INTERVIEWMohed Altrad se dit « totalement désintéressé » dans sa quête de la mairie

Municipales 2020 à Montpellier : « Je suis totalement désintéressé », affirme Mohed Altrad

INTERVIEWAvant le second tour des municipales le 28 juin, « 20 Minutes » interroge les candidats encore en lice. A Montpellier, Mohed Altrad évoque son programme et justifie sa fusion dans l’entre-deux tours avec des listes très à gauche
Propos recueillis par Nicolas Bonzom et Jérôme Diesnis

Propos recueillis par Nicolas Bonzom et Jérôme Diesnis

L'essentiel

  • Après le premier tour des élections municipales le 15 mars, il reste trois candidats à la mairie de Montpellier : Philippe Saurel (DVG), Michaël Delafosse (PS) et Mohed Altrad (DIV).
  • Arrivé en troisième position, avec 13,30 % des suffrages exprimés, le chef d’entreprise Mohed Altrad a tenté un coup de poker en s’alliant aux deux listes très à gauche, menées par Alenka Doulain et Clothilde Ollier, et celle du populiste Rémi Gaillard (DIV).
  • « Il faut reconnaître qu’il y a un leader. Je suis le chef de file », explique la 31e fortune française, à propos de cette alliance improbable.

Mohed Altrad a réussi la première partie de son pari en s’invitant au second tour des élections municipales de Montpellier. Troisième au soir du 15 mars (13,30% des suffrages exprimés), il a quasiment fait le plein des voix à droite (Alex Larue, candidat officiel du LR, n’a recueilli que 3,83 % des voix). La 31e fortune professionnelle française selon le magazine Challenges (elle est estimée à 3,4 milliards d’euros au 3 juillet 2019), a tenté un coup de poker en incorporant au second tour une vingtaine de candidats issus de trois listes très à gauche, voire même « antisystème », battues, mais en capacité de fusionner.

Leader de cet alliage hétéroclite, il va tenter de ravir le siège du maire divers gauche Philippe Saurel (19,11 % des suffrages) et de dépasser le socialiste Michaël Delafosse, à la tête d’une liste d’union de la gauche (16,66 % au premier tour). Le chef d’entreprise d’origine syrienne, âgé de 72 ans, président du MHR, le club de rugby local, et d’une multinationale qui emploie 42.000 salariés dans le monde (mais quasiment aucun à Montpellier), explique comment il entend gouverner pendant six ans.

Votre carrière professionnelle est flamboyante. Pourquoi voulez-vous aussi être maire de Montpellier ?

J’ai une histoire avec Montpellier. Je suis arrivé à l’âge de 17 ans, j’ai appris le français ici, j’ai fait un premier cycle ici, à la faculté de sciences de Montpellier. Je suis parti à Paris, poursuivre mes études. Et je suis revenu à Montpellier, pour ma carrière professionnelle. Le groupe Altrad est né en 1985. Puis j’ai repris le club de rugby, je me suis marié, j’ai eu des enfants, des petits-enfants. Tout ce que j’ai fait dans ma vie, je l’ai fait à Montpellier. J’avais, depuis toujours, une forme de dette. Je me disais qu’il fallait que je rende quelque chose à Montpellier. Je pensais que le meilleur moyen de rendre service au plus grand nombre, c’était la politique. C’est le moment.

Vous avez annoncé, si vous êtes élu, que vous ne feriez qu’un mandat. Pourquoi ?

Je pense qu’en six ans, on peut faire beaucoup de choses. Je ne suis pas de ceux qui souhaitent que le pouvoir soit concentré sur une seule personne. J’aime partager le pouvoir, déléguer, innover. On peut faire des choses, seul, mais on peut en faire encore plus avec les autres.

Cela signifie que vous pourriez laisser la mairie à Alenka Doulain (DVG), qui vous a rejoint dans l’entre-deux tours, comme le prétend une rumeur ?

Je serai maire de Montpellier, je serai président de la métropole. Et je le serai jusqu’à la fin de mon mandat. Alenka aura évidemment un rôle à jouer, comme beaucoup d’autres. Le travail ne manque pas.

Voulez-vous faire de Montpellier un tremplin ? Convoitez-vous d’autres postes ? De député, de ministre ?

