Liban : Quel est le quotidien de Carlos Ghosn, devenu héros d’une BD, à Beyrouth ?
Sorti de la malle•L’ex-PDG de l’alliance Renault-Nissan est le héros du roman graphique « Escape Ghosn » qui revient sur sa fuite du Japon dans une malle. Mais quel est son quotidien aujourd’hui au Liban ?
Floréal Hernandez
L'essentiel
- Carlos Ghosn mène toujours une vie active à Beyrouth, se consacrant à des start-up ou à ses activités viticoles.
- Il reste très occupé par plusieurs problèmes légaux, comme sa plainte contre Nissan et Renault.
- Carlos Ghosn partage aussi son expertise entrepreneuriale, principalement dans des pays sans accord d'extradition avec le Japon. « Je ne me vois pas d’avenir politique », tranche-t-il toutefois.
La maison rose de Carlos Ghosn, nouvelle attraction de Beyrouth ? On s’est posé la question, quand une collègue d’origine libanaise nous a raconté la folle envie d’un de ses potes d’aller dans le quartier d’Achrafieh pour la voir, lors d’un récent voyage au Liban. Début 2020, des journalistes nippons faisaient le pied de grue devant afin d’obtenir une image de Carlos Ghosn après sa fuite du Japon dans une malle. Mais aujourd’hui, « il n’y a pas de curieux devant », répondent notre collègue et l’éditeur de Escape Ghosn. Leur présence a intrigué Marwan Abdo-Hanna et incité l’éditeur à contacter l’ex-patron de l’alliance Renault-Nissan pour faire une BD sur son exfiltration. Le projet a abouti : le roman graphique paraît mardi aux éditions Samir. C’est par ce biais que 20 Minutes a pu parler en visio avec Carlos Ghosn, « en partant bien du principe que les questions doivent être sur la BD et non sur les affaires en cours » était précisé en amont.
Prolixe, au cours de l’entretien, l’homme d’affaires raconte dans les grandes lignes son quotidien à Beyrouth. « J’imagine qu’il a plus de temps libre qu’il y a quatre ou cinq ans », glisse Marwan Abdo-Hanna. Certes, mais quand on entend Carlos Ghosn détailler ses activités, on n’aimerait pas gérer son agenda. A côté, faire les plannings du week-end de 20 Minutes semble d’une simplicité absolue.
Conférencier via Zoom
La dernière page d’Escape Ghosn révèle qu’il a « un domaine viticole en pleine expansion », a « investi dans des start-up » et enseigne à l’université. Il confirme et précise : « L’université [maronite du Saint-Esprit de Kaslik, où il donne des cours] me prend du temps, les différentes start-up que j’aide et je soutiens me prennent du temps, des investissements que j’ai fait dans le passé et qui ont leur propre management me demandent des conseils. »
Et puis vient le gros morceau. « Je passe beaucoup de temps sur des problèmes légaux. Il y a des plaintes contre moi et j’ai porté plainte contre Nissan et contre Renault. Ça va prendre plusieurs années. » Et comme le Liban est en plein marasme économique, Carlos Ghosn et sa femme, via une ONG, « consacrent pas mal de temps aux écoles secondaires pour éviter qu’elles ne s’effondrent et que les jeunes Libanais se retrouvent sans aucun espoir ».
Son expertise entrepreneuriale est aussi sollicitée. « Je donne beaucoup de conférences aussi », annonce l’homme d’affaires. Dans des pays sans accord d’extradition avec le Japon. « Ça se passe souvent en Zoom, je les fais à distance, répond celui qui réclame à Nissan un milliard de dollars de dommages pour diffamation et construction de fausses preuves. Beaucoup de gens viennent au Liban et dans le cadre de leur visite, ils passent une journée avec moi. Je leur parle de management, management des crises, stratégie d’expansion. Ils préfèrent écouter un praticien qu’un académicien. »
« Je ne me vois pas d’avenir politique »
Quant à l’automobile, l’ex-PDG de Renault-Nissan dispense son savoir-faire. « Ma contribution est essentiellement autour de consultations de fournisseurs de l’industrie automobile, essentiellement ceux qui sont sur des innovations. Par exemple, ceux qui travaillent sur la voiture électrique, les composants de celle-ci, qui travaillent sur les batteries, les voitures autonomes, la connectivité des voitures, etc., ils ont envie de confronter leur opinion à celle d’un homme de l’industrie qui a suivi tous ces éléments, les a lancés ou accompagnés de très près. »
Dans son planning, Carlos Ghosn se réserve quelques moments pour rencontrer des hommes politiques notamment français. Mais pas question pour lui d’en devenir un. « Je ne me vois pas d’avenir politique, pour une raison simple : ça ne me tente absolument pas, confie-t-il. Le rôle qu’ils jouent, la façon dont ils jouent, les techniques et les méthodes qu’ils adoptent sont très éloignées de ma conception d'une contribution à la société. Je ne le critique pas mais ça ne m’attire pas. Par contre si mon expérience peut servir des responsables politiques nommés par le peuple libanais pour les aider à trouver de bonnes solutions pour le pays, je suis prêt à le faire. »
« Escape Ghosn » de Michèle Standjofski et Mohamad Kraytem, aux éditions Samir. 20 euros. Sortie le 17 octobre.