STX France: Paris lance un ultimatum, Rome répond fermement
ECONOMIE•Bruno Le Maire fait monter la pression, et envisage une nationalisation des chantiers navals STX de Saint-Nazaire...J.S.-M. avec AFP
C’est une vraie bataille navale… au sujet des chantiers navals de STX France, à Saint-Nazaire. La France fait monter la pression. Et l’Italie répond sur le même ton. « Nous souhaitons pouvoir maintenir un contrôle à 50-50 avec nos amis italiens », a déclaré le ministre de l’Economie Bruno Le Maire. Mais « si jamais ils refusent la proposition honnête qui leur est faite, l’Etat exercera son droit de préemption », en rachetant « les parts » que Fincantieri devait acquérir, a-t-il lancé sur franceinfo. Ce droit de préemption expire samedi.
« Sur STX, nous sommes clairs depuis le début »
Rome a réagi vivement à cet ultimatum. « Sur STX, nous sommes clairs depuis le début. Le précédent gouvernement français a demandé à Fincantieri de s’intéresser (au dossier) et le groupe l’a fait avec un projet industriel solide qui a des conditions fondamentales », a affirmé le ministre du Développement économique, Carlo Calenda.
« L’Italie n’a aucune intention d’aller de l’avant si ces conditions ne sont pas là », a ajouté Carlo Calenda, pour qui ce dossier est « un bon test pour comprendre si celui qui parle d’européisme et de valeurs libérales ensuite les applique », en faisant allusion à des propos du président français Emmanuel Macron.
Fincantieri « n’a pas à tout prix besoin de STX »
« Il n’y a aucune raison pour laquelle Fincantieri devrait renoncer à la majorité et au contrôle de la société française », a renchéri le ministre des Finances, Pier Carlo Padoan. Une source proche de ce ministère souligne que Rome exigeait « la majorité du capital, même de peu, par exemple 51 %, et le contrôle du conseil d’administration afin d’assurer une gouvernance adéquate ». Tout en se disant « confiant » sur un éventuel accord, le patron de Fincantieri Giuseppe Bono a souligné que son groupe n’avait « pas besoin de STX à tout prix ».
Selon l’accord initial, le constructeur italien devait reprendre d’abord 48 % du capital des chantiers de Saint-Nazaire et rester minoritaire pendant au moins huit ans, épaulé par l’investisseur italien Fondazione CR (Cassa di Risparmio) Trieste à hauteur d’environ 7 %.
Côté français, l’Etat devait conserver un tiers du capital et un droit de veto, mais les syndicats et les élus locaux, estimant que Fincantieri serait de facto majoritaire en raison de ses liens avec l’autre actionnaire italien, redoutaient de le voir privilégier ses propres chantiers.
Les syndicats inquiets
Le 31 mai, Emmanuel Macron avait demandé que cet accord « soit revu ». Selon Bruno Le Maire, la mise en œuvre du droit de préemption impliquerait un engagement financier « limité », de « plusieurs dizaines de millions d’euros », avec une prise de contrôle provisoire.
Cette opération donnerait « du temps pour renégocier un nouveau pacte d’actionnaires », a-t-il expliqué. Selon la proposition transmise en fin de semaine dernière, Fincantieri obtiendrait 50 % de la nouvelle structure, les 50 % restants étant répartis entre l’Etat français (via BpiFrance), Naval Group (ex-DCNS) et les salariés des chantiers navals.
Du côté des syndicats français, Christophe Morel, délégué CFDT, a estimé que « cela n’aurait d’intérêt pour personne » de ne pas parvenir à un accord. « On va repartir dans une période d’incertitudes qui pourrait peser sur de futures commandes potentielles et sans certitude de retrouver un industriel derrière ».