Montpellier : Plus vieux bonbons de France, les grisettes ont trouvé des repreneurs (et de l'espoir)
ECONOMIE•La sucrerie, qui devrait bientôt retrouver le chemin des étals, n’a (pour l’instant) pas grand-chose de local…Nicolas Bonzom
L'essentiel
- Les grisettes sont des bonbons au miel et à la réglisse traditionnels.
- Ces petites billes sont emblématiques de Montpellier depuis le XIIe siècle.
- Trois repreneurs ont racheté la marque, pour lui donner un nouveau souffle.
Voilà des années que les grisettes, plus vieux bonbons de France, faisaient grise mine. Ces petites billes de miel et de réglisse, bonbons emblématiques de la ville deMontpellier, se faisaient rares sur les étals.
Il faut dire que depuis 2016, Raymond Muller, 80 ans, qui les fabriquait depuis les années 1960, cherchait à céder son bébé. Créateur de la société du Rucher de la Hacienda, l’homme a réinventé il y a un demi-siècle ces sucreries au goût de reviens-y, s’inspirant d’une recette dont la légende dit qu’elle aurait été dénichée dans une cave.
Des vertus médicinales au XIIe siècle
Car c’est au XIIe siècle qu’un apothicaire du coin a créé ce qui allait devenir les grisettes de Montpellier, prétextant alors qu’elles avaient des vertus médicinales. Presque neuf siècles plus tard, les petites billes noires perlées de sucre entament une nouvelle page de leur histoire : trois investisseurs ont racheté la marque à Raymond Muller, histoire de, disent-ils, « réveiller la belle endormie ». Et le trio ne manque pas d’ambition.
« Notre souhait, c’est que les grisettes soient à Montpellier ce que le nougat est à Montélimar ou le calisson à Aix-en-Provence », lance Lionel Lopez, qui a passé dix-huit ans chez Nestlé, notamment comme directeur financier chez Perrier, dans le Gard. Et il y a du chemin. Car en dehors du Clapas, la grisette de Montpellier a bien peu d’adeptes.
30 à 40 tonnes dans un an
« Nous souhaitons d’abord inonder Montpellier, puis nous verrons pour la France, et le monde », reprend le nouveau boss des grisettes. D’environ 50.000 euros de chiffre d’affaires au moment de la reprise de la marque, les trois investisseurs espèrent atteindre le million dans 12 à 18 mois, trois millions d’ici trois ans. De deux tonnes de bonbons produites cette année, ils espèrent passer à 30-40 tonnes dans un an. Avec environ 800 points de vente en magasins traditionnels et une centaine de grandes surfaces le plus vite possible. Soit une véritable explosion des ventes de grisettes…
Autre périlleuse ambition pour les nouveaux patrons : faire de cette spécialité un produit local. Car, surprise, les gourmands auraient été bernés depuis toutes ces années, la grisette n’a rien du tout de local. Elle est fabriquée en région parisienne, par un confiseur. Et les arômes de miel, la réglisse et tout ce qui la compose sont loin d’être d’ici.
Rapatrier la fabrication à Montpellier
« Nous allons rapatrier la fabrication des grisettes à Montpellier, cela prendra un peu de temps, car ce n’est pas simple », explique André Sembelie, ex-président du site de Perrier, ex-ponte de chez Nestlé. Une relocalisation qui permettrait de créer une dizaine d’emplois. La mise en boîtes des bonbons, elle, reste confiée à un Esat, un établissement et service d’aide par le travail, où sont prises en charge des personnes en situation de handicap. Plus à Castelnau-le-Lez, comme avant, mais à Nîmes, désormais.
Et peut-être un jour, les grisettes seront conçues à partir de produits du coin, notamment le miel, plutôt que de l’acheter à l’étranger. Mais sinon, rajoute Jean-Claude Lacaze, le troisième homme, ex-figure de Danone, « on ne touchera pas aux codes de couleurs » du produit, notamment les emballages, dont le blanc et le marron-jaune un brin désuet n’ont pas bougé depuis des décennies. C’est aussi, sans doute, ce qui fait son charme.