FC Nantes: «On parle plus de la tribune Loire que de ce qu'il se passe sur le terrain!», regrette Jean-Jacques Eydelie
INTERVIEW•A quelques heures de FCN-Marseille, l'ancien milieu de terrain des Canaris (et de l'OM) est très pessimiste sur l'avenir à long terme du club nantais...David Phelippeau
Avant même le début de l’interview, Jean-Jacques Eydelie (49 ans) précise bien qu’il n’a rien à cacher et aucun sujet tabou. A quelques heures de FCN-Marseille, l’ancien milieu de terrain des deux clubs (entre autres) a accordé à 20 Minutes Nantes un long entretien. Son passé (affaire OM-VA), sa vie actuelle, sa vision du foot et du FCN actuel. Tout y passe. Sans aucune langue de bois.
Que devenez-vous?
Je suis à la recherche d’un club, pas forcément en France [sa dernière expérience de coach remonte à avril 2014 à Africa Sports d'Abidjan]. Je suis tenté de repartir à l’étranger. Le diplôme que j’ai me permet d’entraîner en Afrique et en Asie. J’explore en France, mais les portes ne s’ouvrent pas forcément.
Pour quelles raisons?
Je n’ai pas d’explications, à part que les places sont chères. Je peux rajouter que mon nom peut effrayer certaines personnes par rapport au passé [affaire OM-VA dont il était au centre].
Pourrez-vous décoller un jour l’étiquette de cette affaire?
Non. Il y a des gens qui ne mettent jamais ça en avant et qui mettent plus le titre en exergue... Mais, cette affaire revient tout de suite. Ça fait partie malheureusement de mon cv et de mon nom.
Pourquoi avoir écrit déjà deux livres sur le foot?
Je voulais me "vider" de toutes ces vérités non dites sur l’affaire VA-OM [Je ne joue plus notamment], me soulager de tout ça. Je me suis rendu compte que ça ne servait à rien de protéger certaines personnes. Le mensonge, la tricherie et le vol à l’arrivée ne correspondaient pas aux valeurs qu’on m'avait inculquées depuis ma tendre enfance. Je ne suis plus au temps des regrets, et j’assume surtout.
C'est paradoxal. Vous décrivez les travers du football dans vos livres, mais vous voulez toujours travailler dans ce milieu?
Je sais de quoi sont faites les valeurs du foot. Ce sport peut toutefois engendrer des attitudes inadaptées aux vraies valeurs. Il faut savoir les identifier. Beaucoup ont été capables de mettre leurs valeurs dans un mouchoir pour pouvoir réussir. Je peux me reprocher ça aussi d'ailleurs. Je n’ai pas parlé et écrit des livres pour passer pour un chevalier blanc. Je pense qu'il n’est jamais trop tard pour dire les choses. De plus, je crois aux gens, à la sincérité dans le foot. Mais, je ne suis pas dupe, il y aura toujours des tricheurs partout, et surtout dans le foot vu l’argent qui y circule.
Avec tout ce qu'il vous est arrivé après le centre de formation de Nantes, avez-vous un reproche à faire à la formation nantaise?
On avait tendance à seulement former des joueurs et pas assez des hommes. A Nantes, on sentait cette fragilité, surtout quand on quittait le club. On s’aperçoit avec le temps que ce qui est primordial c’est de former des hommes. Etre formé que pour le jeu, ça nous a enlevé la vérité de la vie. C'est un des oublis du club.
Quel regard portez-vous sur le FC Nantes actuel?
Je ne veux pas critiquer les gens en place [Der Zakarian et son staff], mais je suis très déçu de ne toujours pas voir de «descendance» à Jean-Claude Suaudeau. Depuis Coco [le surnom de Suaudeau], on n’a rien revu de semblable, du coup, je suis inquiet pour le club. Je ne veux pas parler du président Kita, mais le souci il est dans ce qu’il se produit sur le terrain. Il manque trop de choses. Cette saison, on parle plus de la tribune Loire que de ce qu'il se passe sur le terrain.
C’est un discours de vieux nostalgique?
Non. Ce n’est surtout pas en oubliant le passé que ça marchera. Pour pratiquer ce jeu [à la nantaise], il faut être courageux. Si on est sur terrain pour jouer et ne pas prendre de but ou pour ne pas perdre, ça ne va pas dans le sens du jeu tel que je le conçois. Je croyais que tous ces gens qui avaient été instruits par Coco Suaudeau avaient gardé le sens du message sur le jeu. Là, il n’y a plus rien, plus de recherche d’espaces, de simplicité dans le jeu. Je souffre quand je vois le FC Nantes actuellement. Le président Kita, il dépense son argent. Mais pour quoi? Quelle identité?
Une fois qu’on a dit ça, c’est quoi la solution?
Il faut mettre les anciens à la base de tout, dès le plus jeune âge et arrêter de placer des mecs qui n’apportent rien. Je pense que leur intérêt prime avant l’intérêt du club. On nous répète que le FCN d’avant c’est fini, les gens maintenant en sont persuadés.
Concrètement, quels anciens faut-il rappeler?
Il faut demander à Suaudeau ce qu’il veut faire pour le club, qu’on le laisse tranquille et qu’il choisisse les techniciens, même s’il y en a 50 au portillon qui veulent venir bosser... Goethals, quand il est champion d’Europe avec l’OM, avait 72 ans. Coco a 76 ans. Qu’est ce qu’on attend pour le rappeler? Qu’il soit mort? Je l’ai revu une fois depuis 1992. Je lui avais demandé: «qu’est ce que vous attendez pour retourner au club?» Il ne m’avait pas répondu. Le connaissant, si j’avais dit une grosse connerie, il m’aurait repris de volée.