Trois jours pour désigner un leader déjà réélu. Les Russes sont appelés aux urnes, de vendredi à dimanche, à l’occasion de l’élection présidentielle. De quoi offrir un nouveau mandat à Vladimir Poutine, lequel peut asseoir sa propagande via de nombreux relais.

Parmi eux, RT – anciennement Russia Today –, et sa branche francophone. Deux ans après les premières sanctions européennes qui ont visé RT France à la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine, les équipes locales ne sont plus là. Elles ont été licenciées après le gel des avoirs de la chaîne en janvier 2023. Le site survit dans l’Hexagone en contournant le blocage grâce à des sites miroirs, dont certains sont accessibles en quelques clics. Mais cette tactique de contournement des sanctions ne ramène pas les audiences d’autan, et la cible semble avoir changé.

« Une volonté claire de continuer la couverture de l’actualité française »

Un reportage sur les électeurs russes au Burkina Faso. Une interview du Premier ministre de la Centrafrique ou du ministre malien des Affaires étrangères… La tentation pour RT est-elle aujourd’hui de se tourner vers l’Afrique francophone, que le Kremlin investit par ailleurs militairement et économiquement, en faisant passer au second plan les audiences françaises ? « Je ne serais pas aussi catégorique, répond à 20 Minutes Maxime Audinet, auteur de Un média d’influence, Enquête sur la chaîne russe RT *. Il y a une volonté claire chez RT de continuer la couverture de l’actualité française. »

Cette couverture se fait dorénavant depuis Moscou, où est installée RT en français, le nouveau nom de RT France. La chaîne s’est recentrée sur un « public de niche », ajoute le chercheur à l’Irsem, l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire.

Un virage beaucoup plus visible pour Sputnik

Le virage vers les audiences africaines est beaucoup plus visible chez Sputnik, également visée par des sanctions en France et dans l’UE, et qui partage la même rédactrice en chef – Margarita Simonian – que le réseau RT.

Le site francophone de Sputnik s’est rebaptisé « Sputnik Afrique », ne laissant aucune ambiguïté sur sa nouvelle cible. RT en français et Sputnik Afrique « sont une forme de complémentarité pour le pouvoir russe, analyse Maxime Audinet. Ils continuent à diffuser des contenus qui visent à discréditer les gouvernements occidentaux libéraux et en même temps, ils vont essayer de séduire des audiences en Afrique ».

Ces sites concentrent particulièrement leurs efforts sur les pays du Sahel, ainsi que la Centrafrique ou certains pays d’Afrique de l’Ouest, comme la Côte d’Ivoire et le Cameroun, note le chercheur. La rédaction de Sputnik Afrique est installée à Moscou, mais le site s’appuie sur des correspondants locaux – tout comme RT en français – pour produire des contenus.

Et ceux-ci ne laissent aucun doute sur la ligne éditoriale. Dans un reportage au Burkina Faso sur les Russes qui y votent de manière anticipée pour la présidentielle de ce week-end, on entend ainsi la consule lancer au micro du correspondant local de RT : « Choisissez le candidat qui vous plaît, puisqu’il y a quatre candidats ». Il n’y a guère que chez RT que l’on présente l’illusion d’une pluralité pour cette élection, qui ne devrait être, on l’a dit, qu’une simple formalité pour Vladimir Poutine.

*Un média d’influence, enquête sur la chaîne russe RT, de Maxime Audinet, est paru le 1er mars aux éditions de l’INA.