Le général Roberto Vannacci, « la prise de guerre » de la Ligue italienne

Elections européennes 2024 : Le général Roberto Vannacci, « la prise de guerre » de la Ligue

extreme droiteRoberto Vannacci, général italien de 55 ans qui s’est fait connaître en publiant un ouvrage xénophobe et homophobe, se présente aux Européennes à la tête de la Ligue et veut doubler le parti néofasciste de Georgia Meloni… par la droite
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • Roberto Vannacci, général italien de 55 ans, se présente aux élections européennes avec la Ligue de Matteo Salvini. Sa candidature vise à radicaliser l’image de la Ligue par rapport au parti néofasciste Fratelli d’Italia, de Giorgia Meloni.
  • Vannacci est présenté comme capable de régler le problème de l’immigration en Italie grâce à son parcours militaire, mais l’Italie manque de main-d’œuvre avec un faible taux de natalité.
  • Même en cas de défaite aux Européennes, considérées comme des élections de second rang, la popularité de Vannacci pourrait continuer à grandir en Italie et servir les intérêts de Salvini.

Sa notoriété auprès du grand public est chose faite en Italie. Roberto Vannacci a publié à compte d’auteur Il mondo al contrario (Le monde à l’envers) à l’été 2023. Le général de 55 ans y distillait des thèses xénophobes, racistes, homophobes mais aussi ses idées autoritaires afin qu’il puisse redonner, lui l’héritier de Jules César comme il se plaît à le rappeler, sa grandeur d’antan à l’Italie.

A la sortie du livre, Roberto Vannacci, issu de la prestigieuse ligue des parachutistes, est déchu de son titre de commandant de l’Institut géographique militaire. Reste que si la droite est divisée à son sujet, Matteo Salvini, vice-président du conseil et chef de file de la Ligue, l’un des partis d’extrême droite italien, n’hésitera à le choisir pour mener la liste de son parti aux Européennes.

« Cette candidature va être un test très important »

« Une prise de guerre pour les forces armées qui étaient historiquement assez proches de l’extrême droite » transalpine, selon Stéphanie Dechezelles, autrice d’une thèse sur la Ligue. La sociologue et professeure à l’université de Pau et des Pays d’Adour poursuit : « avec Roberto Vannacci, la Ligue se rachète une posture de radicalité à droite, qui est son fonds de commerce, tout en essayant de prendre des voix à Fratelli d’Italia. »

Il est vrai que Giorgia Meloni, à la tête du parti postfasciste Fratelli d’Italia, a dû modérer certaines de ses positions depuis sa prise de fonction en 2022. La Première ministre a notamment policé son discours sur l’immigration, ce qui irrite sa branche la plus extrême.

« Une partie du gouvernement a certes condamné les propos de Roberto Vannacci, mais cela correspond à des jeux intérieurs à la coalition du gouvernement. La Ligue voulant se positionner plus à droite que Giorgia Meloni, cette candidature va être un test très important », commente auprès de 20 Minutes Marc Lazar, professeur des universités en histoire et sociologie politique, codirecteur du groupe de recherches pluridisciplinaires sur l’Italie contemporaine (Grepic) à Sciences po.

« Le général incarne les valeurs de l’armée »

« Son livre a beaucoup fait parler de lui car il est dans l’outrance. Cela permet à la Ligue de renouer avec ses racines, le côté tribun et démagogue qu’elle a connu dès sa création avec Umberto Bossi dans les années 1980-1990. Mais cette continuité ne garantit pas une embellie au niveau électorale », poursuit Marc Lazar. Ce serait effectivement compter sans les enquêtes ouvertes contre celui qui cultive le franc-parler. Roberto Vannacci est ainsi poursuivi, entre autres, pour « incitation à la haine raciale » et « diffamation » au préjudice de la joueuse noire de volleyball Paola Enogu.

Autant de casseroles qui pourraient fragiliser la tête de liste et ce, même s’il y a, en Italie, « une facilité à exprimer son racisme », soutient Stéphanie Dechezelles. « Et pour ceux qui se réclament d’une logique de l’ordre et pensent que l’Italie n’est plus ce qu’elle était, le général est parfait car il incarne les valeurs de l’armée et a pris part à des conflits compliqués (Rwanda, Afghanistan, Irak, etc.) », ajoute notre experte.

« Redorer le blason de Matteo Salvini »

Une figure rassurante qui laisse entendre de manière totalement décomplexée qu’elle détient des solutions pour le pays, notamment sur l’immigration. Problème, selon Stéphanie Dechezelles : « l’Italie est un pays très vieillissant avec un taux de natalité faible et un nombre moyen d’enfants par femme en âge de procréer parmi les plus faibles au monde, ce qui crée une réelle tension en matière de main-d’œuvre. »

En savoir sur le parti italien Fratelli d’Italia

« Avec ce scrutin européen, l’enjeu pour Matteo Salvini est de redorer son blason et de s’affirmer comme leader des droites fortes italiennes », estime encore la sociologue. Si présenter cet homme fort providentiel visé par la justice peut paraître risqué pour le parti de la Ligue, l’autrice juge que Matteo Salvini sait très bien ce qu’il fait : « si les élections sont perdues, ce ne serait pas dramatique pour la Ligue car c’est un scrutin qui est considéré de ''second rang''. Ce sont les élections nationales qui comptent vraiment. » Et même en cas de défaite, la popularité de Roberto Vannacci pourrait, selon elle, continuer de grandir dans la botte italienne et de servir les intérêts de la Ligue.