Nantes: J’ai testé un concert de jazz à 8h du matin, à la fraîche
LES RENDEZ-VOUS DE L'ERDRE•Notre journaliste a avancé son réveil de 2 heures et fait une demi-heure de route pour assister à son premier concert du matin...Julie Urbach
Bon, ok, j’ai longtemps hésité. Il faut dire que l’événement n’avait au départ pas grand-chose pour me brancher : un concert de jazz (bof, je n’y connais rien) sur le port de Nort-sur-Erdre (8.000 habitants, 30 minutes de route depuis Nantes), vendredi. Le tout à un horaire auquel je commence d’habitude tout juste à émerger, et encore, soit 8 h du mat' pétantes.
Depuis ce jeudi soir et tout le week-end, les Rendez-vous de l’Erdre célèbrent leur trentième édition. Si ce festival de jazz et de belle plaisance entièrement gratuit est d’habitude pour moi l’occasion d’un apéro entre amis le long du fleuve, j’ai eu envie de m’y intéresser davantage. Et ce grâce à la programmation spéciale jouée cette année dans « 30 lieux insolites ». « Ca va être un lever de soleil en musique, quelque chose d’exceptionnel », m’avait vendu le directeur du festival, Loïc Breteau. « Au moins, à cette heure-là, peu de risque de mourir de chaud », m’étais-je dit, plus terre à terre, en ces températures caniculaires.
Une fausse note ? Non, un canard
Sur ce dernier point, j’avais raison. Si à 7h58, le soleil était déjà haut dans le ciel (raté pour le lever), c’est un vent frais qui m’accueille sur le port. Marie-Françoise et Michelle, enveloppées dans des châles, font partie de la dizaine de personnes qui attendent déjà. « Il faut être vaillant, sourient ces deux amies, venues d’une commune proche. Mais le musicien vaut vraiment le coup ». A peine le temps de taper « Louis Sclavis » sur Google : j’entends déjà les premières notes de musique derrière moi.
Debout sur un bateau en plein milieu du port, cette pointure du jazz européen entame un air de clarinette. Ils sont maintenant une cinquantaine, massés sur l’étroit ponton, à dodeliner de la tête ou à sortir leur portable, pour garder un souvenir. Soudain, un petit écho, comme une fausse note, sort de l’eau. Un canard qui passait par là. « C’est un moment magique, tout simple, confie Sandrine, 47 ans. Que l’on peut savourer sans forcément tout savoir du jazz » Et si elle n’avait pas tort, finalement ?
Le jazz « aide à être moins speed »
Sclavis change d’instrument et tout en continuant à jouer, se déplace doucement pour saluer le reste du public, de l’autre côté du bassin. Comme dans le conte du joueur de flûte de Hamelin, (sauf qu’ici, ça finit bien), les gens, désormais presque 200, sont comme attirés et l’accompagnent en formant un cortège. « On est venus en famille pour savourer le moment présent, raconte Jocelyn, qui finit sa viennoiserie. Le jazz est une musique propice à ça, il nous aide à être moins speed. Le matin, sans les lumières et avec moins de public, c’est une autre énergie. »
Après 30 minutes musicales hors du temps (il faut dire que tout le monde n’est pas encore totalement réveillé), c’est maintenant au bar (enfin, au stand de boissons chaudes et brioche) que ça se passe. Celui qui se produira encore à six reprises tout le week-end, parfois devant des milliers de personnes, sirote son café.
« En plein air, les gens sont un peu partout, donc il faut envoyer, explique Louis Sclavis. Le matin, ils n’ont pas la même écoute. Comme si la musique les nettoyait pour bien commencer la journée. » Lavée certes, mais bien crevée. Le coup de barre de milieu d’après-midi n’a pas mis longtemps à arriver.