100 ans du massacre de Tulsa : Un drame racial longtemps passé sous silence
COMMEMORATIONS•Joe Biden est attendu dans l'Oklahoma, mardi, pour participer aux commémorations du centenaire du massacre de Tulsa, lors duquel une meute d'hommes blancs a tué jusqu'à 300 Afro-AméricainsPhilippe Berry
C'est l'un des pires déchaînements de violences raciales de l'histoire moderne américaine. Du 31 mai au 1er juin 1921, une meute d'hommes blancs armés ont pillé et brûlé un quartier noir prospère de Tulsa surnommé le «Black Wall Street». Selon les estimations, jusqu'à 300 Afro-américains ont été tués lors de ce massacre longtemps passé sous silence par les livres d'histoire et les programmes scolaires américains. Alors que de nombreuses voix réclament la mise en place d'un programme de réparations, Joe Biden se rend à Tulsa ce mardi pour participer aux commémorations du 100e anniversaire du drame.
C'est l'un des pires déchaînements de violences raciales de l'histoire moderne américaine. Du 31 mai au 1er juin 1921, une meute d'hommes blancs armés ont pillé et brûlé un quartier noir prospère de Tulsa surnommé le «Black Wall Street». Selon les estimations, jusqu'à 300 Afro-américains ont été tués lors de ce massacre longtemps passé sous silence par les livres d'histoire et les programmes scolaires américains. Alors que de nombreuses voix réclament la mise en place d'un programme de réparations, Joe Biden se rend à Tulsa ce mardi pour participer aux commémorations du 100e anniversaire du drame.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, dans un sud américain où sévit la ségrégation raciale, le quartier noir de Greenwood, surnommé le «Black Wall Street», dans lequel des commerces et des entrepreneurs afro-américains prospèrent, attise la jalousie d'une partie de la majorité blanche. Le 30 mai 1921, un incident met le feu aux poudres.
Faute de témoins, les détails ne sont pas connus avec certitude. Dick Rowland, un jeune cireur de chaussures afro-américain de 19 ans, vient comme souvent utiliser des toilettes réservées aux personnes noires. Sarah Page, la jeune opératrice blanche de l'ascenseur, âgée de 17 ans, pousse un cri. Un employé qui n'a pas vu la scène appelle la police, signalant une possible agression, et Dick Rowland s'enfuit en courant. Selon l'historien Scott Ellsworth, la version la plus plausible est que le jeune homme ait trébuché et se soit rattrapé au bras de l'opératrice, qui n'a jamais porté plainte.
Après l'interpellation de Dick Rowland, une foule d'hommes blancs se rassemblent et des appels au lynchage se multiplient. Un groupe d'Afro-américains armés comprenant des ex-soldats revenus de France se mobilisent pour défendre le cireur de chaussures. Un premier échange de coups de feu fait des morts des deux côtés. La police se trouve débordée et une meute d'hommes blancs armés converge vers Greenwood.
Dans la nuit du 31 mai au 1er juin, ils mettent le feu à de nombreux bâtiments et prennent en chasse des habitants du quartier. Des témoins affirment avoir vu des avions larguer des bombes incendiaires mais selon un rapport parlementaire de 2001, aucun appareil de l'armée américaine n'a décollé à cette période. Le rapport n'exclut toutefois pas que des avions privés aient pu jeter de la dynamite sur des bâtiments ou tirer sur les habitants.
Au total, 1.000 bâtiments sont détruits, notamment l'église noire du Mont Zion, et 8.000 personnes se retrouvent à la rue. Le bilan officiel de l'époque est de 36 morts, dont 26 Afro-Américains. Mais le rapport d'enquête de 2001 donne une fourchette comprise entre 75 et 300 victimes, en s'appuyant sur l'estimation du responsable local de la Croix rouge américaine pour le chiffre le plus élevé.
Pour compliquer la donne, de nombreux documents et registres de l'époque ont disparu ou ont été volontairement détruits. Selon Scott Ellsworth, les autorités ont notamment saisi presque toutes les photos dans les studios de la ville. Pendant plusieurs décennies, ce qui a longtemps été présenté comme des «émeutes» a été passé sous silence.
A l'occasion du 75e anniversaire du drame, en 1996, le travail de mémoire a repris. Ce n'est qu'en 2012 que le massacre de Tulsa a officiellement été rendu obligatoire dans les programmes scolaires des lycées de l’Oklahoma. A l'étranger, de nombreuses personnes ont pour la première fois entendu parler du drame avec la scène d'ouverture de la série de HBO Watchmen, en 2019. L'horreur continue d'émerger à ce jour, avec la découverte, en octobre dernier, de 12 cercueils qui pourraient contenir les restes de dépouilles de victimes du massacre. Des tests sont en cours pour le confirmer.
Au total, le massacre de Tulsa a fait plus de 2 millions de dollars de l'époque de dégâts en propriétés détruites –l'équivalent de 27 millions de dollars aujourd'hui, et de nombreux élus militent pour la mise en place d'un programme de réparation pour dédommager les descendants des victimes.
Attendu sur place mardi, Joe Biden a assuré lundi que l'Etat américain devait «reconnaître le rôle qu'il a joué dans le fait d'arracher leur richesse et leurs opportunités aux quartiers noirs», dont Greenwood. Le locataire de la Maison Blanche a assuré vouloir «répondre aux inégalités raciales anciennes, via des investissements historiques», concluant: «Nous n'oublierons jamais».