PotOcratesCorée du Nord – Russie, d’où vient cette bromance « anti-occident » ?

Vladimir Poutine en Corée du Nord : D’où vient cette bromance « anti-occident » ?

PotOcratesLe président russe Vladimir Poutine est en Corée du Nord, nouveau signe de son rapprochement avec le pays de Kim Jong-un
Vladimir Poutine en Corée du nord : Signature d'un accord d'assistance mutuelle en cas d'agression
Diane Regny

Diane Regny

L'essentiel

  • Le président russe Vladimir Poutine est en visite d’Etat en Corée du Nord mardi et mercredi.
  • Cette alliance, redoutée par les Occidentaux, s’inscrit dans l’histoire des deux pays.
  • Entre raisons opérationnelles et lutte pour l’ordre mondial, « 20 Minutes » fait le point pour vous sur la bromance russo-nord-coréenne.

EDIT du 19 juin 2024 : Le président russe Vladimir Poutine et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un ont signé ce mercredi un accord de partenariat stratégique à Pyongyang. Les contours de cet accord restent toutefois encore secrets à ce stade.

A Pyongyang, les lampadaires se sont ornés de drapeaux russes et du visage souriant de Vladimir Poutine. Le président russe est en déplacement en Corée du Nord mardi et mercredi pour la première fois depuis 2000. Une visite exceptionnelle qui montre une fois de plus le rapprochement qui s’opère entre les deux pays, confirmant « une étroite et véritable alliance entre Moscou et Pyongyang ».

Mais pourquoi Pyongyang et Moscou s’allient ? Le soutien de la Corée du Nord à la Russie compte-t-il vraiment dans la guerre en Ukraine ? Cette « bromance » est-elle complètement nouvelle ? 20 Minutes fait le point pour vous grâce à l’éclairage de Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur à l’Institut français de géopolitique.

Pourquoi Pyongyang et Moscou se rapprochent ?

Moscou veut les armes de la Corée du Nord qui, en contrepartie, « veut une alliance ouverte et assumée avec la Russie. Le régime nord-coréen accède par ailleurs à des technologies spatiales et balistiques russes, technologies qui lui faisaient défaut jusqu’alors », souligne Jean-Sylvestre Mongrenier. Chaque partie, isolée de nombre de pays, obtient donc les fruits concrets de ce rapprochement.

Et, « au-delà des avantages concrets et opérationnels [notamment en Ukraine], la Russie étend l’axe Moscou-Pékin-Téhéran à la Corée du Nord, analyse Jean-Sylvestre Mongrenier. Vladimir Poutine, au moyen de cet axe anti-occident, entend détruire ce qu’il nomme l’"hégémonie occidentale" et faire basculer le monde vers une "Grande Asie" dirigée par un condominium sino-russe. »

En octobre 2023, l’ancien du KGB avait d’ailleurs assuré que la mission russe était de bâtir un « nouveau monde », débarrassé de « l’hégémonie » occidentale. De son côté, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a estimé la semaine dernière que les deux pays étaient liés par les liens « indéfectibles de frères d’armes ». Un mot repris par Vladimir Poutine mardi, lorsqu’il a assuré Pyongyang du « soutien indéfectible » de la Russie.

La Corée du Nord, un soutien de poids pour Moscou dans sa guerre en Ukraine ?

Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, les Occidentaux n’ont cessé d’accuser la Corée du Nord de livrer des munitions à la Russie, qui les utilise ensuite contre Kiev. « Nous savons que des missiles balistiques nord-coréens sont toujours utilisés pour frapper des cibles ukrainiennes », a regretté mardi le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Kirby, inquiet de « l’approfondissement de la relation entre ces deux pays ».

« Moscou a besoin d’armes (missiles et munitions) pour mener cette longue guerre et le Kremlin compte sur les stocks nord-coréens, afin de pallier les insuffisances de son industrie d’armement », confirme Jean-Sylvestre Mongrenier. Le chercheur à l’Institut français de géopolitique précise que ces stocks ont été « accumulés depuis la Guerre de Corée (1950-1953) et l’armistice de Panmunjeom (1953), puis entretenus et renouvelés dans une ambiance de guerre quasi-permanente ». Alors que les forces ukrainiennes souffrent souvent du retard des livraisons de munitions occidentales, ces stocks peuvent donc s’avérer critiques sur le terrain.

« Cette aide ne suffira pas pour que la Russie remporte cette guerre mais, d’ores et déjà, les livraisons nord-coréennes, jointes à celles de l’Iran (les drones Shahed), lui ont permis de traverser une phase critique (…) et de tenir dans la durée », décrypte Jean-Sylvestre Mongrenier. De plus, certains observateurs soupçonnent la Chine d’utiliser la Corée du Nord pour envoyer discrètement des armes et des munitions à Moscou et ainsi s’éviter des sanctions occidentales. Le président russe s’est d’ailleurs félicité du « ferme soutien » de la Corée du Nord à son invasion de l’Ukraine mardi.

Cette amitié est-elle nouvelle ?

Cette proximité s’inscrit en réalité dans une histoire commune. Si les Occidentaux ont longtemps compté sur la « rationalité » de la Russie pour freiner les velléités nucléaires de la Corée du Nord, Moscou a toutefois longtemps été un soutien de Pyongyang. En 1961, les deux pays ont même signé un traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle.

Sous la férule de Mikhaïl Gorbatchev, l’URSS a toutefois pris ses distances avec la Corée du Nord et depuis les années 1980, les relations bilatérales se sont dégradées jusqu’à un timide regain dans les années 2000. Dès 2014, la guerre en Ukraine et les échanges de matières premières donnent un dernier coup d’accélérateur à l’amitié russo-nord-coréenne. La rencontre de Vladimir Poutine et de Kim Jong-un pourrait accoucher d’un nouveau partenariat « stratégique », d’après un document publié mardi par le Kremlin. De quoi sceller encore un peu plus cette amitié « anti-occident ».