A Tokyo, le tourisme sexuel se développe dans l’ombre

Japon : La discrète expansion du tourisme sexuel à Tokyo

Quartier rougeAvec la hausse du tourisme international et la baisse du pouvoir d’achat, de jeunes japonaises ont commencé à offrir leurs services sexuels
20 Minutes avec AFP

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À Kabukicho, un quartier animé de l’ouest de Tokyo, une foule de touristes se pressent pour photographier Godzilla, monstre perché sur le toit d’un cinéma, qui gronde et crache de la fumée à intervalles réguliers. Mais dans l’ombre de cette attraction, une économie parallèle du divertissement gagne du terrain.

Sous la lumière froide des écrans de téléphone, des dizaines de jeunes femmes attendent, immobiles, autour du parc Okubo, devenu le point névralgique de la prostitution à Tokyo. « Il y a une décennie, il n’était pas très courant pour des femmes japonaises de se prostituer dans la rue », relève Arata Sakamoto, à la tête de l’organisation à but non lucratif « Rescue Hub », qui leur offre de l’aide.

Le prix des passes baisse avec le pouvoir d’achat

Cependant, depuis la pandémie de Covid-19 notamment, « des jeunes femmes ont commencé à vendre des services sexuels à bas prix. Je pense que c’est une des raisons pour laquelle le nombre de clients étrangers a augmenté », ajoute-t-il. L’an dernier, le Japon a attiré un nombre record de 36,8 millions de touristes, notamment grâce à la faiblesse du yen. De quoi rendre la destination attrayante.

Sur les réseaux sociaux comme TikTok ou la plateforme chinoise de vidéos Bilibili, des individus filment ces travailleuses du sexe, à leur insu et parfois en direct, pour des vidéos qui cumulent parfois des centaines de milliers de vues. Ce phénomène a transformé le parc en une « véritable attraction touristique », confie celle qui se fait appeler Ria, une travailleuse du sexe de 28 ans. Selon la jeune femme, dont la moitié des clients seraient des touristes, le quartier attire davantage d’étrangers ces derniers mois.

« Comme ils ne peuvent pas communiquer en japonais, ils écrivent "c’est combien ?" sur leur téléphone » à l’aide d’un traducteur automatique, témoigne Ria, qui, comme les autres travailleuses du sexe, est à son compte. Le prix moyen d’une passe se situe entre 92 et 184 euros (15.000 et 30.000 yens), mais ces tarifs diminuent « à cause du coût de la vie et de la baisse du pouvoir d’achat », explique-t-elle. A ses côtés dans le centre d’accueil de l’association « Rescue Hub », Azu, 19 ans, acquiesce : « Dans le meilleur des cas, j’enchaîne un client par heure pour 20.000 yens (125 euros environ) avec préservatif, parfois un peu plus ».

Aucune peine pour les clients

Depuis décembre, la police a renforcé ses patrouilles, poussant les travailleuses du sexe à se disperser dans le quartier. La police de Tokyo a confirmé la hausse de la prostitution, sans donner plus de détails. « C’est devenu plus sûr de choisir des clients étrangers plutôt que japonais car, au moins, on est certaines que ce ne sont pas des policiers en civil », note Ria, en buvant son thé.

Au Japon, seuls les services sexuels « avec pénétration » sont prohibés. Les travailleuses du sexe encourent jusqu’à six mois de prison et une amende pouvant aller jusqu’à 1.800 euros (300.000 yens) en cas de récidive. Bien qu’il soit interdit par la loi d’en être un, aucune sanction n’est prévue pour les clients. Selon Arata Sakamoto, « l’instauration de conséquences légales pour les clients » permettrait de dissuader la demande, y compris internationale.