INTERVIEWPourquoi aller au Hellfest ou à Lourdes c'est (un peu) pareil

Pourquoi faire un pèlerinage à Lourdes et aller au Hellfest, c'est (un peu) pareil

INTERVIEWCorentin Charbonnier a soutenu la première thèse universitaire dédiée au Hellfest, dont la 11e édition démarre ce vendredi. Il assimile le festival à un pèlerinage...
Julie Urbach

Propos recueillis par Julie Urbach

Passionné de métal et habitué du Hellfest, Corentin Charbonnier, 33 ans, a soutenu en décembre à Tours la première thèse universitaire dédiée au rendez-vous de musiques extrêmes de Clisson, dont la 11e édition démarre ce vendredi et pour trois jours. Récompensé par la mention « très honorable », le travail de ce chargé de recherches doit bientôt faire l’objet d’un livre.

Votre propos est que le Hellfest est comparable à Lourdes… Vraiment ?

Quand on s’intéresse à comment le Hellfest se prépare, comment les gens s’organisent pour se retrouver pendant trois jours en dehors du temps, c’est exactement le concept de pèlerinage que l’on retrouve dans les écrits en anthropologie, comme on part à Saint-Jacques-de-Compostelle. Bien sûr, les festivaliers ont des pratiques très différentes : on va plutôt communier avec la bière, faire les cornes du diable devant la Mainstage, partir dans des danses tribales…

Corentin Charbonnier a soutenu la première thèse sur le Hellfest.
Corentin Charbonnier a soutenu la première thèse sur le Hellfest. - DR

Dès l’achat du pass, c’est un événement très ritualisé. On voit aussi le succès du « merch », la fierté de porter le t-shirt du festival, comme un signe de reconnaissance. L’acheter sur place a une valeur très symbolique, comme celle de ramener une Vierge de Lourdes.

C’est pour cela qu’il suscite un fort engouement…

C’est l’un des seuls festivals en France où toutes les places peuvent se vendre sans que la programmation ne soit connue. Ce n’est pas étonnant car le Hellfest est un rite de passage : une fois que tu le vis, tu es perçu différemment dans la communauté métal.

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On vient pour participer à une communauté, quelque chose de plus grand qu’une seule tête d’affiche. De toute façon que sur les 180 groupes programmés, il y en aura au moins 30 que l’on adore. Même si on sait que Metallica ou AC/DC ce n’est pas possible, voir Ramstein pour quelqu’un qui les écoute depuis des années, c’est passionnant, comme une rencontre avec le sacré.

Une autre raison est que le festival, autofinancé, a besoin de son public pour vivre et inversement : les organisateurs sont vraiment à l’écoute des festivaliers et le lieu a très vite gagné en confort. Un fan club du festival a même été créé récemment.

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Comprenez-vous les critiques ?

Faire cette thèse pour laquelle j’ai réalisé 300 entretiens pendant sept ans permet aussi de casser les clichés sur les métalleux, et montrer que ce ne sont pas des gens obtus, sans diplômes ou dangereux. Au Hellfest, il y a une ambiance bon enfant où toutes les professions et tous les âges sont représentés. Ce sont en général des gens très bien intégrés qui veulent un exutoire. Beaucoup prennent leurs vacances annuelles spécialement pour l’occasion !

Après, je comprends que le métal puisse choquer un peu, mais il faut juste tenter de l’accepter. Aller à l’encontre des normes, aborder des thématiques sombres, en jouer, c’est la façon d’exister de cette musique depuis 1970…