HIGH-TECHAude: Voyage dans ces communes... où le portable ne passe pas

Aude: Voyage dans ces communes... où le portable ne passe pas

HIGH-TECHLe ministère de l’Economie a publié vendredi une liste de 171 villages en zone blanche, sans aucune couverture mobile : 27 sont dans l’Aude, département le plus touché...
Nicolas Bonzom

Nicolas Bonzom

Inutile d’insister : dans ces communes-là, le portable ne passe pas. Vendredi, le ministère de l’économie a publié la liste de 171 communes de France en zone blanche, ne bénéficiant d’aucune couverture par les réseaux de téléphonie mobile.

Avec 36 villages, le Languedoc-Roussillon est la région la plus représentée du pays. Parmi eux, 27 sont situés dans l’Aude, département le plus touché par cette fracture numérique : 20 Minutes s’est rendu dans quelques-unes de ces petites communes, nichées en rase campagne.

>>> Lire aussi : Téléphonie : 171 communes devront être couvertes avant fin 2016

« Pour capter, il faut aller vers le panneau d’entrée »

Bienvenue à Mayronnes (Aude), charmant village de 35 habitants, au cœur des Corbières. Ici, les portables restent dans les tiroirs. Eteints. On ne capte pas. Pas de réseau Edge, ni de 3G, et encore moins de 4G. Rien du tout : « Réseau indisponible ». « On a appris à vivre ainsi, se désespère Denis, qui habite ici depuis quatre ans. On est obligé d’avoir un fixe, ce qui peut paraître un peu insolite aujourd’hui. Pour capter, il faut aller vers le panneau d’entrée du village. Avec un peu de chance, vous avez une barre. Mais c’est rare. Et seulement pour les abonnés Orange. Les autres, rien. »

Elisabeth, sa compagne, s’inquiète : « Nous avons des amis à Arquettes-en-Val, à 10 km. On prend la voiture. Imaginez que l’on tombe en panne en rentrant, la nuit, là-haut sur les plateaux, sans portable ! On y reste. » « Et quand on va se promener, imaginez que l’on se fasse prendre par un sanglier, reprend Denis. Et les chasseurs ? Et les viticulteurs, seuls dans les vignes, s’il leur arrive quelque chose ? Comment font-ils pour prévenir quelqu’un ? »

« Le pire, c’est le téléphone fixe »

A Mayronnes, la fracture numérique n’est pas que mobile : elle touche aussi Internet. Le débit est faible. « Trop faible pour avoir la télé par ADSL par exemple », note Denis. « Le portable, c’est un problème, reprend Renée. On apprend à vivre sans, on s’adapte. Le pire, c’est le fixe : dès qu’il y a un coup de vent ou un orage, ça grésille, on n’entend plus rien. La cabine téléphonique du village ? Ca ne marche plus depuis longtemps, personne ne s’en occupe. » John, qui vient de Perpignan rendre visite à sa grand-mère, s’y est habitué. « Le portable, quand on vient ici, il faut l’oublier », s’exclame-t-il en montrant les petites barres vides de son smartphone.

A Mayronnes, la cabine téléphonique, qui dépannait les habitants, ne fonctionne plus depuis longtemps… - N. Bonzom/Maxele Presse

A Escales (Aude), près de Lézignan-Corbières, on attend aussi la mise en place d’un réseau avec impatience. Dans cette commune de 412 habitants, envoyer un SMS est mission impossible. « Vous voulez capter ? Alors il faut aller sur les hauteurs, mais c’est compliqué, confie Doumid, qui tient l’épicerie. Cela fait 11 ans que je suis ici, je me suis habitué. Au début, c’est bizarre. On utilise le fixe, comme à l’ancien temps ! On consulte nos SMS et nos appels dès qu’on tombe sur un endroit où ça capte un peu. »

« Quand on a besoin de quelque chose, on va au village »

Un mode de vie qui ne semble pas déranger Odette. « Sans portable, cela facilite le lien social, assure-t-elle. Quand on a besoin de quelque chose, ou que l’on a un problème, on va taper à la porte des voisins, ou on va au village... Et on ne pianote pas directement sur le téléphone. »

Dans ces communes, la mise en place d’un réseau est le cheval de bataille des élus locaux. C’est le cas de Francis Andrieu, maire de Plavilla (Aude), bourg de 122 habitants dans la Piège. « On vit dans un monde où tout le monde est connecté, et nous, on n’y a pas droit, note-t-il. Depuis dix ans, on se bat, on appelle les opérateurs, on essaie de comprendre. On nous répond que ce n’est pas possible. Il a fallu que les parlementaires et le conseil général fassent pression pour que ça bouge. Mais concrètement, les collectivités vont devoir mettre la main au portefeuille. »

A Plavilla, Escales ou Mayronnes, on n’attend qu’une chose : « que l’on installe une antenne ». Bercy s’est engagé à équiper les zones blanches en internet mobile d’ici fin 2016. Les quatre opérateurs devront s’y résoudre. « Cela fait quinze ans qu’on attend, reprend un habitant d’Escales. Les promesses, on se méfie. On y croira quand on pourra envoyer notre premier SMS. »