Guerre en Ukraine : A Lille, quatre étudiantes en exil, entre avenir et nostalgie du pays
« repartis d’ici » (1/4)•Parmi la centaine d’étudiants ukrainiens arrivés à Lille après le début de la guerre, il y a un an, trois jeunes femmes ont accepté de raconter à « 20 Minutes » leur parcoursMaria Mashkova
L'essentiel
- Un an après le début de la guerre en Ukraine, 20 Minutes est plus que jamais mobilisé pour vous informer sur le conflit. Du 22 au 28 février, la rédaction vous propose des reportages, analyses, témoignages, vidéos, podcasts pour rendre compte du quotidien des civils, de la situation militaire sur le terrain, du jeu diplomatique.
- Dans cette série en cinq épisodes « Repartis d’ici », faites connaissance avec les Ukrainiens qui se sont exilés en France, tôt après le début du conflit et qui ont pu poursuivre leur vie, leur métier ou se sont parfois heurtés aux difficultés du quotidien.
- A Lille, la municipalité a organisé l’accueil de plusieurs centaines de réfugiés, notamment en provenance de Kharkiv, jumelle de la capitale des Flandres depuis quarante-cinq ans. Parmi eux, se trouvent une centaine d’étudiants qui, pour la plupart, ont repris un cursus universitaire en France après leur arrivée. Rencontre avec les étudiantes Anastasiia, Diana, Svitlana et Hanna qui ont accepté de raconter leurs parcours depuis l’Ukraine à 20 Minutes.
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, de nombreux Ukrainiens ont dû fuir les combats pour trouver refuge en Europe. Dans toute la France, de nombreux réfugiés ont été accueillis, y compris à Lille, dans le Nord. La mairie, les associations et les habitants de Lille se sont mobilisés pour héberger les réfugiés au sein de familles bénévoles. Aujourd’hui, ce sont environ 700 ressortissants ukrainiens qui vivent une vie presque normale à Lille. Parmi tous ces réfugiés, une centaine sont des étudiants. Et malgré les innombrables difficultés, ils poursuivent leurs études dans différents établissements de la métropole. Anastasiia, Diana, Svitlana et Hanna ont accepté de raconter à 20 Minutes leur parcours.
« Le voyage a duré deux jours »
A 19 ans, Anastasiia Padlevska, originaire de la ville de Bila Tserkva, près de Kiev, a débarqué en France le 10 mars 2022 : « Le voyage a duré deux jours. D’abord, j’étais dans l’ouest de l’Ukraine, dans une ville frontalière près de la Moldavie », explique-t-elle. Ensuite, avec des proches, elle a traversé la frontière avant de se rendre en Roumanie. « De là, nous avons pu prendre un avion pour Paris », poursuit la jeune femme.
Elle aussi âgée de 20 ans, Diana Kutsalo, n’a pas emprunté le même itinéraire. « Ma sœur, ma mère et moi sommes venues en France voiture », raconte l’étudiante de Kiev. Un périple de plus de 2.000 km au travers sept pays : « Nous avons quitté l’Ukraine le 7 mars et nous avons passé une semaine à Poznan, en Pologne. Le 17 mars, nous sommes arrivées à Lille », détaille-t-elle, précisant avoir traversé la Roumanie, la Hongrie, la Slovaquie, la Pologne, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique. Svitlana Zhdanova et sa sœur Hanna, 26 et 21 ans, ont quitté Kharkiv le 17 mars. Ni avion, ni voiture pour elles : « Nous sommes arrivées à Lille le 27 avril, en bus, après avoir vécu pendant un mois en Pologne, à Cracovie, dans une famille d’accueil », explique Svitlana.
« En Ukraine j’étudiais la philologie française mais ensuite j’ai décidé d’essayer quelque chose de complètement différent », se souvient Anastasiia. Pourtant, elle n’envisageait pas forcément d’entrer à l’université en France : « De nombreux facteurs m’ont fait changer d’avis. Aujourd’hui, je suis une étudiante en première année en communication des organisations à l’IUT de Lille. »
« La guerre m’a obligée à venir plus tôt »
Logée un temps par sa marraine, l’étudiante loue désormais son propre appartement après quelques déboires administratifs : « Si on parle des difficultés, comme chaque ressortissant de pays étranger il y a beaucoup de problèmes avec l’établissement de documents, la recherche d’un logement », confie-t-elle. Diana, elle, avait de toute façon prévu de venir en France : « J’étudie en L3 International Economics & Business à l’université catholique de Lille. J’avais prévu d’aller en France pour un master, mais la guerre m’a obligée à venir plus tôt. » Et, en plus de ses cours à la Catho, Diana termine sa quatrième année en « cybernétique économique » en Ukraine.
A l’instar d’Anastasiia, Diana souligne les « problèmes rencontrés avec la bureaucratie » en France. Pour le logement, en revanche, ça allait : « J’ai d’abord vécu avec ma famille dans un appartement mis à notre disposition par l’entreprise de ma mère. Maintenant j’habite à la résidence universitaire ». Les deux sœurs de Kharkiv, Svitlana et Hanna, en sont à apprendre le français : « Toutes les deux nous suivons des cours de français pour les étrangers à l’université de Lille. Sans connaissance de la langue ce n’est pas possible de trouver un travail et entrer l’université », reconnaît Svitlana. Une fois la langue maîtrisée, elles ont « le désir et l’intention d’étudier en France ». Et elles se débrouillent bien, après seulement quatre mois en famille d’accueil, Svitlana et Hanna ont désormais leur propre appartement.
« Je ressens de la tristesse et de l’anxiété »
« En pensant à l’Ukraine je ressens de la tristesse et de l’anxiété », soupire Anastasiia. Elle confie avoir de la « haine » envers les Russes : « Ils m’ont enlevé une opportunité de vivre tranquille en Ukraine et m’ont empêché de voir ma famille depuis près d’un an. Je ne sais pas quand je la reverrais. » Et son avenir, la jeune femme peine à l’envisager : « Il est difficile de faire des plans pour le futur. On ne sait pas quand la guerre finira », déplore-t-elle. En attendant, elle va poursuivre son cursus en France : « S’il y a une opportunité de retourner en Ukraine, je le ferai. »
Diana aussi ressent de la « tristesse » en pensant à son pays et à sa famille. « Il y a aussi une part de désespoir, car on ne peut en aucune façon influencer ou changer la situation dans notre pays », se désole-t-elle. Elle aussi espère retourner en Ukraine, mais après ses études : « Je voudrais intégrer le master en Data et intelligence artificielle à Lille ».
NOTRE DOSSIER SUR LA GUERRE EN UKRAINE
Svitlana et sa sœur Hanna sont plus mélancoliques : « Les sensations sont très étranges, la plupart du temps nous pensons que c’est un rêve », reconnaît Svitlana. « Kharkiv est une très belle ville avec une atmosphère unique. Beaucoup de choses nous manquent, la vie que l’ont y menait, les gens, poursuit-elle. Nous voulons voir notre jeune frère, notre mère et les embrasser. Nous promener dans notre centre commercial préféré, sortir de la ville à vélo, aller au cinéma. »
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