Royaume-Uni : C’est quoi cette histoire de postiers accusés à tort ?
Scandale•Outre-Manche, près d’un millier de responsables d’agences postales ont été poursuivis à tort entre 1999 et 201520 Minutes avec AFP
Certains ont été ruinés, d’autres emprisonnés pour vol. Plus dramatique encore, quatre se sont ôté la vie. Le Royaume-Uni est secoué par la polémique alors que ressurgit dans le débat public « l’une des grandes erreurs judiciaires » de son histoire. L’émotion a traversé le pays, de Londres jusqu’aux fjords déchiquetés des Highlands, en Ecosse. Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire de postiers accusés à tort ? 20 Minutes vous explique tout.
De quoi parle-t-on ?
Entre 1999 et 2015, près d’un millier de responsables d’agences postales ont été poursuivis, au point d’avoir parfois leur vie brisée. Ces accusations ont été basées sur les informations d’un logiciel de comptabilité baptisé Horizon, installé par Fujitsu à la fin des années 1990, et qui s’est révélé défectueux.
Les dirigeants du service postal, refusant de reconnaître des problèmes avec le logiciel, avaient forcé des postiers à rembourser les manques à gagner comptables faussement créés, entraînant pour beaucoup leur ruine.
Pourquoi le Royaume-Uni s’émeut de cette histoire aujourd’hui ?
Il aura fallu la diffusion d’une série de fiction à la télévision pour que le public et les autorités prennent la mesure de ce scandale au long cours, qui a vu des milliers d’employés du Post Office accusés. Le scandale est revenu au cœur des débats après la diffusion la semaine dernière d’une série sur la chaîne ITV, Mr. Bates vs The Post Office, qui a généré une vague de sympathie pour les victimes.
La série raconte l’histoire d’Alan Bates, joué par l’acteur Toby Jones, qui a poursuivi le Post Office au nom de 555 employés en 2017 pour faire reconnaître leur innocence. Elle évoque entre autres le cas de Jo Hamilton, accusée à tort d’avoir volé 36.000 livres (42.000 euros), mais qui a préféré, comme d’autres employés, plaider coupable plutôt que d’être envoyée en prison.
Comment a réagi le gouvernement face à la polémique ?
Il s’agit de « l’une des plus grandes erreurs judiciaires de l’histoire de notre nation », a reconnu le Premier ministre Rishi Sunak ce mercredi, devant les députés. « Des personnes qui ont travaillé dur au service de la population ont vu leur vie et leur réputation détruites sans qu’elles n’aient commis aucune faute », a souligné Rishi Sunak. « Les victimes doivent obtenir justice et compensation. »
Une nouvelle loi sera introduite au Parlement afin que les victimes soient « rapidement innocentées et indemnisées », a promis le chef du gouvernement conservateur. Au lieu de procédures judiciaires individuelles de réparations s’annonçant longues et douloureuses, le texte va annuler toutes ces condamnations, une mesure rarissime revenant massivement sur des décisions de tribunaux indépendants.
« Nous reconnaissons qu’il s’agit d’une mesure exceptionnelle, mais ce sont des circonstances exceptionnelles », a expliqué le secrétaire d’Etat chargé des services postaux, Kevin Hollinrake, au Parlement. Les postiers ont été victimes d’un « exercice arbitraire du pouvoir », a-t-il déploré.
Où en sont les dédommagements ?
Pour l’instant, près de 150 millions de livres sterling (174 millions d’euros) ont été versés à environ 2.500 victimes ces dernières années, a indiqué Rishi Sunak. En septembre, le gouvernement avait annoncé que les responsables d’agences condamnés à tort pourraient recevoir chacun 600.000 livres (près de 700.000 euros). Ils peuvent aussi choisir de refuser l’offre et poursuivre les procédures judiciaires.
A ce jour, seules 93 condamnations ont été annulées et 21 millions de livres sterling (24 millions d’euros) versés en compensation aux employés concernés. Le nouveau texte prévoit des indemnités de 75.000 livres pour les victimes accusées à tort mais non condamnées par la justice, ce qui concerne des centaines d’autres postiers.
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