guerre d’usureLa guerre des tunnels aura-t-elle lieu entre le Hamas et Israël ?

Guerre Hamas – Israël : Dans Gaza en ruines, « l’armée israélienne progresse de manière prudente et méticuleuse »

guerre d’usureIl y a tout juste un mois, le Hamas déclarait la guerre à Israël en perpétrant l’attaque la plus sanglante jamais commise sur le sol de l’Etat hébreu
202Guerre Hamas – Israël : L'armée israélienne progresse dans la bande de Gaza
Cécile De Sèze

Cécile De Sèze

L'essentiel

  • Le 7 octobre dernier, le Hamas pénétrait en Israël pour commettre une attaque terroriste qui a causé la mort de 1.400 personnes.
  • Depuis, Israël prépare son offensive dans la bande de Gaza, bombardée quotidiennement et lourdement, avec une première incursion le 26 octobre dernier.
  • Où en est-on de cette opération terrestre ? Quelles sont les difficultés rencontrées par l’armée israélienne ? L’opération risque-t-elle de s’éterniser ? Quels objectifs s’est fixés Israël ? Eléments de réponse avec deux experts.

Il y a pile un mois, le monde retenait son souffle. Le territoire israélien n’était plus impénétrable, les combattants du Hamas étaient parvenus à tromper la vigilance des forces de sécurité, à traverser la frontière et commettre la pire attaque terroriste jamais vécue par les habitants de l’Etat hébreux. Un mois après cette incursion sanglante qui a fait 1.400 morts, un mois après cette déclaration de guerre, l’armée israélienne a lancé son opération terrestre dans la bande de Gaza avec plusieurs objectifs, dont celui d’éliminer la branche armée du Hamas.

Où en est-on de cette offensive ? Quelles sont les difficultés rencontrées par l’armée israélienne ? L’opération risque-t-elle de s’éterniser ? Quels objectifs s’est fixés Israël ? Eléments de réponse avec Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES) et auteur de Tsahal : nouvelle histoire de l’armée israélienne, et avec Jean-Loup Samaan, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (Ifri).

Où en est l’opération terrestre déployée à Gaza par l’armée israélienne ?

L’opération lancée par Israël en réponse à l’attaque sur son sol a commencé par des bombardements quotidiens sur la bande de Gaza avant des incursions coups de poing, des raids ponctuels, menés principalement par les forces spéciales israéliennes dans la ville principale de l’enclave palestinienne depuis le 26 octobre dernier. « Les bombardements ont constitué la phase préliminaire », précise Jean-Loup Samaan. Désormais, des combats urbains entre militaires israéliens et combattants du Hamas ont lieu dans une ville en ruines et probablement piégée. « C’est pourquoi l’armée israélienne progresse de manière prudente et méticuleuse », ajoute Pierre Razoux.

Aujourd’hui, l’armée israélienne a « scindé en plusieurs tronçons la bande de Gaza, elle a verrouillé le siège de Gaza City, détruit plusieurs infrastructures militaires et éliminé un nombre important de dirigeants de la branche armée du Hamas », explique encore Pierre Razoux. Dans les dernières 24 heures, « plus de 450 cibles du Hamas ont été frappées, notamment des terroristes, des complexes militaires, des postes d’observation, des postes de lancement de missiles antichars », affirment ainsi les forces israéliennes sur les réseaux sociaux. Mais difficile de savoir à quel point le Hamas a été affaibli alors qu’il continue à lancer des roquettes sur Israël.

Comment se prépare la guerre des tunnels ?

C’est une offensive méthodique qui est développée par les forces israéliennes, d’autant que les entrailles de la ville de Gaza font aussi partie du champ de bataille. Les quelque 1.300 tunnels, selon un chiffre avancé par BFMTV, compliquent la tâche des militaires car ils doivent se battre sur plusieurs niveaux : « le sol, le sous-sol, dans les bâtiments et sur les toits, c’est un peu comme si vous aviez quatre échiquiers superposés les uns au-dessus des autres », illustre Pierre Razoux. Les frappes lancées sur la ville et ses civils sont ainsi justifiées par Israël par la destruction préventive de ce labyrinthe sous-terrain afin de « limiter au maximum la bataille sous terre », poursuit Pierre Razoux.

La guerre d’usure est engagée, et servira notamment à « forcer les combattants du Hamas à sortir des tunnels avec l’idée que les capacités matérielles vont s’épuiser, c’est une campagne dans la durée qui s’est engagée », explique Jean-Loup Samaan. Cette stratégie sert souvent la partie qui a le plus de capacités, rappelle le chercheur, en l’occurrence, Israël. Car les combats dans ces tunnels sont « plus compliqués pour les forces israéliennes, ils sont à l’avantage de la défense qui connaît mieux les lieux et peut plus facilement s’y cacher », souligne Jean-Loup Samaan.

Quels sont les objectifs d’Israël ?

Avec la guerre d’usure, le risque est de voir l’opération se prolonger pendant des mois. « Quand on a voulu éliminer Daesh, ça a duré six mois à Mossoul [Irak] et quatre mois à Raqqa [Syrie] », compare Pierre Razoux. Or, Israël est aussi sous pression de la communauté internationale qui appelle à un cessez-le-feu, ou une trêve a minima. Et si pour l’instant les Etats-Unis « font en sorte qu’Israël soit en capacité de mener sa campagne à bien, cela sera plus difficile à tenir si elle se prolonge sur trois, six mois », prévient Jean-Loup Samaan. D’autant qu’historiquement, les guerres menées par Israël sont courtes, voire éclairs. Aujourd’hui, il est aussi difficile de savoir à quel moment les autorités israéliennes déclareront leurs objectifs atteints et ainsi leur victoire.

Notre dossier sur la guerre entre le Hamas et Israël

Sur cette question, Benyamin Netanyahou l’a promis : le Hamas sera détruit par Israël. C’est l’objectif premier de l’opération militaire, mais pas le seul. « Outre le fait de vouloir éliminer la branche armée du Hamas, ainsi que toute l’infrastructure militaire et logistique, Israël entend également libérer les otages, vivants ou morts, ainsi que rehausser la posture stratégique dissuasive de l’armée israélienne affectée par l’échec du début de la guerre afin de dissuader ceux qui pourraient être tentés d’étendre le conflit dans la région », analyse Pierre Razoux. Mais l’élimination du Hamas est un objectif absolu aux contours plutôt flous avec, de surcroît, cette question en suspens : et après ? « A un moment donné, il va falloir négocier et régler la question palestinienne », avance Pierre Razoux.