aide humanitaireSans l’UNRWA, la population de Gaza « court vers le précipice »

Guerre Israël - Hamas : Sans l’UNRWA, la population de Gaza « court vers le précipice »

aide humanitaireDix pays ont suspendu tout financement futur à l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, UNRWA, après des accusations venant des services israéliens
Cécile De Sèze

Cécile De Sèze

L'essentiel

  • Israël accuse plusieurs employés de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine d’avoir joué un rôle dans l’attaque du 7 octobre et espère « faire cesser » toutes les activités de l’UNRWA.
  • Dix pays, dont les Etats-Unis, ont alors annoncé depuis la fin de la semaine dernière suspendre leurs financements.
  • Une nouvelle catastrophique pour les habitants de la bande de Gaza qui dépendent de l’aide humanitaire pour survivre aux bombardements et au blocus.

Gaza crie famine et court un « risque sérieux de génocide », selon la Cour internationale de justice. Pourtant, la situation de la population de l’enclave palestinienne, « déjà catastrophique » risque d’empirer, souligne Pierre Motin, responsable plaidoyer de la plateforme des ONG françaises pour la Palestine. Dix pays ont en effet annoncé depuis ce week-end la suspension de leur financement à l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). Israël accuse des employés d’avoir été impliqués dans l’attaque sanglante du Hamas sur son sol le 7 octobre.

L’UNRWA, qui s’est séparé de douze de ses employés, tient un rôle central dans l’aide humanitaire apportée quotidiennement à des habitants harcelés par les bombardements. Sans ses principaux financements, elle ne pourra plus assurer sa mission. C’est la survie des quelque deux millions d’habitants de la bande de Gaza qui est dans la balance.

Un rôle déterminant pour la survie des Gazaouis

Le bilan des personnes tuées dans la bande de Gaza augmente tous les jours. Selon les chiffres du ministère de la Santé du Hamas, il dépasse lundi les 26.600 morts depuis le 7 octobre. Les bombardements et les combats au sol ont également fait 65.387 blessés. A cette catastrophe s’ajoutent les maladies ordinaires, la famine qui menace 50 % de la population et les difficultés liées au manque d’eau et de carburant. Car la bande de Gaza est sous blocus israélien et sa population manque de tout. Elle dépend alors de l’aide humanitaire, qui peine à rentrer dans le territoire, pour ensuite être distribuée au compte-gouttes par le peu d’organismes présents sur le terrain.

Le principal et plus important étant l’UNRWA. « C’est l’un des acteurs les plus importants de l’aide humanitaire » avec plus de 25.000 membres, dont 13.000 dans la bande de Gaza, selon les données publiques sur son site, souligne à 20 Minutes Jean-Raphaël Poitou, responsable plaidoyer Moyen-Orient d’Action contre la faim. Son staff « connaît le terrain et c’est l’une des rares capables de limiter la casse car elle travaille depuis des années à Gaza, c’est un soutien pour la survie de la population. La suspension des financements de cette structure fondamentale atténue l’espoir de survie de deux millions de personnes », abonde Jean-François Corty, vice-président de Médecins du monde. « Sans l’UNRWA, Gaza court vers le précipice », martèle Pierre Motin.

Une aide humanitaire entravée

Il y a aussi le Croissant-Rouge palestinien, Médecin sans frontière ou Médecins du monde mais leurs missions sont de plus en plus difficiles à remplir et leur staff « de plus en plus contraint par les bombardements et les déplacements de population et empêchés par le blocus quasi total imposé à la bande de Gaza », explique Jean-François Corty. Les bombardements d’abord sur le nord du territoire, puis sur le sud, pousse les organisations humanitaires à se réorganiser à chaque fois. D’autant qu’elles comptent elles aussi leurs morts. L’UNRWA, par exemple, a fait état mi-janvier de 146 de ses membres tués par les bombardements. « Aujourd’hui, vu l’étendue des besoins, toute l’aide humanitaire est nécessaire alors qu’il n’y a quasiment pas d’acteurs humanitaires », résume Jean-François Corty.

L’UNRWA a par ailleurs un rôle complet. L’agence onusienne « organise l’aide, coordonne avec les autres ONG, gère les écoles, les administrations », développe Jean-Raphaël Poitou. Ses abris, surpeuplés et insalubres, sont devenus le foyer de plus de 1,4 million de personnes, selon le communiqué publié par l’agence onusienne à l’occasion des cent jours de guerre. « C’est le fil rouge qui permet à des centaines de milliers de personnes de survivre, de juste rester en vie », illustre encore Pierre Motin. « Se passer d’un acteur aussi conséquent, aussi déterminant, alors qu’il n’y a pas vraiment d’alternative, que les conditions de sécurité sont déplorables, que l’aide n’est pas proportionnée, cela revient à diminuer les chances de survie d’une population déjà au bord du gouffre », se désole Jean-François Corty. Plus largement, l’UNRWA vient en aide à tous les réfugiés palestiniens, également en dehors de la bande de Gaza comme en Syrie, en Jordanie, au Liban… C’est aussi ces personnes qui risquent de manquer du minimum pour vivre.

Incompréhension

Les annonces occidentales semblent alors en contradiction avec l’ordonnance de la Cour internationale de justice adressée à Israël de « prévenir et punir » l’incitation au « génocide » à Gaza. L’agence a annoncé une enquête interne afin de faire la lumière sur les accusations alors que douze de ses employés ont été remerciés. « On se demande pourquoi il y a un consensus autour du fait de pointer du doigt l’UNRWA, cela va dans le sens du narratif des plus radicaux israéliens », souffle encore Jean-François Corty qui s’étonne de la « précipitation » de telles décisions et dénonce « un deux poids, deux mesures manifeste ».

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D’autant que l’agence pour les réfugiés palestiniens souffre toujours d’une décision prise par Donald Trump de lui couper les vivre en 2018. Malgré la réactivation des financements au départ du président républicain, le mal est fait. « Ses financements sont en mauvaise posture depuis des années », confirme ainsi Pierre Motin, sachant que les Etats-Unis sont les principaux contributeurs. Et ces derniers mois, entre les bombes, les blocus et la famine, « les besoins ont explosé », alerte-t-il.