Montpellier : « J’ai trouvé ma "mamie de cœur" ! » Des étudiants donnent de leur temps contre une coloc à l’Ehpad
COLOC•Vingt étudiants bénéficient cette année du dispositif, qui devrait s'élargir à la rentréeNicolas Bonzom
L'essentiel
- A Montpellier, des étudiants vivent au sein d'une colocation dans une maison de retraite. En échange, ils donnent un peu de leur temps auprès des pensionnaires.
- « C’est un enrichissement pour nous », assure Iris, une étudiante qui en bénéficie.
- « Ça fait du bien à notre quotidien, ça fait vraiment chaud au cœur, confie Hélène, une pensionnaire qui vient de fêter ses 88 ans. Cela apporte un peu de jeunesse ici ! »
«On va chanter, ça vous dit ? » Dans cette maison de retraite de Montpellier, c’est l’heure du goûter. Héloïse, une étudiante en musicothérapie, a distribué aux pensionnaires, qui dévorent leur quatre-heures, les paroles d’une chanson de Charles Aznavour. « Je veux du Johnny, moi ! », s’exclame une dame, déçue que l’on n’honore pas son idole. Un après-midi (presque) comme les autres, à l’Ehpad Françoise-Gauffier.
Ici, des étudiants vivent en colocation dans un logement accolé à la maison de retraite. En échange de cet appartement à prix cassé (à partir de 180 euros par mois, tout compris, hors aide au logement), ils donnent de leur temps auprès des personnes âgées. Au moins trois heures par semaine. Le reste du temps, ce sont des étudiants comme les autres. Ils reçoivent, font la fête et se font livrer des repas « à la coloc ». « C’est notre appartement à nous, comme si on louait ailleurs à Montpellier ! », confie Héloïse.
« Un lien se crée entre eux et nous »
Vingt étudiants bénéficient de ce dispositif, qui a valu à la ville d’être primée du Territoria d’Or en 2018, contre 11 l’année dernière. « On vit de bons moments avec les pensionnaires, des jeux de société, des repas partagés, des ateliers, pour ma part, autour de la musique, explique Héloïse, en première année à l’université Paul-Valéry. Ils sont toujours heureux, je crois, de nous voir, de passer des moments avec nous. Certes, leur grand âge fait que, parfois, la communication n’est pas toujours facile. La mémoire leur échappe un peu, aussi, parfois. Mais un lien se crée entre eux et nous. »
« C’est un enrichissement pour nous, confie Iris, une autre jeune femme qui bénéficie du dispositif. Je fais des études pour devenir assistante sociale, cette expérience m’apporte beaucoup professionnellement. Cela me permet de travailler l’adaptabilité au public. »
« On fait des Triominos »
Chez les pensionnaires de Françoise-Gauffier, on « adore » ces voisines qui égayent leurs journées, à travers quelques notes de musique, des lectures, des discussions ou simplement « quelques mots gentils ». « Un peu d’animation comme ça, ça fait du bien à notre quotidien, ça change, ça fait vraiment chaud au cœur, sourit Hélène, une pensionnaire qui vient de fêter ses 88 ans. Cela apporte un peu de jeunesse ici ! » « Ça me plaît énormément, note Christian, qui ne perd pas une miette de La bohème, qui résonne dans la pièce. On joue beaucoup ensemble, on fait des Triominos. »
Et quand les étudiants prennent leur envol, les liens ne s’effacent pas. Roselyne était hébergée à l’Ehpad Michel-Belorgeot, l’année dernière. Elle sortait régulièrement sa guitare à la maison de retraite, et a même fait de petits concerts privés, dans les chambres des pensionnaires les plus fragiles, dont certains « reçoivent peu de visites ». « Je me suis éclatée avec eux, ils sont touchants, confie la Montpelliéraine. Partager ces beaux moments m’a vraiment permis de m’épanouir personnellement. Je garde de très bons liens avec certains résidents, que je considère comme des amis. J’ai même trouvé une "mamie de cœur", et ça, c’est le plus beau cadeau de l’expérience. »
A la rentrée prochaine, la ville a prévu de booster encore le nombre de places dans ces étonnantes colocations. Sept Ehpad devraient bénéficier du dispositif, contre cinq aujourd’hui. « Il n’y a que du positif, note Annie Yague (divers gauche), adjointe en charge des affaires sociales et vice-présidente du CCAS. Ce dispositif contribue à rompre l’isolement des personnes âgées. Car ce n’est pas parce que l’on est entouré d’un personnel soignant que l’on a tout ce que l’on attend de la vie. C’est un lien social, indépendant de l’accompagnement habituel. » Et parfois, le don de soi va même dans l’autre sens. « Une pensionnaire a proposé un atelier tricot à des étudiants ! »