Municipales 2020 à Bordeaux : « Le match n’est pas plié ! », assure l’écologiste Pierre Hurmic
INTERVIEW•Avant le second tour des municipales le 28 juin, « 20 Minutes » interroge les trois candidats encore en lice à Bordeaux. Séparé de Nicolas Florian par seulement 96 voix, Pierre Hurmic (Bordeaux Respire) ne veut pas baisser les bras face à l’alliance LR-LREMPropos recueillis par Clément Carpentier et Marion Pignot
L'essentiel
- Après le premier tour des élections municipales le 15 mars, il reste trois candidats à la mairie de Bordeaux : le maire sortant LR Nicolas Florian allié à Thomas Cazenave (LREM), l’écologiste Pierre Hurmic (Bordeaux respire), et l’anticapitaliste Philippe Poutou (Bordeaux en luttes)
- Arrivé en deuxième position avec 34,38 % des suffrages exprimés à seulement 96 voix de Nicolas Florian, Pierre Hurmic a remis un peu de suspense dans le scrutin bordelais.
- Face à l’alliance LR-LREM, l’écologiste de la première heure montre qu’il ne baissera pas les bras et, qu’à Bordeaux, « le match n’est pas plié ».
Pierre Hurmic a beau avoir réalisé « le meilleur score écologiste au premier tour des municipales dans une ville de plus de 200.000 habitants », comme il le rappelle, ne comptez pas sur lui pour bomber le torse ou être agressif envers ses adversaires, notamment son principal concurrent, Nicolas Florian. Pierre Hurmic parle « idées », « projet » et, dit-il, ne cherche pas la petite phrase pour faire « le buzz ».
L’écologiste de la première heure montre toutefois qu’il ne baissera pas les bras face à l’alliance LR-LREM au second tour de ces municipales à Bordeaux. Pour 20 Minutes, il revient aussi sur le cas Poutou, sa personnalité « girondine », la crise sanitaire et la campagne du second tour.
Que pensez-vous de l’alliance Nicolas Florian (LR)-Thomas Cazenave (LREM) ?
C’est surprenant eu égard à toutes les déclarations de Thomas Cazenave envers Nicolas Florian avant le premier tour. Les mots étaient forts. Mais il y a eu une instruction parisienne avec un accord national LR-LREM pour faire notamment barrage aux listes écologistes. Cet accord a été imposé à ces deux candidats. C’est un accord d’appareil aux antipodes de ma façon de faire de la politique.
Les résultats du premier tour à Bordeaux
Avez-vous été contacté de votre côté par l’un des deux ?
J’ai été contacté pendant la période de confinement par Nicolas Florian et Thomas Cazenave pour faire une union sacrée post-confinement. Mais je n’ai pas les mêmes projets, les mêmes convictions, les mêmes valeurs. Une élection, c’est un débat. Il ne faut pas plier le match. Il faut laisser le choix aux électeurs. Aujourd’hui, il y a deux projets. Un conservateur qui est là depuis 75 ans et le nôtre qui propose une vraie alternative.
Et vous n’avez jamais envisagé de vous rapprocher de Philippe Poutou ?
Il a dit dès le départ qu’il ne voudrait pas d’alliance.
Il vous reproche aussi de l’oublier dans ce second tour ?
Pour moi, il y a deux projets en compétition qui sont au coude à coude. Philippe Poutou, lui, ne veut pas gagner, il veut juste compter et il le dit lui-même. Moi, je veux gagner ! C’est la grande différence entre nous. Je pense que le « vote utile » dont parle Philippe Poutou, c’est le vote utile pour la réélection de Nicolas Florian. Le vote Poutou, ce n’est pas un vote pour changer, mais pour compter.
