Coronavirus dans l’Hérault : Élu seul au 1er tour, un maire réclame pourtant l’annulation des municipales
POLITIQUE•Laurent Jaoul, maire de Saint-Brès, a déposé un recours devant le tribunal administratifNicolas Bonzom
L'essentiel
- Laurent Jaoul, maire de Saint-Brès, a déposé un recours devant le tribunal administratif de Montpellier pour demander l’annulation des élections municipales.
- Pourtant, l’édile a été élu, seul en lice, dès le premier tour du scrutin, le 15 mars.
- Il ne se sent pas légitime, et dénonce « une véritable mascarade ».
«C’est une véritable mascarade ! » Laurent Jaoul ne décolère pas. Le maire de Saint-Brès (Hérault), une commune de 3.000 habitants située à l’est de Montpellier, demande l’annulation pure et simple des dernières élections municipales. L’élu a déposé lundi matin un recours en ce sens, devant le tribunal administratif.
Pour lui, le scrutin du 15 mars, organisé alors que l’épidémie de Covid-19 sévissait déjà, pose un problème de « sincérité ». « La veille de l’élection, le Premier ministre annonçait aux Français qu’ils devaient rester chez eux, fermant les cafés et les restaurants, les commerces, et les écoles… Transformées en bureaux de vote ! Et, en mairie, nous avons eu des courriers du ministère de l’Intérieur nous indiquant que nous devions tenir cette élection, mais que des mesures devaient être prises à l’égard des personnes fragiles, et de plus de 70 ans. Et que si ces personnes présentaient des symptômes, ils voulaient appeler le Samu. Ce n’est pas sérieux, c’est vraiment n’importe quoi. »
Il n’a lui-même pas voté, « pour la première fois »
De nombreux autres maires en France ont exhorté l’Etat à annuler le scrutin. Mais Laurent Jaoul a une particularité : le 15 mars, seul en lice, il a été élu dès le 1er tour. Mais peu d’habitants de Saint-Brès ont fait ce jour-là le déplacement jusqu’aux urnes : sur 2.424 inscrits sur les listes électorales, seuls 419 ont voté, dont 330 pour le maire. Les autres ont voté blanc ou leurs bulletins ont été comptabilisés comme nul.
Il faut dire que la veille, sur les réseaux sociaux, Laurent Jaoul avait appelé ses administrés à faire l’impasse sur le scrutin, et à rester chez eux. « Ça a été largement entendu », note l’élu, qui pointe du doigt les 82 % d’abstention dans sa commune. Lui-même, « pour la première fois » de sa vie, dit-il, n’a pas voté, bien qu’il ait été présent dans le bureau de vote. « Ce n’est absolument pas représentatif du corps électoral de Saint-Brès, il y a un véritable problème de sincérité sur ce scrutin, assure l’édile. Avec les collègues du conseil municipal, nous avons un vrai problème de légitimité. »
« Je peux même perdre l’élection ! »
Déposer un recours d’annulation du scrutin lorsqu’on est élu, cela peut sembler étonnant. Et lorsqu’on est seul en lice, et que l’on jouit d’une assise politique large dans sa commune, cela peut même sembler un peu facile… « Certains disent que je fais ça parce que je suis seul, répond Laurent Jaoul. Mais je rappelle que, dans le cas où le juge administratif déciderait de convoquer à nouveau les électeurs pour de nouvelles élections, des listes concurrentes peuvent surgir. Les cartes sont rebattues. Je peux même refaire ma liste ! Je peux même perdre l’élection ! Ou perdre des conseillers municipaux si j’ai des concurrents, et ma majorité pourrait être réduite. » Même si, concède le maire de Saint-Brès, il « ne se fait pas beaucoup de soucis de ce côté-là ».
« Laurent Jaoul veut, à travers son cas personnel, mettre en cause la sincérité de l’élection, explique à 20 Minutes le politologue montpelliérain Michel Crespy. Une élection sincère, c’est lorsque tout le monde peut s’exprimer sans contrainte. Il considère, comme un certain nombre de juristes par ailleurs, que ce scrutin municipal ne l’est pas, que les gens n’ont pas pu s’exprimer, car on recommandait en même temps d’aller voter et de rester chez soi. » Et, note le politologue, si l’élection est déclarée non-conforme à Saint-Brès, elle risque de l’être partout. « Si jamais Laurent Jaoul obtient un jugement en sa faveur, tous ceux qui estiment que le premier tour ne leur a pas rendu justice vont se précipiter eux aussi pour déposer des recours », estime Michel Crespy.
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Pour l’instant, en raison des nombreuses incertitudes qui entourent l’épidémie de Covid-19, on ne sait pas à quelle sauce seront mangées les élections municipales. Voterons-nous en juin ? En octobre ? Ou se dirige-t-on vers des élections couplées avec les régionales ? Rien n’est arrêté. Et rien ne dit si les listes encore en lice seront maintenues, ou s’il faudra repasser par la case du 1er tour et si d’autres pourront rentrer dans la course. Mais il n’est « pas question de revenir sur les résultats » des 30.143 communes (sur 35.000 environ en France) qui ont désigné leur maire dès le premier tour, indiquait le 2 avril Edouard Philippe, sur TF1. A moins que la justice ne s’en mêle.