scrutin testRéduire le droit à l’IVG, une erreur dont l’Amérique revient ?

Etats-Unis : Après la bataille fédérale perdue, les revanches locales des pro-IVG

scrutin testPourtant remporté par Trump en 2020, l’Etat de l’Ohio s’est prononcé en faveur du droit à l’avortement mardi, dans la lignée de victoires locales dans d’autres Etats, plus d’un an après la volte-face de la Cour suprême sur la question
Octave Odola

Octave Odola

L'essentiel

  • Les électeurs de l’Ohio ont approuvé mardi l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution. Une victoire pour les pro-avortement dans cet Etat contrôlé par les républicains.
  • Dans l’état voisin conservateur du Kentucky, le gouverneur démocrate a été réélu en misant sur cette question.
  • Le droit à l’IVG s’annonce comme une question centrale de la campagne 2024, alors que la Cour suprême est revenue l’an dernier sur l’arrêt Roe VS Wade qui accordait aux Américaines le droit d’avorter dans tout le pays.

Rappelez vous l’été 2022. La Cour suprême avait balayé d’un revers de main l’historique précédent Roe VS Wade qui garantissait aux Américaines le droit d’avorter dans tout le pays, créant une onde de choc mondiale. Depuis, les défenseurs du droit à l’avortement respirent un peu mieux. Ce mardi, les électeurs de l’Ohio ont approuvé l’inscription de la protection de l’IVG dans la constitution de cet Etat pourtant conservateur.

Depuis la volte-face de la Cour suprême, c’est la sixième victoire en six référendums pour les pro-avortement. Comment expliquer que le sujet soit si politisé alors qu’au vu des derniers scrutins le droit à l’avortement semble être accepté par la société américaine ? Éléments de réponse avec Théo Laubry, chroniqueur de la vie politique américaine pour le média Slate.

Au-delà des camps conservateurs et démocrates, un consensus se dessine-t-il pour ne pas toucher au principe du droit à l’avortement au niveau local ?

Une défaite au niveau fédéral, mais des succès sur le plan local. Après le Kansas en août, un autre Etat du Midwest américain dit oui au droit à l’avortement. Les pro-IVG en faveur du oui à l’amendement constitutionnel sur ce droit l’emportent dans l’Ohio, un Etat pourtant conservateur. Le tout, après une tentative ratée du camp anti-IVG en août de compliquer l’organisation de référendums.

Cette kyrielle de succès locaux dessine une tendance. « La décision de la Cour suprême a été un choc, ce qui fait qu’aujourd’hui une mobilisation nouvelle se met en marche pour défendre ces droits », analyse notre spécialiste. Selon un sondage de l’institut Gallup relayé par La Croix, 61 % des Américains considèrent la décision de la Cour suprême comme une « mauvaise chose ».

« Peu importe le bord politique, la majorité des Américains considèrent que réduire à peau de chagrin le droit à l’IVG est une erreur, poursuit notre expert. La décision de la Cour suprême était impopulaire même dans un électorat conservateur modéré. Les divergences ne se situent pas dans le prinicipe, mais au niveau des modalités de l’exercice de ce droit (nombre de semaines…). »

Comment expliquer que les pro-avortement l’emportent dans des Etats conservateurs ?

Après la décision de la Cour suprême, la législation de l’Ohio s’est subitement raidie. L’Etat avait adopté une loi bannissant la majorité des avortements, même en cas de viol ou d’inceste, dès lors qu’un battement de cœur du fœtus pouvait être détecté, soit au début de la grossesse, vers six semaines. Ainsi, comme le relatait The Guardian, une fillette de dix ans avait été contrainte de voyager vers l’Indiana depuis l’Ohio pour pouvoir recourir à l’IVG. Aujourd’hui, cette législation est en suspens du fait d’une bataille juridique, et l’avortement est légal jusqu’à la 22e semaine de grossesse.

Malgré ce contexte, le camp pro-IVG a réussi à s’imposer dans un Etat dirigé par un gouverneur républicain. Grâce à la mobilisation d’un électorat « plus politisé » que lors des élections générales. « Il y a un double phénomène : l’électorat est plus mobilisé, composé de CSP +, de jeunes, de personnes plus diplômés… Et une mobilisation moins prégnante des anti-avortement, qui ont déjà obtenu une victoire nationale. »

La droite américaine s’est-elle trompée stratégiquement en faisant de l’IVG un cheval de bataille ?

« Dans l’Ohio, ce programme (anti-avortement) extrême et dangereux est en décalage avec la grande majorité des Américains ». Sur X, (ex-Twitter), Joe Biden n’a pas manqué de saluer le résultat du référendum dans l’Ohio. A un an de la présidentielle, le démocrate s’est permis de tirer des conclusions nationales d’un scrutin local, affirmant que « la démocratie a gagné et les trumpistes ont perdu ».

Sur cette question de société, la tendance actuelle lui donne raison, mais l’analyse se lisse en regardant la temporalité, selon notre spécialiste. « On entend souvent que les conservateurs se sont tiré une balle dans le pied avec cette question. Mais, même s’ils perdent des référendums et des élections intermédiaires, la victoire des anti-IVG à la Cour suprême reste symbolique, après un demi-siècle de bataille ».

Pour les démocrates, reste à continuer à mobiliser sur cette question sur le long terme, « notamment pour réélire un président démocrate et sécuriser un poste de juge à la Cour suprême ».