Municipales 2020 à Bordeaux : Philippe Poutou veut décrocher des élus pour mener « une bataille politique sur les six prochaines années »
ELECTIONS•Le candidat du NPA, qui fait liste commune avec la France Insoumise, a présenté jeudi son programme et ses colistiers pour les municipalesMickaël Bosredon
L'essentiel
- On trouve des « gilets jaunes » sur la liste de Philippe Poutou, comme Antoine Boudinet, qui avait eu la main arrachée lors d’une manifestation à Bordeaux en 2018.
- La gratuité des transports ou la réquisition des logements vides, font partie des propositions de la liste d’extrême-gauche.
- La liste Bordeaux en Luttes espère réaliser au moins 10 % au premier tour et ainsi se qualifier pour le second tour, et avoir des élus au conseil municipal.
«On a des actionnaires du CAC 40, des directeurs d’usine, des conseillers d’optimisation fiscale… » Philippe Poutou sait faire exploser sa colère pour attaquer ses adversaires lors de débats politiques, mais il sait aussi manier la dérision, comme il l’a montré ce jeudi lors de la présentation de sa liste pour les municipales à Bordeaux.
Il n’y a évidemment rien de tout cela parmi ses 64 colistiers, mais plutôt des ouvriers, étudiants, enseignants, employés ou avocats. Et quelques « gilets jaunes », notamment Antoine Boudinet, qui avait eu la main arrachée par une grenade explosive à lacrymogène instantanée (GLI) lors d’une manifestation en 2018 à Bordeaux.
Interrogé par 20 Minutes, celui-ci explique son choix : « J’ai rencontré Philippe car nous sommes voisins, il m’a parlé de sa liste avec le NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste) et du rapprochement qu’il voulait faire avec La France Insoumise, et donc de l’envie de créer une liste de militants. J’ai sauté sur l’occasion. Les gens qui font partie de cette liste, je les croise régulièrement dans les manifestations, je sais qu’ils ne sont pas déconnectés de la réalité. Moi, je suis encore "gilet jaune", je le revendique, en revanche je ne suis pas leur représentant. J’ai conscience que ce qui m’est arrivé fait de moi un symbole, mais le mouvement des "gilets jaunes" est très éclectique. Pour moi, la liste Bordeaux en Luttes incarne ce ras-le-bol. »
Un programme « conflictuel » avec « tous les pouvoirs économiques »
« On fonctionne collectivement, on fait des assemblées générales hebdomadaires, qui nous permettent de discuter et de peaufiner le programme » insiste Philippe Poutou. Un programme « conflictuel » avec « tous les pouvoirs économiques autour de Bordeaux » prévient l’ancien ouvrier de l'usine de Blanquefort, aujourd’hui au chômage.
La démocratie participative sera au cœur du projet de la liste Bordeaux en Luttes. « On veut des conseils de quartiers, décisionnaires avec des budgets », annonce Antoine Boudinet car « malheureusement dans les faits ils ne décident de pas grand-chose. » Sur le logement, Philippe Poutou et ses colistiers veulent la réquisition de tous les logements vides, privés ou publics, l’encadrement des loyers et l’indexation des loyers sur les revenus, et un plan de rénovation des logements « financé par les grands propriétaires fonciers. »
Sur les transports, Bordeaux en luttes milite pour la gratuité du réseau TBM, qui serait financée partiellement par une augmentation du versement transport (versé par les entreprises). « Nous voulons redessiner le réseau, arrêter avec le tout-tramway et créer de petites transversales qui aillent desservir tous les quartiers », précise Evelyne Cervantes-Descubes.
« Il n’y a plus que des restaurants et des boutiques pour les touristes… »
Le programme de la liste d’extrême-gauche comporte également un volet conséquent sur l’environnement, et voudrait interdire à tous les maires de la métropole d’utiliser des pesticides de synthèse dans les villes et aux abords. Sur l’aspect économique, l’avocate Maylis de Verneuil dénonce les projets de zones commerciales comme celui de la Rue Bordelaise. « A Bordeaux, il n’y a plus que des restaurants et des boutiques de grandes marques pour les touristes… Nous avons une vision totalement différente de l’économie, notre idée serait de s’appuyer sur l’économie sociale et solidaire, avec notamment des jardins partagés, et de maintenir en vie nos petits artisans et commerçants. »
Interrogé par 20 Minutes sur son maintien au second tour si sa liste réalise plus de 10 %, ce que les récents sondages laissent envisager, Philippe Poutou retrouve alors sa légendaire indignation. « Bien sûr qu’on se maintient, la question est grossière ! Nous sommes une liste complètement autonome, différente, et les magouilles politiciennes d’arrière-boutique ne nous concernent pas. Notre ambition, c’est d’avoir des élus à la mairie pour mener une bataille politique dans les six prochaines années sur les urgences sociales, démocratiques et climatiques, pas de servir la soupe à d’autres. On ne veut pas tromper nos électeurs. »
Tous ses colistiers y croient en tout cas. « On serait terriblement déçus d’échouer à neuf et quelque pour cent au soir du premier tour… », lâche l’une d’entre elles.