Il ne faut jamais dire « jamais ». Mais a priori, non. Je veux terminer la boucle que je viens de vous décrire, cela s’arrête là. Il n’y a pas d’autres ambitions.

Vous avez évoqué la mise en place d’un plan de relance économique de 1,135 milliard d’euros. D’où vient cet argent alors que le budget annuel de la métropole s’élève à 870 millions d’euros ?

Parlons d’abord des 135 millions d’euros. Il y a 100 millions d’euros pour l’hôpital, 10 millions pour doubler la subvention des associations et 25 millions qui constitueront une aide aux foyers, à hauteur de 1.000 euros. Car il y a beaucoup de chômage. Il faut aider cette population, pour qu’elle puisse avoir un peu d’espoir, un peu de ressources.

Ces 1.000 euros versés à chaque foyer, n’est-ce pas une mesure pour « acheter » des voix ?

Je n’achète pas de voix. Mon discours est clair. Je veux vous servir. Je ne prendrai pas de voiture, je ne prendrai pas de chauffeur. Je conduirai ma voiture. Je ne prendrai pas de salaire. Je ferai un concours, tous les trimestres, pour le décerner à un projet innovant. Je connais l’argent, le pouvoir, la notoriété. Je suis totalement désintéressé. Mon seul souci, c’est de rendre service.

Dans ce plan, il reste un milliard d’euros.

Il faut le découper en quatre tranches de 250 millions. D’abord, la ville et la métropole vont s’endetter pour aider les entreprises. Ensuite, il y a l’argent que le gouvernement a promis pour le redémarrage de l’économie. Et 250 millions qui viennent de l’Europe. Cet argent est disponible. Il suffit de monter les dossiers pour l’obtenir. Enfin, il y a des prêts garantis, pour les entreprises en difficulté, qui ne sont pas en capacités d’emprunter. Nous allons les y aider en nous portant caution.

Ville et métropole participeraient donc directement à ce plan à hauteur de 385 millions d'euros dont 250 en s’endettant. En contrepartie, y aura-t-il des augmentations d’impôts ?

Il n’y aura pas d’augmentation d’impôts sur la mandature.

L’insécurité est un thème souvent pointé du doigt à Montpellier. Que promettez-vous aux Montpelliérains ?

Philippe Saurel [le maire sortant] avait promis d’améliorer la sécurité, ça s’est finalement détérioré. Montpellier n'est pas une ville sécurisée. Il suffit d’interroger les forces de la police municipale, ils vous diront qu’ils ne connaissent pas leur patron, qu’ils n’ont pas de consignes claires, qu’ils ne sont pas respectés. Il faut définir une mission, les respecter, les encourager, les accompagner.

Rémi Gaillard soutient votre liste, l’un de ses colistiers vous a rejoint. Que lui avez-vous promis ?

Nous allons notamment trouver un grand terrain, où il pourra faire aboutir son projet [Rémi Gaillard porte depuis plusieurs années un projet de refuge pour les animaux en semi-liberté].

Mohed Altrad est candidat à la mairie de Montpellier.
Mohed Altrad est candidat à la mairie de Montpellier.  - A. Robert / Sipa

Cette alliance, avec Rémi Gaillard (DIV), Alenka Doulain (DVG) et Clothilde Ollier (ECO), on peut la qualifier d’improbable…

On me classe souvent à droite. Mais vous connaissez mon histoire, je suis né dans la plus grande pauvreté. Selon la définition à la française de la politique, je devrais plutôt être de gauche, ou d’extrême gauche. Alors la vie m’a souri, c’est vrai. J’ai écrit que je voulais rassembler le plus largement possible, à l’exception des extrêmes. Je suis celui qui va fédérer toutes ces énergies, jeunes, qui ont leur place.

Vous ne craignez pas que cette alliance explose à la première étincelle ?

Je ne vois pas pourquoi ça exploserait. Ça n’explose que lorsqu’il y a des conflits d’intérêts entre les êtres. Il faut reconnaître qu’il y a un leader, je suis le chef de file. Mais ils auront tous des rôles à jouer.

Vous refusez les extrêmes. Mais Clothilde Ollier, militante CGT, est tout de même marquée très à gauche.

Faut-il pour autant la stigmatiser, ne pas lui faire porter un projet ?

