INTERVIEWEn Syrie, «la population est exténuée, à bout de souffle»

VIDEO. Six ans de guerre en Syrie: «La population est exténuée, à bout de souffle», estime Mélanie Broquet

INTERVIEWOnze millions de personnes ont été obligées de fuir leur maison depuis le début du conflit...
Lucie Bras

Propos recueillis par Lucie Bras

Cette guerre a six ans. Le 15 mars 2011, le peuple syrien manifestait pacifiquement avant d’être violemment réprimé par le régime. La contestation s’est transformée en lutte armée qui a mis la Syrie à feu et à sang.

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Alep, Homs, Damas, Palmyre… En six ans, ces villes sous le feu des bombardements sont entrées dans l’actualité. Bilan : 400.000 morts et disparus. Mélanie Broquet, coordinatrice des programmes de Handicap international en Syrie, veut donner du sens à ces chiffres en racontant son expérience de terrain.

Quelle est la situation de la population syrienne aujourd’hui, après six ans de conflit ?

La population est exténuée, à bout de souffle. Tout ce qu’ils attendent, c’est la paix, un premier pas vers la reconstruction. Au quotidien, ils survivent. Onze millions de personnes ont fui leur habitation, ça représente un habitant syrien sur deux. Ce mince espoir de paix est l’une des seules choses concrètes qui leur reste. C’est la crise la plus tragique depuis la seconde guerre mondiale, on est face à une situation sans précédent.

Dans quelles conditions les civils restés chez eux traversent-ils la guerre ?

Neuf victimes sur 10 sont des civils. Dans cette guerre, il y a un non-respect du droit international humanitaire, qui oblige à protéger les civils. Handicap international dénonce fermement cette situation. Sur le dernier trimestre 2016, nous avons compté un bombardement ou pilonnage tous les quarts d’heure et mille blessés ou tués par jour. Ce sont des attaques massives, discriminées et délibérées sur des civils. On a du mal à interpréter les chiffres, mais sur le terrain, on est confronté à la souffrance des familles.

On parle aujourd’hui d’un million de personnes qui vivent dans des zones assiégées. Ces gens-là se nourrissent d’herbes et de feuilles. Ces personnes n’ont plus de voiture, de fuel, de gaz. Les bombardements touchent aussi leurs systèmes d’approvisionnement en eau et électricité. On est dans des situations tellement noires que c’est très compliqué.

Le conflit
Le conflit  - Uncredited/AP/SIPA

Quelles sont les solutions de fuite pour les Syriens qui se sentent en danger ?

Ils se déplacent selon des parcours compliqués, parfois jusqu’à 20 caches différentes pour trouver un endroit où ils ne sont pas bombardés. Les déplacements sont compliqués pour les populations dans les campagnes. Les civils ne peuvent pas se déplacer librement à l’intérieur du pays.

Comment vivent les réfugiés dans les camps humanitaires situés dans les pays frontaliers ?

Pour certains, cela fait 5 ans qu’ils sont déplacés dans les pays limitrophes. Il y a plus d’un million de réfugiés au Liban. Cela correspond à plus d’un habitant sur quatre. Autant dire que c’est un effort colossal pour les pays voisins. Le nombre de camps est en augmentation : les réfugiés n’ont pas accès au travail, ils s’appauvrissent et sont délogés. Leur seule solution, ce sont les camps.

A l’intérieur, ils attendent. Par exemple, je pense à cet agriculteur syrien, qui vit dans un camp et n’a pas de travail depuis 5 ans alors qu’il était très actif avant. Sur le plan psychologique, c’est très compliqué.

Est-ce que l’on peut entrevoir un avenir pour la Syrie ?

Pour l’instant l’avenir est un point d’interrogation pour tout le monde. Dans les villes, une partie de toutes les armes explosives utilisées pour les attaques n’explosent pas ou sont abandonnées. C’est une menace permanente pour les civils. Il faudra des décennies pour déminer la Syrie. Concernant la population, à Handicap international, on parle de « génération mutilée », physiquement et aussi psychologiquement : le pays et les vies seront à reconstruire.

Dans un camp, j’ai rencontré une petite fille le mois dernier. On lui a demandé ce qu’elle voulait faire plus tard. Elle nous a répondu « rien ». Elle est arrivée dans ce camp de déplacés à l’âge de 2 ans, elle n’a rien connu d’autre. Comme tous les civils, elle vit au jour le jour et ne se projette jamais dans le futur.