De «faux» Tintin écoulés sur eBay
PROCES – Le collectionneur avait vendu environ 200 BD «contrefaites». De un à deux mois de prison avec sursis ont été requis contre lui…A Nantes, Guillaume Frouin
Mille sabords! De un à deux mois de prison avec sursis ont été requis jeudi à l’encontre d’un collectionneur tintinophile de 38 ans. L’homme, agent SNCF de profession, était jugé par le tribunal correctionnel de Nantes (Loire-Atlantique) pour avoir vendu sur eBay environ 200 BD «contrefaites» du reporter à la houpette.
Il s’agissait selon lui de «parodies» de l’oeuvre d’Hergé, comme il en existe plus de 300 au monde depuis le décès, en 1983, de l’auteur. Certaines, farfelues ou politiquement engagées («Tintin en Irak», «La vie sexuelle de Tintin»...), portent atteinte à l’image du héros, selon la société Moulinsart, qui gère les intérêts des ayant-droits d’Hergé.
«Je suis passé à Blake et Mortimer»
Le prévenu, qui achetait ces «adaptations» de Tintin aux puces ou sur Internet, les faisait reproduire dans un atelier de reprographie. Il aurait ainsi généré près de 1.000 euros de profit entre 2000 et 2006. Pour la petite histoire, après avoir été collectionneur de Tintin pendant vingt ans, l’homme a aujourd’hui tourné la page. «Je suis passé à Blake et Mortimer», a-t-il expliqué au président du tribunal.
«Nous avons déjà eu à traiter des procédures similaires, mais jamais de cette ampleur-là», assure plus sérieusement Me Claude Prevot, l’avocate de la société Moulinsart. «Il y avait un réseau organisé derrière, avec des tampons encreurs, un imprimeur... Ces produits prennent une valeur assez folle sur le marché parallèle: dans un échange de mails avec un acheteur, le prévenu négociait la vente de deux albums à 500 euros, alors qu’un album original coûte 9,40 euros.»
«Ce n’est pas parce que Tintin fait partie de l’inconscient collectif qu’il fait partie du patrimoine collectif», insiste l’avocate, qui réclame dans la foulée 35.000 euros de dommages et intérêts et une publication judiciaire «pour montrer qu’on ne badine pas avec Tintin».
Le procureur de la République, sur la même longueur d’ondes, demande de son côté «de un à deux mois de prison avec sursis».
Stéphane Lallement, l’avocat du tintinophile, joue lui sur «l’exception de parodie», qui permettrait à son client d’échapper aux poursuites de «contrefaçon par édition ou reproduction d’une oeuvre au mépris des droits de l’auteur». «La veuve d’Hergé dirige la société Moulinsart d’une poigne de fer», estime-t-il. «Elle se pose en gardien du temple, dans lequel personne ne rentrera.»
«Pourtant, une adaptation mettant Tintin en scène dans un mouvement social anarchiste est en vente libre sur Amazon.fr pour 17,01 euros», fait remarquer l’avocat. «D’autres produits, jugés contrefaisants par la société Moulinsart, sont également vendus sur le site de la Fnac. J’attends donc que la Fnac soit jugée un jour devant ce tribunal», ironise Me Stéphane Lallement.
Le jugement a été mis en délibéré au 5 décembre.