Mer de Chine : Pourquoi la tension monte entre Pékin et Manille ?
collision diplomatique•Manille accuse la Chine d’avoir intentionnellement percuté un bateau philippin dans les eaux contestées de la mer de Chine méridionale20 Minutes avec AFP
Le ton monte entre la Chine et les Philippines après deux collisions de bateaux dans la mer de Chine méridionale. Manille a ainsi accusé lundi des navires chinois d’avoir « intentionnellement » percuté des bateaux philippins par deux fois dimanche près de l’atoll Second Thomas Shoal, dans les Spratleys, où la marine philippine est stationnée et où Pékin déploie des navires pour faire valoir ses revendications territoriales. Les deux pays se renvoient la responsabilité de ces télescopages. Retour sur les accrochages à l’origine des tensions.
Accrochages en mer
Deux incidents dans la même journée, ça fait beaucoup. Trop pour les autorités philippines. Selon Manille un bateau de ravitaillement a heurté un navire des garde-côtes chinois en raison de « manœuvres de blocage dangereuses » de ce dernier à environ 25 km de l’île corallienne. Pékin a de son côté évoqué une « légère collision » après que le bateau philippin a ignoré « de multiples avertissements et délibérément croisé les forces de l’ordre de manière non professionnelle et dangereuse », selon la télévision publique CCTV, citant le ministère des Affaires étrangères.
Lors d’un autre incident, un navire des garde-côtes philippins qui escortait la mission de ravitaillement a été « heurté » par ce que Manille a qualifié de « navire de la milice maritime chinoise ». Pékin a toutefois accusé le bateau philippin d’avoir « délibérément » causé une collision en faisant marche arrière de manière « préméditée » en direction d’un navire de pêche chinois.
Une vidéo diffusée par l’armée philippine montre que la proue du navire des garde-côtes chinois et la poupe du navire de ravitaillement de Manille se sont brièvement touchées. Ensuite, le navire philippin a poursuivi sa route sans que l’on puisse déterminer s’il y avait eu des dégâts. Pour Pékin, « la responsabilité des incidents de dimanche incombe entièrement aux Philippines ». Manille et Pékin se rejettent ainsi la responsabilité de deux collisions.
La colère de Manille
« Les navires des garde-côtes et des milices maritimes chinoises, en violation flagrante du droit international, ont harcelé et heurté intentionnellement l’Unaiza May 2 et le navire des garde-côtes philippins BRP Cabra » pendant « des opérations légitimes de rotation et de réapprovisionnement dans la zone économique exclusive des Philippines », a déclaré à la presse le ministre philippin de la Défense, Gilbert Teodoro.
« Nous sommes ici pour dénoncer dans les termes les plus forts cette violation flagrante et cet acte illégal dans la zone économique exclusive de 200 miles nautiques et l’obscurcissement de la vérité par la Chine, qui déforme l’histoire pour parvenir à ses propres fins », a ajouté le ministre. Ces propos surviennent quelques heures après que le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a rencontré des responsables chargés des questions de sécurité et ordonné à la garde côtière d’enquêter sur l’incident, « pris au sérieux au plus haut niveau du gouvernement », selon ses communicants.
Pressions diplomatiques activées
Au lendemain des incidents, Manille a convoqué l’ambassadeur de Chine tandis que Pékin a émis une protestation « solennelle » à l’adresse des Philippines. L’ambassadeur chinois Huang Xilian, indisponible, a été représenté par son chef de mission adjoint. « Ayungin Shoal fait partie de notre zone économique exclusive et de notre plateau continental, et nous avons des droits souverains et avons juridiction sur lui », a ajouté Teresita Daza, la porte-parole du ministère philippin.
Pékin a de son côté adressé une protestation « solennelle » par la voie diplomatique aux Philippines, faisant part de son « fort mécontentement » et de sa « ferme opposition » après « l’intrusion » de navires philippins autour de l’atoll disputé, selon l’ambassade de Chine à Manille.
Territoire maritime disputé
Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale malgré les prétentions rivales des Philippines, du Vietnam ou encore de la Malaisie, faisant fi d’un jugement international de 2016 qui lui a donné tort.
Les collisions sont survenues au moment où les Philippines conduisaient une mission de ravitaillement habituelle de leurs troupes situées dans cet avant-poste isolé à environ 200 km de l’île philippine de Palawan et à plus de 1.000 km de la grande île chinoise la plus proche, Hainan.
En 1999, les Philippines avaient délibérément fait s’échouer sur l’atoll un bateau militaire, le BRP Sierra Madre, dans le but d’y installer des troupes et d’affirmer leurs prétentions de souveraineté face à la Chine. Le navire est depuis une source de tensions entre Pékin et Manille. Les membres de l’infanterie de marine philippine présents à bord dépendent de missions de ravitaillement pour survivre.