En 2015, en L1, le FC Nantes ne marque quasiment plus (1 but en 7 matchs). Et du coup, il ne gagne plus (3 nuls et 4 défaites en L1). Problème physique? Technique? Ou mental peut-être? L'ossature de l'effectif actuel travaille avec le staff technique depuis presque trois ans. Certains arrivent en fin de contrat (Riou et Bessat) et ne savent pas encore de quoi va être fait leur futur. D'autres pourraient bien avoir des envies d'ailleurs l'été prochain (Cissokho?, Djilobodji?). Beaucoup ne s'estiment pas assez payés par rapport au marché français. 20 Minutes a interrogé Rodolphe Guilbaud, un psychologue du sport de la région, et lui a soumis toutes ces problématiques, inhérentes à la vie de tous les sportifs et de tous les clubs. Rodolphe Guilbaud, qui n'est pas du tout un spécialiste du FC Nantes, s'est prêté au jeu des questions-réponses...

La situation contractuelle d’un joueur peut-elle avoir des incidences sur ses performances?

Nous pouvons imaginer que sa situation, plus particulièrement lorsqu'il est en phase de négociation ou dans l'attente d'une proposition de la part de son employeur, impacte son état d'esprit. Il n'est pas ici question de sa motivation puisqu'il est difficile d'imaginer une volonté chez le joueur d'être contre-performant. Il va plutôt être question de confiance : la confiance que son employeur lui accorde et ainsi celle qui va l'animer sur le terrain.

Comme tout être humain, un joueur a besoin d’être bien dans sa tête pour être bien dans ses «jambes»…

Un joueur ne sera pas contre-performant de manière consciente et délibérée, mais ses contre-performances seront le résultat d'un manque de tranquillité et de sérénité lié à sa situation. D'autant que cette période peut laisser en suspens d'autres questions importantes: le déplacement de la famille (changement d'école pour les enfants, mutation professionnelle de l'épouse...), l'arrivée possible dans un lieu encore inconnu, l'intégration d'un nouveau projet au sein d'un nouvel environnement... autant d'éléments qui peuvent venir perturber l'équilibre du sportif. Bénéficier d'un salaire supérieur à la plupart des personnes permet-il pour autant de ne pas traverser les mêmes difficultés que tout un chacun dans une situation floue et instable? N'est ce pas tout simplement humain?

Peut-on parler de «précarité» même chez les footballeurs, amenés à gagner pourtant beaucoup d’argent?

L'accomplissement total du sportif dans sa pratique va dépendre de la satisfaction de besoins tels que les sentiments de sécurité et de confiance. A partir de la définition de précarité que nous réduisons bien souvent «à tort» à la notion d'argent, nous pourrions même qualifier de «précaires» ces phases de transitions (fins de contrat) que certains joueurs sont amenés à rencontrer régulièrement. Si les sportifs de haut niveau sont souvent qualifiés de privilégiés, il n'en demeure pas moins des êtres humains avec leurs angoisses et leurs doutes, notamment lorsqu'ils sont confrontés à une situation vécue comme instable et inconfortable.

Au FC Nantes, certains joueurs se jugent sous-payés par rapport à ce qu’il se pratique en L1. Quelles peuvent être les conséquences sur leurs performances?

Que représente pour ce sportif l'estimation monétaire que l'on fait de lui? Il faudrait ici s'intéresser au symbole de cette rétribution, notamment à la place que cela donne au joueur au sein du système dans lequel il évolue. L'estimation que fait le club va, selon une grille de valeur, lui indiquer le degré de confiance que l'institution a en lui. Se sentir investi peut constituer un moteur puissant pour la motivation extrinsèque [l’action est provoquée par une circonstance extérieure à l’individu comme la punition, la récompense, la pression sociale etc qui se distingue de la motivation intrinsèque] de l’individu. On pourrait penser que l'argent permet au joueur d'évaluer l'importance que lui accorde l'institution, et non seulement un désir matériel et une volonté effrénée d'en gagner plus.