bande de gazaQui sont les cerveaux derrière l’attaque du Hamas contre Israël ?

Guerre Hamas - Israël : Qui sont les cerveaux derrière l’opération terroriste lancée depuis Gaza ?

bande de gazaSi l’organisation du Hamas est d’une grande complexité, ce qui assure en partie sa survie, trois noms se dégagent après les attaques terroristes de samedi contre Israël
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • L’attaque terroriste menée par le Hamas depuis la bande de Gaza contre Israël a fait plus de 1.000 morts sur le territoire israélien, un bilan amené à encore s’alourdir.
  • Trois noms se dégagent après cette attaque. Ismaïl Haniyeh, le chef du Hamas, Yahya Sinwar, le leader de la bande de Gaza, et Mohammed Deïf, son bras droit armé.
  • 20 Minutes revient sur ces trois profils pour mieux comprendre l’organisation et son fonctionnement.

Dans la mythologie grecque, l’hydre de Lerne représente une créature aux multiples têtes ayant chacune la capacité de se dédoubler. Une image qui colle bien à l’organisation terroriste palestinienne du Hamas, dont la hiérarchie tentaculaire rend encore plus complexe son anéantissement, souhaité par le gouvernement israélien.

Après les attentats perpétrés samedi en Israël, qui ont fait, selon un bilan provisoire, plus de 900 victimes - sans compter les otages détenus par le Hamas et ramenés à Gaza –, trois noms se dégagent tout de même de cette nébuleuse. Trois leaders déjà connus avant le lancement du « déluge d’Al-Aqsa » par le Hamas. 20 Minutes fait le point.

Ismaïl Haniyeh, chef du bureau politique du Hamas

Âgé de 61 ans, Ismaïl Haniyeh est l’une des plus anciennes figures du Hamas, mouvement islamiste terroriste en Palestine. Le Hamas dispose d’une branche politique et d’une branche armée, même si les deux se rejoignent sur les intentions. Premièrement, la terre de Palestine doit devenir « une terre islamique ». Deuxièmement, la volonté de l’instauration d’un Etat palestinien sur tout le territoire de l’ancienne Palestine mandataire, ce qui équivaudrait à la disparition d’Israël.

Le principal fait d’armes d’Ismaïl Haniyeh est électoral. En janvier 2006, il porte le Hamas à la victoire lors des élections législatives palestiniennes, raflant même la majorité absolue. Il est alors nommé Premier ministre par le président de l’Autorité palestinienne. Ce dernier le désiste le 14 juin 2007, après que la branche armée du Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza, que le Hamas auto-administre depuis.

« Ismaïl Haniyeh a rejeté cette éviction et a continué à diriger ce qu’on a appelé le ''gouvernement destitué'', qui continue à gérer les affaires. Il a été élu chef du Bureau politique, pour la première fois, le 6 mai 2017 », renseigne Marie Kortam, chercheuse associée à l’Institut Français du Proche-Orient. Il s’est réfugié à Doha, au Qatar, depuis environ trois ans. Un Etat qui, en plus de vouloir jouer le rôle d’intermédiaire dans la crise actuelle, est en bons termes tant avec Israël qu’avec les leaders du Hamas.

Au fil des années, Ismaïl Haniyeh participe activement au ré-armement du Hamas, avec l’Iran en arrière-plan. Selon des révélations du Wall Street Journal, la décision de lancer cette attaque aurait d’ailleurs été prise lors d’une réunion mêlant notamment les Gardiens de la révolution iraniens, le Hezbollah libanais et le Hamas, en début de semaine dernière au Liban. C’est cette montée en puissance qui a amené à l’attaque menée samedi, illustrant notamment la capacité de projection du mouvement. Le Monde cite à ce propos une étude du Jerusalem Center for Public Affairs datant de 2021, laquelle constate : « Le Hamas fabrique désormais une grande partie de ses propres armes, met au point des drones et des véhicules sous-marins sans pilote, s’engage dans la cyberguerre et est sur le point de passer des roquettes non guidées à des drones et des missiles de précision guidés par GPS ». Samedi, 5.000 roquettes ont été tirées, selon le groupe islamiste - moitié moins selon Israël, contre 4.500 durant la dernière guerre de mai 2021, qui avait duré onze jours.

Après l’attaque de samedi, Ismaïl Haniyeh s’est adressé aux pays arabes, coupable selon lui d’avoir « normalisé » leurs relations avec Israël : « Nous disons à tous les pays, y compris à nos frères arabes, que cette entité, qui ne peut pas se protéger face aux résistants, ne peut vous apporter aucune protection », avant de se féliciter que « la bataille s’est déplacée au cœur de l’entité sioniste ».

