JUSTICEMe Phung, avocat de Karabatic: «C'est emblématique d’une dérive»

Paris illicites: «Cette histoire est emblématique d’une dérive», selon l'avocat de Nikola Karabatic

JUSTICEL’avocat des frères Karabatic estime que ses clients sont victimes d'un acharnement judiciaire...
Jérôme Diesnis

Jérôme Diesnis

La juge d'instruction Marie-Christine Desplat-Didier a décidé, ce mardi, du renvoi devant le tribunal correctionnel de 16 personnes soupçonnées d’être impliquées dans l’affaire des paris sportifs du match Cesson-Montpellier du 12 mai 2012. Parmi elles, le meilleur handballeur du monde, Nikola Karabatic, et sept autres joueurs qui évoluaient alors à Montpellier: Dragan Gagic, Issam Tej (toujours au MAHB), Mladen Bojinovic, Samuel Honrubia, Luka Karabatic, Primoz Prost et Mickael Robin. Jean-Robert Nguyen Phung, l’un de ses avocats, évoque un acharnement judiciaire.

Comment avez-vous accueilli l’ordonnance de renvoi en correctionnel de vos clients?

Dans son réquisitoire, le procureur avait annoncé la couleur. Tout le monde sait depuis le début que le parquet, qui a lancé cette affaire, ne reculera pas et a besoin d’un procès. Ne serait-ce que pour justifier deux ans et demi d’enquête avec un coût faramineux. On a essayé d’expliquer, de convaincre, d’apporter des preuves: on nous a pas entendu. Il faut le procès, on est impatient d’y aller maintenant.

Qu’allez-vous plaider?

Je pose une question que tout le monde est capable de comprendre. Nikola Karabatic n’a pas parié, puisque c’est reconnu de façon définitive par la fédération française de handball. Il n’a pas joué le match. Il faut m’expliquer comment un joueur qui n’a pas parié ni joué peut se retrouver devant un tribunal correctionnel? Sinon parce qu’il s’appelle Nikola Karabatic et que l’on a dépense beaucoup d’argent pour enquêter sur une simple faute disciplinaire. Car parier, comme l’a reconnu Luka Karabatic, est une faute morale contre l’éthique sportive, ce n’est pas une infraction pénale.

Vous estimez que Nikola Karabatic est victime d’acharnement ?

Perseverare diabolicum (1)… A un moment donné on ne peut plus reculer. On ne peut pas faire des conférences, arrêter toute une équipe sous les caméras dûment convoquées la veille, les amener en garde à vue pendant 48 heures à la section financière de la PJ et les ramener à Montpellier pour les mettre en examen comme de vulgaires trafiquants de drogue, mettre des centaines de milliers d’euros dans des enquêtes paranormales et psychologiques complètement débiles et dans des écoutes téléphoniques hallucinantes et dire au bout de deux ans : je me suis trompé. Peut-être qu’après-demain avant même que le procès ait lieu, on annoncera la condamnation des frères Karabatic. Cette histoire est emblématique d’une dérive.»

Le procès sera l’occasion de débattre publiquement…

«La bonne nouvelle, c’est qu’ils veulent le débat public. Ils vont l’avoir et ce ne sera pas toujours agréable à entendre. Chacun assume ses responsabilités, prend ses décisions, surtout l’institution judiciaire qui joue sur la liberté et la dignité des gens. On peut être sourd, persister, s’enfoncer, mais à un moment donné on est au pied du mur les uns et les autres. Après m’être battu pendant deux ans et demi pour expliquer, ce que je n’ai pas réussi à faire à l’évidence, on me renvoie devant le tribunal. Allons devant le tribunal et rentrons sur le ring. Je sais boxer.»

(1) Errare humanum est, perseverare diabolicum : L'erreur est humaine, persévérer est diabolique