« Pas l’intention d’éviter une guerre… » Bon, il mijote quoi Kim Jong-un ?

Corée du Nord : « Je n’ai pas l’intention d’éviter une guerre… » Mais enfin, à quoi joue Kim Jong-un ?

ÇA CHAUFFEAprès des années de détérioration de leurs relations, Pyongyang a officialisé sa position mi-janvier en menaçant « d’anéantir » le Sud en cas de guerre
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a déclaré que la Corée du Sud était son « principal ennemi », a dissous les agences dédiées à la réunification, a tiré des missiles en série et a menacé d’entrer en guerre pour toute violation territoriale « ne serait-ce que de 0,001 mm ». Les échecs du numéro 1 nord-coréen sont nombreux, après dix ans au pouvoir. Et, particulièrement touchée par la pandémie de Covid-19, Pyongyang avait ralenti le rythme de ses provocations armées depuis deux ans. La reprise est bien là. Cette surenchère de menaces, cette rhétorique enflammée sont-elles une manière pour Pyongyang d’avoir voix au chapitre sur la scène internationale ? 20 Minutes fait le point alors que Kim Jong-un a affirmé ce mois-ci qu’il n’avait « pas l’intention d’éviter une guerre ».

Quelle est la situation ?

Après des années de détérioration de leurs relations, Pyongyang a officialisé sa position mi-janvier en menaçant « d’anéantir » le Sud en cas de guerre. Il s’agit d’un changement important, car « dans le passé, lorsqu’il y avait un risque de conflit armé, il y avait une voie de secours pour garder le contrôle, mais maintenant il n’y a plus rien de tout cela », observe Hong Min, analyste à l’Institut coréen pour l’unification nationale à Séoul.

La Corée du Nord s’est débarrassée « de tout mécanisme intercoréen visant à empêcher les conflits d’échapper à tout contrôle », ajoute-t-il. Selon lui, « le fait que le Nord qualifie le Sud de ''principal ennemi'' n’est pas seulement rhétorique : les mots pourraient se transformer en action ».

File-t-on vers une invasion de la Corée du Sud ?

Le numéro un nord-coréen a affirmé qu’il ne déclencherait pas « unilatéralement » un conflit, mais qu’il n’avait « pas non plus l’intention d’éviter une guerre ». Il a dit ne plus reconnaître la frontière maritime de facto entre les deux Corées, dénommée « Ligne de limite du nord » (NLL), et l’armée nord-coréenne a récemment organisé des exercices d’artillerie à balles réelles dans la région.

Cela a créé « une possibilité croissante d’escarmouche militaire entre les deux parties, ce qui pourrait conduire à un conflit plus large », estime encore Hong Min. En outre, Pyongyang s’est rapprochée de Moscou, y compris - selon Washington et Séoul - en lui livrant des missiles utilisés dans ses récentes attaques d’envergure sur l’Ukraine, en échange d’une aide pour son programme de satellites.

Alors, c’est quoi la prochaine étape ?

Selon Choi Gi-il, professeur d’études militaires à l’université de Sangji, les deux Corées ont désormais la « plus forte probabilité d’être entraînées dans un conflit armé ». « Supposons qu’une future provocation du Nord fasse des victimes civiles et militaires. Nous visons le point d’origine avec des obus. Mais allons-nous également les frapper avec des moyens aériens ? », s’interroge-t-il.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

En 2010, lorsque le Nord a bombardé l’île frontalière sud-coréenne de Yeonpyeong, faisant quatre morts, les avions de combat F-16 de Séoul étaient « en vol, prêts à frapper, mais le président de l’époque, Lee Myung-bak, a annulé l’opération » afin d’éviter une escalade. « Si nous avons un incident similaire, il n’y a aucune garantie que la puissance aérienne ne sera pas utilisée compte tenu des appels bellicistes » de l’administration sud-coréenne. Et la réplique de Pyongyang « pourrait déboucher sur une véritable guerre dans le pire des cas », déclare l’expert.

Doit-on laisser tomber toute idée de réconciliation entre les deux Corées ?

Les perspectives de réconciliation intercoréenne ont longtemps été sombres. Mais en qualifiant son voisin d’ennemi numéro 1, Kim Jong-un « n’a pas seulement fermé la porte au rapprochement, il l’a cadenassée pour que les Sud-Coréens sachent clairement quelle est sa position à l’égard de leurs relations », estime Soo Kim de LMI Consulting, une ancienne analyste de la CIA. Mais, selon elle, la nouvelle rhétorique de Pyongyang ne change pas nécessairement « le calcul de la Corée du Nord ».

Pyongyang développe depuis longtemps des armes nucléaires et des missiles et M. Kim attend le moment opportun pour procéder à son septième essai nucléaire. « Ces armes n’ont pas été développées du jour au lendemain, et les plans du régime de Kim pour les utiliser comme outils de coercition, de menace et de négociation sont leur modus operandi depuis des décennies », souligne l’experte.

Alors, il veut quoi au juste Kim Jong-un ?

La récente rhétorique de Kim Jong-un à l’égard du Sud « semble relever d’un ajustement idéologique pour la survie du régime, justifiant l’accent mis par Kim Jong-un sur les missiles nucléaires », estime Leif-Eric Easley, professeur à l’université Ewha de Séoul. Malgré des années de fermeture des frontières liées au Covid-19 et de contrôles stricts sur la circulation de l’information à l’intérieur du pays, les Nord-Coréens « sont de plus en plus conscients des échecs économiques de leur pays par rapport aux réussites sud-coréennes », selon lui. « Ainsi, Kim Jong-un redouble de prouesses militaires contre les menaces extérieures pour asseoir sa légitimité intérieure », observe encore Leif-Eric Easley.

Tout savoir sur Kim Jong-un

Le Sud doit organiser des législatives en avril, au cours desquelles le parti conservateur du président Yoon Suk Yeol tentera de reprendre le contrôle du Parlement. Et notre expert d’ajouter : « Kim Jong-un pourrait également essayer de punir politiquement l’administration Yoon pour sa politique à l’égard de Pyongyang avant les élections. »