PropagandeQuand le Hamas tente de s’acheter une légitimité à l’internationale

Guerre Israël-Hamas : En reconnaissant des « erreurs », le groupe armé tente de s’acheter une légitimité internationale

PropagandeLe Hamas a publié un communiqué dimanche dans lequel il admet « des erreurs » commises pendant l’attaque du 7 octobre qui a fait plus de 1.140 morts sur le sol israélien
Cécile De Sèze

Cécile De Sèze

L'essentiel

  • Le Hamas a publié un rare communiqué dimanche dans lequel il reconnaît que « des erreurs » ont pu être commises durant l’attaque du 7 octobre en Israël.
  • Pourquoi cet aveu plus de trois mois après les faits ? A qui s’adresse-t-il ? Comment l’interpréter ?
  • Avec ce document d’une vingtaine de pages dévoilé en arabe et en anglais, le groupe palestinien tente de s’acheter une légitimité en tant qu’acteur sérieux sur la scène internationale, selon Amélie Ferey, chercheuse à l’Ifri.

C’est la première fois que le Hamas admet des « erreurs », notamment concernant les pertes civiles. Dans un communiqué publié dimanche, le groupe armé considéré comme terroriste par l’Union européenne et les Etats-Unis, a reconnu « peut-être que des erreurs ont eu lieu » dans le « chaos » provoqué par « l’effondrement soudain de l’appareil sécuritaire et militaire » à la frontière entre Israël et la bande de Gaza, lors de son attaque du 7 octobre.

Une déclaration aussi surprenante qu’inédite. Pourquoi cet aveu plus de trois mois après les faits ? A qui s’adresse-t-il ? Comment l’interpréter ? Sans cette déclaration « le Hamas aurait perdu toute crédibilité car les faits sont documentés », répond à 20 Minutes Amélie Ferey, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Toutefois, « ils ne disent pas qu’ils regrettent les victimes civiles », note-t-elle.

Des victimes civiles oui, mais des « accidents »

Les preuves sont là, visibles. Il n’y a pas de doute sur le fait que parmi les plus de 1.140 personnes tuées le 7 octobre sur le sol israélien, figuraient des civils. Notamment des enfants, les seuls que le Hamas considère comme de vrais civils car tous les citoyens de l’Etat hébreu font leur service militaire. Il a cependant nié avoir visé des civils, si ce n’est « par accident, et au cours de confrontations avec les forces d’occupation ».

Le Hamas affirme par ailleurs dans un rare document de près de vingt pages que l’opération « déluge d’al-Aqsa » était une « étape nécessaire » et une « réponse normale » face à « tous les complots israéliens contre le peuple palestinien ». Mais le groupe armé palestinien s’est retrouvé coincé par l’évidence des faits. « Il n’a pas le choix, les morts sont documentées et ont été condamnées à l’international », or, le Hamas « recherche une légitimité pour pouvoir s’imposer comme acteur étatique aux yeux de la communauté internationale », explique Amélie Ferey.

A la recherche d’une légitimité internationale

Pour remplir cet objectif, le Hamas doit se plier au droit international, qu’il invoque d’ailleurs dans le communiqué à travers des références à la Cour pénale internationale, saisie par plusieurs Etats comme le Bangladesh, la Bolivie, les Comores, Djibouti et l’Afrique du Sud, et à l’ONU. « Il doit montrer qu’il est un acteur légitime, ce qui est d’ailleurs une de ses grandes différences avec Daesh. Ces derniers considèrent que le droit international est illégitime et n’a jamais visé à être reconnu » par la communauté internationale, ajoute la chercheuse spécialiste du conflit israélo-palestinien et du contre-terrorisme.

Ce communiqué est donc adressé aux puissances du monde arabe mais aussi occidentales. C’est pourquoi il a été publié en arabe et en anglais. « Cela montre bien qu’il ne vise pas seulement les opinions politiques arabes, déjà majoritairement conquises à la cause palestinienne, mais s’adresse aussi aux opinions occidentales, prises en étau entre le soutien à Israël et le droit international, pour les pousser à faire pression sur Israël », développe Amélie Ferey.

Délégitimer Israël

En tentant de s’acheter cette légitimité, le Hamas cherche aussi à ternir celle d’Israël « pour dénoncer l’injustice de la réponse » des frappes aériennes qui détruisent quotidiennement Gaza et ont fait plus de 25.000 morts dans l’enclave palestinienne. Dans le document, le groupe « explique qu’il a le droit de se défendre, que ce n’est pas du terrorisme et met la responsabilité des morts israéliens sur Israël », rapporte Amélie Ferey.

Mais quelles chances a le Hamas de réellement être adoubé par la scène internationale occidentale ? « Aucune », tranche la chercheuse. Il risque très certainement de se heurter à un mûr : Israël a annoncé sa volonté d’éradiquer le Hamas. « Cela va le disqualifier, il ne pourra pas être un partenaire dans les discussions d’un éventuel plan de paix », explique Amélie Ferey. Par ailleurs, sa légitimité actuelle repose sur des élections qui datent de 2006, il y a dix-huit ans, et qui n’ont eu lieu que dans la bande de Gaza. « Il ne peut pas se poser comme seul représentant des Palestiniens », souligne encore la spécialiste.

Le droit international, une flèche dans la girouette des criminels

Tout l’argumentaire du Hamas s’appuie sur le droit international qu’il invoque pour légitimer ses actes. Un peu comme l’ont fait avant lui d’autres entités, comme la Russie pour justifier son invasion de l’Ukraine, il se sert de ce socle juridique pour défendre l’opération « déluge d’al-Aqsa ». Le Hamas va même jusqu’à affirmer qu’il soutient les procédures engagées à la Cour pénale internationale contre Israël, même si le groupe palestinien risque lui aussi, si elles aboutissent à des conclusions, d’être condamné pour crimes de guerre « voire crimes contre l’humanité », pointe Amélie Ferey.

Notre dossier sur la guerre entre Israël et le Hamas

Au-delà d’un certain cynisme, le Hamas, ou la Russie, met ainsi le droit international au cœur de leur argumentaire, sans pour autant le respecter dans les faits. Mais pour Amélie Ferey, c’est « une petite victoire du droit international qui reste central sur la scène internationale », même si c’est « à des fins de propagande ».