Russie : Arrêté à son arrivée à Moscou, Alexei Navalny dénonce une « parodie de justice »
OPPOSANT•Le principal opposant à Vladimir Poutine venait de passer six mois en Allemagne, où il a été soigné pour un empoisonnement présumé20 Minutes avec AFP
A peine arrivé, déjà emprisonné. L’opposant russe Alexei Navalny a dénoncé ce lundi une « parodie de justice » après qu’un tribunal a été convoqué ce lundi dans un commissariat pour se prononcer sur son placement en détention. Selon ses partisans, il n’a pas accès à ses avocats.
Le tribunal a ordonné le placement en détention de l’opposant Alexeï Navalny pour 30 jours à compter de son arrestation controversée la veille, à son arrivée à Moscou. « Alexeï Navalny est placé en détention pour 30 jours, jusqu’au 15 février », a confirmé son avocat Vadim Kobzev sur Twitter. Navalny a ensuite appelé les Russes « à sortir dans la rue » contre le pouvoir.
« Pépé dans son bunker »
Charismatique militant anti-corruption et ennemi juré du Kremlin, Alexei Navalny, 44 ans, accuse le président Vladimir Poutine d’avoir ordonné son assassinat au poison Novitchok en août, ce que la Russie dément. Ayant survécu à cet empoisonnement présumé, il a été soigné cinq mois en Allemagne. Dimanche, l’opposant est revenu à Moscou et a été interpellé dès son arrivée, le FSIN, le service pénitentiaire russe, lui reprochant d’avoir violé des mesures de contrôle judiciaire en allant se faire soigner à l’étranger.
Un tribunal s’est réuni à la mi-journée lundi au commissariat de Khimki, en banlieue de Moscou, où il est détenu pour examiner une « demande de placement en détention », selon Vadim Kobzev, avocat de l’adversaire numéro 1 du Kremlin. « J’ai vu beaucoup de parodies de justice (…) mais là c’est l’illégalité la plus totale », a réagi dans la salle d’audience Alexei Navalny, visiblement agacé, selon une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux.
« Pépé dans son bunker a tellement peur qu’on déchire et qu’on jette le code de procédure pénale à la poubelle », a-t-il ajouté, en référence au président Poutine et au fait qu’un tribunal puisse siéger dans un commissariat.
Avion dérouté
Navalny a été arrêté dimanche soir à l’aéroport de Cheremetievo. Le service pénitentiaire avait prévenu jeudi qu’il serait appréhendé dès son retour pour avoir violé le contrôle judiciaire qui lui était imposé dans le cadre d’une peine de cinq ans de prison avec sursis pour détournements de fonds et que l’opposant juge politiquement motivée.
Il est aussi visé depuis fin décembre par une nouvelle enquête pour escroquerie, car suspecté d’avoir dépensé pour son usage personnel 356 millions de roubles (3,9 millions d’euros) de dons. Son retour dimanche a été agité, des dizaines de ses partisans, venus à l’accueillir à l’aéroport de Vnoukovo, ayant été arrêtés par les forces anti-émeute.
Puis l’avion de Navalny, accompagné de nombreux journalistes, a été dérouté à la dernière minute vers Cheremetievo. Son interpellation et sa séparation de son épouse Ioulia, au contrôle de passeports, se sont déroulées sous les objectifs de nombreuses caméras.
« Je suis innocent »
En s’envolant pour Moscou, Alexei Navalny avait assuré n’avoir peur de rien. « On va m’arrêter ? Ce n’est pas possible, je suis innocent », avait-il ironisé. L’ONG Amnesty International a estimé qu’il était désormais un « prisonnier de conscience » victime d’une « campagne implacable » des autorités.
L’UE, la France, l’Allemagne ou encore la Pologne et le Royaume-Uni ont réclamé sa libération tout comme la future administration du président élu américain Joe Biden. Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a dénoncé une tentative de « faire taire Navalny ».
La porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova leur a rétorqué via Facebook de « se mêler de leurs propres problèmes ». Son ministre, Sergueï Lavrov a estimé que les Occidentaux s’en prenaient à la Russie pour « détourner l’attention de la profonde crise qui mine le modèle de développement libéral ». Selon lui, l’affaire Navalny est « du ressort des forces de l’ordre » et il s’agit « de faire respecter la loi russe ».