Canada : « C’est un monstre », raconte ce pompier français, qui a combattu les gigantesques incendies au Québec
Solidarité•Depuis le mois de juin, 15 millions d’hectares de forêt ont brûlé au Canada, menaçant la vie de milliers d’habitantsCamille Allain
L'essentiel
- Plusieurs centaines de pompiers français ont quitté la métropole cet été pour aller aider leurs homologues canadiens dans leur lutte contre les incendies.
- Le capitaine Maximilien Leboulanger a passé trois semaines dans la province du Québec où il a pu mesurer l’ampleur du phénomène.
- Plus de 15 millions d’hectares de forêt ont déjà brûlé au Canada, soit le pire bilan jamais enregistré.
L’été dernier, il s’était porté volontaire pour prêter main-forte à ses collègues luttant contre les violents incendies en Gironde. Cette année, c’est au Canada que le capitaine Maximilien Leboulanger a trimbalé son uniforme bleu et rouge. Spécialisé dans la lutte contre le feu de forêt, le pompier de la caserne de Rennes Centre (Ille-et-Vilaine) a rejoint fin juillet un détachement de 126 soldats du feu français venu en aide à leurs homologues canadiens dans la lutte contre les incendies qui ravagent le pays. Frappé par un violent orage le 1er juin, le gigantesque territoire boisé d’Amérique du Nord doit depuis lutter sans relâche contre des feux immenses que les secours ne peuvent pas maîtriser. Les autorités canadiennes estiment que 15 millions d’hectares sont déjà partis en fumée, soit le pire bilan de l’histoire du pays. « Quand on prenait l’avion ou l’hélicoptère pour survoler les zones, on voyait l’horizon parsemé de fumées. Partout où on regardait, à 360 degrés, on voyait les traces du feu », témoigne Maximilien Leboulanger.
Parti fin juillet, le capitaine aura vécu trois semaines dans la province de Québec, dont deux semaines au plus près du feu. Envoyé à 1.500 km au nord de Québec, le pompier rennais a passé 18 heures dans un pick-up pour arriver à Radisson où il devait protéger une station électrique avant de faire route vers Wemindji, petit village d’Indiens autochtones perdu au milieu de la forêt. « La géographie des lieux est hors-norme. La province du Québec, c’est trois fois la taille de la France, avec cinq fois plus de forêt. »
« C’est un éternel combat »
Au-delà de l’immensité des lieux, l’expérimenté pompier a été frappé par le comportement du feu. « C’est très différent de ce qu’on a l’habitude de voir en France. C’est un monstre. Parfois, il montre son visage et parfois il se cache sous la végétation pendant des jours et réapparaît ailleurs. Quand il rejaillit, il enflamme la mousse à caribou (un lichen) et ça reprend dans les arbres. C’est un travail de sape qui demande parfois de creuser sur 30 ou 40 centimètres. C’est un éternel combat. » Un travail épuisant dans un environnement très enfumé qui a donné au pompier l’impression « d’un éternel recommencement ».
Accueillie au sein du village de Wemindji, la délégation française a évolué en présence de plusieurs pompiers canadiens, dont la plupart mettaient pour la première fois les pieds dans cette contrée reculée, où on laisse en général les feux brûler. Dans ce village qui possède sa propre langue et vit en autonomie, les soldats du feu ont reçu un accueil des plus chaleureux. « Chaque midi, on avait un petit sac avec notre déjeuner. Dedans, les habitants glissaient des post-it avec des messages de remerciements, des petites attentions. C’était très touchant. » Après deux semaines de lutte au milieu de nulle part, le pompier rennais a regagné la France et la Bretagne. Sain et sauf, pour le plus grand soulagement de sa famille. « Il faut les saluer elles aussi, car elles nous permettent de partir en mission. On quitte nos maisons pour protéger celles des autres. »
Cette mission à l’étranger aura permis au pompier français de découvrir de nouvelles approches de lutte contre le feu, mais aussi de se confronter à une faune qu’il n’a pas l’habitude de croiser dans les forêts d’Ille-et-Vilaine. « On a fait face à un ours qui a chargé notre voiture avant de s’arrêter d’un coup. C’est sûr que ça fait bizarre », raconte dans un sourire le capitaine, qui a également croisé le chemin de lynx et d’orignaux (élan) qui évoluaient au milieu des incendies. « Le Canada est un pays qui a appris à vivre avec ces mégafeux. Les pompiers que nous avons croisés savent qu’ils ne pourront pas les éteindre seuls. C’est la nature qui les a allumés, ce sera à la nature de les éteindre. » Plus de cinq millions d’hectares ont brûlé dans la province du Québec, soit un tiers de la surface sinistrée dans le pays. Depuis quelques jours, les pompiers peuvent cependant savourer l’arrivée de conditions météorologiques plus favorables qui devraient leur permettre de travailler avec plus de sérénité.