueillis pour une durée maximum de deux ans. L’objectif est qu’elles puissent « accéder plus facilement à l’emploi » et « s’insérer dans un parcours de droit commun ». La commune, le département et la métropole ont dépensé 450.000 euros pour financer cette démarche inédite dans l’agglomération nantaise.
Et le premier bilan est positif. « Tout le monde paie son loyer [entre 10 et 80 euros mensuels selon le quotient familial] et suit les cours de français. Les enfants vont à l’école tous les jours. Les règles de vie sont respectées, même s’il y a des points de vigilance comme le tri des déchets ou l’accueil de personnes extérieures. Ce n’était pas gagné d’avance car la marche était haute pour ces familles. Mais je crois qu’elles ont bien compris les enjeux », constate Anne-Laure Brizé, gestionnaire des deux sites.
Un modèle transposable dans le reste de l'agglomération?
Aucune nouvelle famille ne sera accueillie sur place, prévoit l’accord. À l’inverse, deux ont déjà intégré un logement social. Dimitru, 28 ans, ne se sent pas encore prêt. « Un appartement, c’est compliqué, c’est cher. Il faut trouver un bon travail. Pour l’instant on n’a pas de ressource. » « Il faut être patient, reconnaît Gérard Allard. Mais les débuts sont encourageants. »
Le modèle est-il transposable ailleurs ? « Je pense que oui, répond l’élu. On voit que ce n’est quand même pas insurmontable pour une ville de 40.000 habitants comme la nôtre. Peut-être que cette démarche va déclencher des propositions ailleurs. Quand on est maire et qu’on expulse, on ne fait que repousser le problème. »
La Loire-Atlantique est le département métropolitain où l’on compte le plus de personnes vivant des campements illicites. Il y a un an, le département recensait plus de 1.900 habitants de bidonvilles, le plus souvent des Roms. Majoritairement dans l’agglomération nantaise.