INTERVIEW«Une époque qui m'a servi en tant qu'homme...», raconte Issa Cissokho

FC Nantes: «Une époque qui m'a servi en tant qu'homme...», raconte Issa Cissokho

INTERVIEWL'ancien défenseur des Canaris (2010-2015) suivra de très près, samedi, le 32e de finale entre le FCN et Blois, une ville dans laquelle tout n'a pas été simple pour lui...
Issa Cissokho, quand il était jeune en 2013
Issa Cissokho, quand il était jeune en 2013 - Fabrice Elsner/20MINUTES
David Phelippeau

David Phelippeau

Il n’a pas perdu son éclat de rire légendaire. Bien qu’il vive des moments compliqués au Genoa en Italie (aucun match cette saison), Issa Cissokho (31 ans) ne se départit jamais de sa bonne humeur. L’ex-Canari n’a pas rechigné à répondre à toutes les sollicitations médiatiques cette semaine. Et pour cause : pour évoquer ce 32e de finale entre Blois (CFA 2) et Nantes (samedi, 18 heures), le Sénégalais était l’homme idoine. Blois lui a fait aimer le ballon rond, Nantes, lui a permis d’en vivre.

Quelle a été votre réaction lorsque vous appris le tirage ?

J’étais très content. Ce sont deux équipes qui me sont chères. J’ai commencé le foot et grandi à Blois, ensuite, le monde pro s’est ouvert pour moi à Nantes. Ce match est vraiment quelque chose de spéciale pour la ville de Blois. Mon téléphone a été sollicité le soir du tirage, c’est mon petit frère qui me l’a annoncé. J’ai eu un coup de rage (rires), je me suis dit que j’aurais dû rester un peu plus longtemps à Nantes…

Quand vous êtes retourné à Blois durant la trêve, on a dû vous en parler ?

On m’en a beaucoup parlé. On sent l’engouement car cela fait un petit moment que ce club n’a pas reçu une équipe professionnelle.

Cela représente quoi pour vous Blois dans vos souvenirs ?

C’est là où mes parents sont arrivés en 1987. J’ai étudié au collège Rabelais, mais je suis vite parti étudier à Château-Renault [près de Tours] dans un centre de formation de foot. J’ai alors quitté mon quartier Kennedy. Il y avait des quartiers assez chauds à Blois, mais on a eu la chance - moi et mes frères [Demba et Aly] - de recevoir une très bonne éducation. On n’a pas dérivé. Aujourd’hui, on remercie encore nos parents car on aurait pu mal tourner…

Quel type d’enfance avez-vous eu là-bas ?

Ça a été une enfance plutôt sympathique. Je me souviens qu’on demandait des paires de chaussures très chères à mon père alors qu’on était quatre à jouer au foot. Je suis très heureux d’avoir grandi à Blois et fier de représenter encore aujourd’hui cette ville.

Et les souvenirs de quartier ?

J’en garde un. Un jour, avec mes deux frères et mon père, on part à un tournoi de foot. On a eu un gros accident de voiture, on a fait des tonneaux. On a tous fini aux urgences. Le fait que tout le monde soit sain et sauf était un vrai miracle, cet événement - que je raconte peu - m’a changé…

Et les débuts au foot à Blois…

Avec mes frères, on jouait à l’AAJB et tous nos potes au BUS. D’ailleurs, on voulait aller jouer aussi au BUS, mais mon père ne voulait rien lâcher. Il nous avait dit : "Le premier qui part jouer dans ce club, je ne lui achète plus de crampons !" Nous, on jouait en rouge et eux, en jaune. C’était la guerre quand on jouait les uns contre les autres. Un jour, on s’affronte. Au début, on gagne 1-0, c'est même moi qui marque un coup franc. Mais, au final on perd 9-1. C'est une histoire qu’on se raconte souvent à Blois.

Lorsque vous rentrez en 2006 du centre de formation de Guingamp, vous refusez de revenir à Blois par fierté, c’est ça ?

Oui, c’était trop difficile de rentrer tout de suite à Blois. Tout le monde pensait que j’allais y arriver. J’ai donc signé à Orléans (CFA) par fierté. Je touchais 200 euros… Je n’avais pas calculé tous les allers-retours en train que je devrais faire. Cette époque-là m’a fait grandir.

Vous avez bien galéré…

Oui, un soir, j’avais même dormi dans une tour à Orléans. J’étais monté au 11e étage, il faisait froid. Je n’avais pas moyen de repartir. Un ami chez qui je devais dormir m’avait planté. Je n’avais plus le choix, je n’avais pas voulu déranger mon grand frère et je ne voulais pas qu’il sache dans quelle galère j’étais. Je suis resté dormir sur place. Le lendemain, j’avais un match. Je suis parti déjeuner au Quick. Le pire c’est que j’étais remplaçant. J’étais rentré cinq minutes. Le calvaire total, mais tout ça m’a forgé un caractère. De galérer comme ça, de ne pas avoir de sous et de ne pas avoir de petite amie… J’étais seul au monde !

En 2007, retour alors sur Blois (CFA 2)…

Oui, dans le but de travailler. Je ne voulais plus entendre parler de foot. Je voulais y jouer, mais pour le plaisir. J’avais trop galéré. Je suis rentré chez mes parents, j’étais bien. J’ai fait un essai à Blois. Beaucoup ne le savent pas, mais oui, j’ai fait un essai. Le coach m’a pris. J’ai réussi à décrocher un contrat CAE [contrat d’accompagnement dans l’emploi]. Je touchais une rémunération de 900 euros. J’étais chez mes parents, c’était tout bénef. J’ai réussi à m’acheter ma première voiture… J’entraînais les jeunes aussi. Et puis, j’ai dû marquer une dizaine de buts. A la fin de la saison, je signais à Carquefou (CFA 2)… C’est une époque qui m’a servi en tant qu’homme et qui aujourd’hui me fait relativiser ce qu’il m’arrive.

Et pour qui êtes-vous samedi, Blois ou Nantes ?

On me dit de choisir entre Blois et Nantes, c’est comme choisir entre ma mère et mon père. C’est difficile. Ce sont mes deux clubs de cœur. Après, Blois c’est ma ville d’enfance. On va dire que je suis pour Blois quand même.