Radioactivité, risques de contamination, déroulé des faits... Le point sur l'explosion en Russie
NUCLEAIRE•« 20 Minutes » fait le récap de ce que l’on sait sur l’explosion en Russie qui a fait cinq morts et a fait s’envoler les taux de radioactivité de la régionJ.-L.D. avec AFP
L'essentiel
- Une explosion dans une base militaire russe a fait cinq morts le 8 août.
- Ce mardi, les autorités russes ont reconnu que le taux de radioactivité de la ville voisine avait été 16 fois supérieur à la normale.
L’explosion survenue dans une base militaire du Grand Nord russe, responsable de cinq morts, continue d’entretenir le mystère et le flou. Taux de radioactivité, enchaînement des évènements, dangers, on fait le point sur tout ce que l’on sait, ainsi que sur les nombreuses zones d’ombre.
Que s’est-il passé ?
Le 8 août 2019, une explosion a lieu dans une base militaire russe située à Nionoksa, dans le Grand Nord russe. Elle fera cinq morts. Côté militaire, la base a un sacré passif. Ouverte en 1954, spécialisée dans les essais de missiles de la flotte russe, c’est là que furent conçues les premières bombes atomiques soviétiques. Il s’agit d’une ville fermée, sous très haute surveillance et interdite d’accès aux étrangers sans autorisation. Elle a même longtemps été absente des cartes.
Ce lundi, les autorités russes ont reconnu que l’explosion était due aux tests de « nouveaux armements », après avoir entretenu le flou pendant des jours. Pas de quoi décourager néanmoins les militaires russes, puisque l’expérimentation des armes sera « poursuivie jusqu’au bout » a assuré Rosatom, agence nucléaire nationale qui couvre aussi bien l’atome civil que militaire. « Nous remplirons les devoirs que nous a confiés notre Patrie. Sa sécurité sera entièrement assurée », a ajouté son patron.
Qu’est ce qui a explosé ?
Des experts américains ont estimé que l’accident pourrait être lié aux tests du missile de croisière « Bourevestnik » («oiseau de tempête » en russe), le missile à propulsion nucléaire vantée par Vladimir Poutine en début d’année.
Le président russe avait fait sensation l’année dernière puis début 2019 en présentant la nouvelle génération de missiles développés par son pays, « invincibles », « indétectables », « d’une portée illimitée », ou « hypersoniques », les qualificatifs ne manquaient pas. Il a menacé de déployer ces nouvelles armes pour viser les « centres de décision » dans les pays occidentaux.
Sans doute fan de James Bond, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) a donné à ce missile russe le nom de Skyfall. Dans une des citations dont il a le secret, Donald Trump a déclaré qu’il en savait « beaucoup » sur cette bien mystérieuse explosion, sans vraiment donner plus de détails.
Pourquoi a-t-on retrouvé des traces de radioactivité ?
L’accident impliquerait un petit réacteur nucléaire, selon le directeur scientifique du centre militaire de Sarov, Viacheslav Soloviev. De fait, si ces missiles ont « une portée illimitée », explique à l'AFP Corentin Brustlein, directeur du centre des études de sécurité à l’Institut français des relations internationales (IFRI), c’est parce qu’ils sont propulsés à l’énergie nucléaire, leur permettant de faire plusieurs fois le tour de la Terre. Au-delà de l’exploit technologique que cela représente, ces distances illimitées permettent de passer outre les systèmes de défense puisque le missile peut prendre n’importe quel chemin avant d’atteindre sa cible.
« Les Russes ont une obsession concernant la défense antimissile américaine et la menace qu’elle pourrait poser pour leur force de dissuasion, c’est-à-dire qu'ils craignent que les Américains aient un jour la capacité de neutraliser leur arsenal par des moyens offensifs et défensifs », explique Corentin Brustlein. « Cela remonte à la Guerre froide et à la guerre des étoiles de Ronald Reagan. Les Russes multiplient leurs options pour être certains de pouvoir pénétrer les défenses antimissiles américaines ».
Y a-t-il un risque de contamination ?
Le ministre de la Défense russe a assuré dans un premier temps qu’il n’y a « pas eu de contamination radioactive », alors que dans le même temps, la ville de Severodvinsk, situées à 30 kilomètres de la base, a dit avoir » enregistré une brève hausse de la radioactivité" avant de retirer sa publication.
Ce mardi, l’agence russe de météorologie a admis que le taux de radioactivité a dépassé jusqu’à 16 fois le taux habituel, sans pour autant que ce taux ne présente un danger pour la santé. Juste après l’explosion, « six des huit capteurs de Severodvinsk ont enregistré des dépassements de la puissance des doses de radiation (qui a alors été) de quatre à seize fois supérieure à celle habituelle », a annoncé Rosguidromet, l’agence météorologique, dans un communiqué.
Un des capteurs a notamment relevé un taux de radioactivité de 1,78 microsievert par heure, alors que la limite réglementaire est de 0,6 microsievert par heure en Russie et que la radioactivité naturelle moyenne à Severodvinsk est de 0,11 microsievert par heure. Rosguidromet précise que ces niveaux de radioactivité ont rapidement baissé pour revenir à la normale dans l’après-midi.
Selon la presse russe, relayée par Le Monde, les habitants de la ville de Nionoska, située à 30 kilomètres de la base, devraient être évacués temporairement en train mercredi. Le quotidien français indique également qu’après l’explosion, la Russie a aussi interdit une partie la baie de la Dvina à la navigation, sur la mer Blanche. Mystère et boule d’uranium donc.