Mohammed Deïf, leader militaire et auteur de l’opération

C’est le nom qui revient le plus fréquemment au moment de chercher l’origine de l’offensive du Hamas. Son lieu de résidence est inconnu, et pour cause, l’homme se fait surnommer « Guest » ( « invité », en anglais), en raison de son mode de vie nomade pour fuir les représailles. Selon la légende, il dormirait chaque nuit dans un endroit différent et aurait échappé à de multiples tentatives d’assassinat. Mohammed Deïf aurait ainsi perdu une jambe et un bras en 2006. En 2014, il échappe une nouvelle fois à la mort, contrairement à sa mère et son fils.

Né dans la bande de Gaza en 1965, l’homme rejoint le Hamas en 1987 lors de la première intifada. En 1989, il se fait arrêter par Israël et passe 16 mois en prison, renseigne Marie Kortam : « Il est détenu sans procès pour avoir travaillé dans l’appareil militaire du Hamas. Durant son emprisonnement, Al-Deif avait convenu avec deux autres hommes, Zakaria Al-Shorbaji et Salah Shehadeh, de créer un mouvement distinct du Hamas politique dans le but de capturer les soldats d’occupation israéliens : les Brigades Al-Qassam. »

En 2022, il devient chef de ses brigades suite à l’assassinat de Salah Shehadeh. « Il a alors préparé un plan qui prévoyait la formation de combattants non martyrisés et projetait de déplacer la bataille à l’intérieur d’Israël », explique la chercheuse. Preuve de son importance dans l’opération de samedi, Mohammed Deïf en a donné le détail. « Il a déclaré, dans un message audio, que la première frappe du ''Déluge d’Al-Aqsa'' visait des sites militaires israéliens, des aéroports et des fortifications, et que 5.000 missiles et obus avaient été lancés au cours des vingt premières minutes de l’opération », rappelle Marie Kortman. Mohammed Deïf est ensuite parvenu, avec ses hommes, à remplir un objectif jamais atteint à une telle échelle depuis des décennies. Faire la guerre sur le territoire ennemi.

Yahya Sinwar, chef de Gaza

Né en 1962, Yahya Sinwar grandit dans le camp de réfugiés de Khan Younès, au sud de la bande de Gaza. Il intègre lui aussi le Hamas en 1987 lors de la première intifada, en devenant un proche du cheikh Ahmed Yassine, fondateur du mouvement. Yahya Sinwar se fait alors connaître pour son radicalisme, en fondant notamment la police politique du Hamas, les « unités du djihad et de la prédication » (Majd en arabe), coupable de nombreuses exactions. Yahya Sinwar est arrêté en 1988 par les Israéliens et hérite de trente ans de réclusion pour quatre meurtres, alors qu’il est soupçonné d’en avoir commis plus de 12.

Malgré plusieurs tentatives d’évasion, où il se fait à chaque fois intercepté, il restera en prison 22 ans, avant de bénéficier d’un échange de prisonniers - 1.000 Palestiniens sont libérés, en échange d’un soldat israélien, Gilad Shalit. Accueilli en héros dans la bande de Gaza, il annonce son intention de capturer toujours plus de soldats israéliens, afin d’augmenter les libérations de prisonniers palestiniens. A la mort de Mazen Foqaha en 2017, Yahya Sinwar est élu à sa succession comme chef du bureau politique de la bande de Gaza. Il sera réélu en 2021. Dès sa première nomination, Israël s’inquiète de l’accession au pouvoir d’un des éléments les plus radicaux du Hamas.

Pourtant, Yahya Sinwar va petit à petit construire l’image d’un Hamas de moins en moins belliqueux frontalement envers Israël, ce qui a pu tromper les services de renseignement. « Une nouvelle guerre n’est dans l’intérêt de personne, certainement pas dans notre intérêt. Qui voudrait se confronter à une puissance nucléaire avec seulement quatre frondes ? La guerre ne mène à rien », avait-il ainsi déclaré en 2018. Avant samedi, jamais le Hamas n’avait conduit une opération de cette ampleur, et il tendait à se désengager des conflits. En mai dernier, alors que le Djihad islamique, autre organisation armée palestinienne et Israël étaient en conflit, le Hamas n’était pas en première ligne.

La situation a aujourd’hui changé du tout au tout. « Yahya Sinwar est le commandant de l’assaut et c’est un homme mort », a déclaré le principal porte-parole de l’armée israélienne.