Nantes: Les 870 avocats du barreau en grève illimitée contre le montant de l'aide juridictionnelle
JUSTICE•Toutes les désignations ou autre consultations gratuites sont arrêtées depuis mercredi midi...Julie Urbach
Ils ont éteint leurs deux téléphones de permanence. Ont noué, symboliquement, un petit ruban noir autour de leurs rabats, et épinglé un gros badge sur leurs robes. Depuis ce mercredi midi, les 870 avocats que compte le barreau de Nantes sont en grève. «La décision est douloureuse mais nous n’avons pas d’autre choix pour être écoutés que de voter ce mouvement illimité», justifie le bâtonnier de Nantes Jacques Lapalus.
Aide juridictionnelle
En pratique, et c’est inédit, plus aucun avocat ne se déplacera jusqu’à nouvel ordre pour les désignations d’office, gardes à vue, permanences ou consultations gratuites. Des activités qu’ils assurent en temps normal grâce à l’aide juridictionnelle, une indemnité versée par l’Etat qui permet la défense des plus démunis. Sauf que son montant, qui stagne depuis des années et qui doit faire l'objet d'une réforme, est au centre du mouvement de grogne. En 2013, à Nantes, 18.000 personnes ont été défendues à ce titre, selon le barreau.
«C’est de notre devoir d’aider tous les justiciables, mais pas au péril de nos cabinets, témoigne une avocate nantaise, qui exerce depuis 25 ans. Le montant pour traiter un dossier est dérisoire, très inférieur au SMIC. On perd même parfois de l’argent.»
Un coup de massue
Les derniers mois ont déjà été marqués par quelques actions ponctuelles mais les avocats ont cette fois décidé de frapper fort, et espèrent que d’autres barreaux en France rejoindront leur démarche. Car plus globalement, ils pointent du doigt les prochaines réformes prévues par le gouvernement, et y voient «la disparition du maillage territorial, au profit d’énormes cabinets». Un statut d’avocat d’entreprise serait en préparation, tout comme l’ouverture des cabinets aux capitaux extérieurs. «C’est un nouveau coup de massue, il y a vraiment trop de mépris à notre égard», estime le bâtonnier.
En plus de la grève des désignations, une journée par semaine (la première se déroule lundi prochain) sera considérée comme «journée justice morte» dans les tribunaux nantais. Aucune audience ne sera assurée, avec une demande de renvoi systématique.