Primaire républicaine : Mais c’est quoi un caucus et pourquoi celui de l’Iowa est-il aussi important ?
décryptage•Cet Etat rural du Midwest ouvre le bal de la primaire républicaine le 15 janvier, et Donald Trump espère assommer Ron DeSantis et Nikki Haley pour confirmer son statut de favori malgré les nuages judiciairesPhilippe Berry
L'essentiel
- Après des mois de campagne, les premiers électeurs vont voter dans l’Iowa, le 15 janvier 2024.
- Depuis plus de 50 ans, cet Etat rural du Midwest fait office de baromètre important pour lancer les primaires.
- Coté républicain, Donald Trump veut tuer dans l’œuf les espoirs de Ron DeSantis et de Nikki Haley en dépassant les 50 % des voix.
De notre correspondant aux Etats-Unis,
Ah, l’Iowa. Ses champs de maïs, sa capitale au nom français écorché par les Américains (Des Moines, prononcé [De Moïn]), et son fameux caucus. Depuis le début des années 1970, cet Etat rural du centre des Etats-Unis donne le coup d’envoi des primaires et du marathon de la présidentielle américaine. Pourquoi l’Iowa a-t-il pris une telle importance, avec des candidats qui le sillonnent pendant des mois ? Comment fonctionne un caucus ? Donald Trump va-t-il écœurer Ron DeSantis et Nikki Haley et tuer le game ? On vous explique tout, avant le scrutin du 15 janvier.
Qu’est-ce qu’un caucus ?
C’est une réunion politique de quartier, vestige de la démocratie participative. Contrairement à une primaire, gérée par un Etat, un caucus est directement organisé par chaque parti local. Les adhérents républicains de plus de 18 ans se rassemblent dans des écoles, des gymnases ou des églises. Des représentants des candidats peuvent faire un discours pour tenter de convaincre les indécis, puis tout le monde vote. C’est beaucoup plus simple que chez les démocrates, où des règles archaïques incluant des seuils de viabilité et des mécanismes de report des voix ont conduit à un fiasco en 2020, avec des résultats qui avaient mis six jours à être officialisés.
D’où vient ce nom ?
Il y a débat. Les dictionnaires retiennent deux théories sans véritablement trancher. Selon la première, qui remonte aux années 1760 à Boston, « caucus », ou « caucas », serait un raccourci de « caulker’s meeting », une assemblée d’hommes s’occupant du calfatage des bateaux. Mais des linguistes évoquent une origine algonquienne (des peuples autochtones) dérivée du mot « caucauasu », qui désigne un sage « qui conseille ».
Pourquoi l’Iowa vote en premier ?
Les experts locaux le rappellent régulièrement : l’Iowa ne vote pas en premier car il est important ; il est important car il vote en premier. Tout remonte à 1972. Jusque-là, seulement une douzaine d’Etats organisaient des caucus ou des primaires. La bataille des délégués se jouait principalement à la convention. Et chez les démocrates, celle de 1968, avec l’assassinat de Robert Kennedy, la guerre du Vietnam et le retrait de Lyndon Johnson, tourne au fiasco. Elle est émaillée de violences, avec le sentiment que le parti choisit le candidat via une tambouille interne en ignorant le peuple. En 1972, les démocrates élargissent donc les primaires. Et l’Iowa, qui choisit un système compliqué, se retrouve à voter en premier. Les républicains suivent en 1976.
Pourquoi les démocrates ont-ils sanctionné l’Iowa ?
Joe Biden et les démocrates ont décidé de sanctionner le raté de 2020, en choisissant cette année la Caroline du Sud, à la population beaucoup plus diverse, pour lancer la primaire. Mais l’Iowa, qui a une population à 90 % blanche et majoritairement évangélique, reste un baromètre prisé des républicains.
Comment les délégués sont attribués ?
Chez les républicains, les candidats se disputent 40 délégués dans l’Iowa, une goutte d’eau sur les 2.467 en jeu dans la primaire. Dans cet Etat, ils sont attribués à la proportionnelle : si Donald Trump remporte 42 % des voix, il obtiendra par exemple 17 délégués.
Remporter l’Iowa est-il de bon augure pour la nomination et la Maison Blanche ?
Ça dépend. En 1976, l’Iowa sert de tremplin à Jimmy Carter, qui écrase la compétition et domine ensuite Gerald Ford. Chez les démocrates, depuis 1976, 63 % des candidats qui ont remporté l’Iowa ont décroché la nomination, contre 37 % chez les républicains. Et c’est évidemment pire pour la présidence : seulement un démocrate vainqueur dans l’Iowa sur cinq a accédé à la Maison Blanche, contre un sur huit pour les républicains.
Combien de temps les républicains ont-ils passé dans l’Iowa ?
Beaucoup ! Ron DeSantis, notamment, a campé dans l’Iowa. Selon un décompte de NBC, le gouverneur de Floride a participé à 125 événements (meeting, débats etc.) depuis le mois de mai, contre 33 pour Nikki Haley et 27 pour Donald Trump. DeSantis et les groupes le soutenant ont dépensé 21 millions de dollars en publicité, contre 13 millions pour Trump et 18 millions pour Haley.
Donald Trump va-t-il assommer la compétition ?
Au niveau national, Donald Trump dépasse les 60 % et compte plus de 50 points d’avance sur Ron DeSantis et Nikki Haley, selon la moyenne des sondages de RealClearPolitics. Mais dans l’Iowa, c’est un peu plus serré : l’ancien président est crédité de 50 % des intentions de vote, contre 17 % à DeSantis et 15 % à Haley, selon le sondage d’Emerson College publié le 20 décembre.
Si l’ancienne gouverneure de Caroline du Sud, qui semble séduire l’establishment républicain anti-Trump, réussit à faire mieux que prévu, elle pourrait surfer sur la vague la semaine suivante dans le New Hampshire, où elle flirte désormais avec les 30 %. Avant une éventuelle bataille cruciale à domicile le 24 février en Caroline du Sud. Donald Trump, lui, espère tuer le suspense de la course aux délégués d’ici le « Super Tuesday », le 5 mars. Histoire de plier l’affaire avant que ses procès ne débutent ou que la Cour suprême ne se prononce sur son inéligibilité dans le Colorado.