Certains pensent que ce deuxième tour est déjà joué…
Il ne faut pas oublier que nos projets sont arrivés quasi à égalité [96 voix séparaient Pierre Hurmic de Nicolas Florian au premier tour]. Le match est donc très serré et on ne peut pas dire qu’il y a trois équipes. Il faut être sérieux. Le match est bien à deux. Je pense que les électeurs de Philippe Poutou, comme ceux de Thomas Cazenave, sont dans la nature. Ça tombe bien, comme je suis écologiste, je les prends. A la mairie, on fait des additions mais ça ne marche plus comme ça. Nous, nous misons énormément sur les abstentionnistes et notamment les jeunes. Le match n’est pas plié !
Aujourd’hui, tout le monde parle d’écologie. Comment se démarquer ?
L’écologie, c’est avant une question de conviction, de détermination. Thomas Cazenave voulait une ville verte à visiter alors que nous, nous voulons une ville verte à habiter. Nicolas Florian a beau colorier en vert son programme, ça reste superficiel. La différence, c’est l’authenticité. On ne devient pas écologiste la veille d’une élection ou parce qu’il y a eu une crise sanitaire. Tout le monde parle d’écologie, mais, nous, on en fait ! Faire une politique écologiste, c’est s’attaquer aux lobbies. L’une de nos mesures phare est de ne plus construire sur des zones de nature. Bordeaux est une ville bétonnée et il faudra de la détermination pour combattre. J’en ai et je ne crains pas la concurrence.
N’êtes-vous pas trop en retrait dans cet entre-deux-tours ?
On est peut-être rentré en retard dans la campagne du deuxième tour. Mais on a tout stoppé contrairement à Nicolas Florian qui a beaucoup parlé pendant le confinement et même fait distribuer un publireportage sur sa gestion de la crise pendant le confinement. On a peut-être pris un peu de retard mais la campagne met beaucoup de temps à repartir.
Vous êtes aussi beaucoup moins agressif qu’un Philippe Poutou…
C’est peut-être une question de tempérament. Moi, je suis assez mesuré, assez girondin mais je peux être aussi très ferme.
Le manque de médiatisation nationale vous dessert-il ?
Déjà, je n’ai jamais pensé que je pourrais rivaliser avec des Alain Juppé ou Jacques Chaban-Delmas qui avaient des statures nationales. Je suis vraiment un Girondin au sens plein du terme. Je le répète. C’est-à-dire que je n’ai même pas de stature nationale chez les Verts. J’ai toujours été très en retrait par rapport aux appareils politiques. Mon image politique, je me la suis construite pas à pas. Je ne suis sous tutelle de personne. Je n’ai pas à renvoyer l’ascenseur à qui que ce soit. Je suis quelqu’un de totalement indépendant et j’y suis très attaché. Je suis sobre, pas à la recherche de communication et pourtant, j’ai fait le meilleur score écologique dans une ville de plus de 200.000 habitants. Je ne cours pas après les médias mais plutôt après les électeurs (sourire).
Comment allez-vous faire campagne dans ce contexte sanitaire inédit ?
La seule chose qui change, c’est qu’il n’y aura pas de meeting mais on reste très présent sur le terrain. Après, on aurait pu le faire plus tôt…
Est-ce que cette crise peut jouer en votre faveur ?
Je pense que le temps de l’écologie est venu à Bordeaux, comme ailleurs. C’est un rendez-vous historique qui arrive. Je pense qu’il y a une prise de conscience supplémentaire avec cette crise sanitaire. Les gens se sont rendu compte de la vulnérabilité de notre modèle. Les mégalopoles dont rêve Nicolas Florian, c’est fini et la crise l’a démontré.
Si vous êtes maire de Bordeaux, serez-vous aussi président de la métropole ?
Je n’ai pas envie de distribuer les postes avant l’heure comme le font Nicolas Florian et Thomas Cazenave. Ce n’est pas bien vis-à-vis des électeurs et puis, je ne sais pas ce que sera la réalité politique de la métropole. Je considère que le maire de Bordeaux est légitime pour être le président de la métropole. Après je veux casser cette cogestion à la bordelaise. Il ne faut pas forcément que ce soit un maire qui soit président. Il faut sortir des égoïsmes municipaux.