Vous aviez expliqué que vous étiez pour la suppression du tribunal des prud’hommes, par exemple. Cela peut paraître aberrant à un syndicaliste.

Ça a été déformé, cette affaire de tribunal des prud’hommes. Il nous manquait un élément, qu’Emmanuel Macron a ajouté. Il y avait beaucoup de procédures dans les prud’hommes. Et chaque salarié pouvait demander n’importe quel montant. Il fallait rationaliser cette partie-là, et la rendre un peu plus correcte. Le salarié perd, parce qu’il dépense des frais d’avocats, l’entreprise aussi, plus le temps que vous passez. Depuis sa réforme, il y a un plafond que le salarié peut demander à son entreprise.

Avez-vous discuté de vos divergences potentielles avec vos alliés ? On ne peut pas imaginer que ça tienne, s’il n’y a pas eu de mise à plat au préalable.

La mise à plat, c’est l’économie, et le social. L’un ne va pas sans l’autre. Tous partagent cette idée.

Mohed Altrad est candidat à la mairie de Montpellier.
Mohed Altrad est candidat à la mairie de Montpellier.  - A. Robert / Sipa

Un mot sur l’ex-députée européenne Virginie Rozière (Radicaux de gauche – LRDG). Elle était à vos côtés en septembre, vous a quitté avec pertes et fracas en décembre, et la revoilà sur votre liste (20e) au gré des alliances en juin. En l’acceptant, n’est-ce pas donner l’impression que la politique est une façon de chercher des intérêts plutôt que de défendre des idées ?

Dire que cela n’existe pas, ce n’est pas vrai. Virginie, je ne sais pas pourquoi elle est partie. Je ne sais pas pourquoi elle est revenue.

On dit que Montpellier est sale. Vous avez évoqué la possibilité de mettre en place un audit à ce sujet…

Je ne comprends pas pourquoi la ville n'est pas propre, alors que l’argent est dépensé. Il faut faire un audit, pour savoir si c’est le cahier des charges qui ne correspond pas, si ce sont les sous-traitants qui ne font pas leur travail. Il y a une nécessité de rigueur.

Le groupe Nicollin a-t-il du souci à se faire ?

Non. Je n’ai aucun souci avec eux.

En parlant de Nicollin, quelle est votre position sur la construction d’un nouveau stade de football ?

Je pense qu’il faut le faire, dans la mesure où il s’agit d’argent privé. Cependant, je ne comprends pas pourquoi le stade actuel [la Mosson] n’est pas adapté. C’est vrai qu’il a vieilli. Mais ce n’est pas parce qu’il a vieilli, que l’on ne peut pas le rénover. Il faudra peut-être le rénover.

Votre opinion n’est donc pas tranchée sur le nouveau stade ?

Je ne suis pas contre. Il y a deux options : laisser telle qu’elle la Mosson, et la rénover, dépenser 20, 30 ou 40 millions d’euros, plutôt que 200 ou 300 millions pour la construction d’un nouveau stade. Et l’autre, c’est faire un deal avec la famille Nicollin, pour qu’ils financent [le nouveau stade] à 100 %.

Vous vouliez acheter le stade dans lequel évolue le MHR [le GGL stadium]. Envisagez-vous de mener cette opération, si vous êtes maire ?

Non. Ce stade, je n’ai jamais voulu l’acheter. J’ai voulu que la métropole l’aménage, pour en faire un meilleur usage. Aujourd’hui, ce stade, il est utilisé 24 journées par an. Je voulais qu’il y ait une vie autour du stade. Il n’y en a pas.

Avec votre entreprise, avez-vous ou aurez-vous des contrats, avec la ville de Montpellier ?

Non, aucun. Et par ailleurs, si je suis élu maire de Montpellier, je laisse mon poste de président du club de rugby. Je resterai actionnaire. Philippe Saint-André peut être président ou Jessica Casanova [directrice générale adjointe du club, en charge des finances et du juridique]. Mon fils, aussi, qui travaille dans le marketing.

Continuerez-vous à gérer votre entreprise, tout en étant maire de Montpellier et président de la métropole ?

Vous savez, je ne la gère pas, l’entreprise. Je suis là pour définir les grandes orientations. Je délègue beaucoup. Il faut laisser place aux initiatives personnelles, à des personnes à qui vous faites confiance.