Un an après, que reste-t-il des indignés espagnols?
DÉCRYPTAGE•lors qu'ils fêtent depuis dimanche la première année de leur mouvement, les «Indignados» veulent retrouver leur place à la pointe de la contestation populaire...Bérénice Dubuc avec Reuters
Un an après, ils sont toujours là. Les «indignés» espagnols se sont remobilisés depuis samedi pour célébrer le premier anniversaire de leur mouvement, «15M», qui dénonce toujours le capitalisme financier et les inégalités sociales, mais aussi pour montrer qu’il est toujours actif.
Des milliers d'Espagnols se sont ainsi rassemblés samedi soir pour manifester sur la place de la Puerta del Sol à Madrid et dans 80 autres villes du pays, dont Barcelone, Valence, Séville et Bilbao, aux cris de: «La violence, c'est de gagner 600 euros» ou «Votre dette, ne la payons pas». Des centaines de manifestants ont ensuite passé la nuit sur la place madrilène, et comptaient y passer les quatre jours suivants comme ils l’avaient fait en mai 2011.
Les conservateurs interdisent tout nouveau campement
L’an dernier à la même époque, des milliers de jeunes Espagnols avaient campé pendant plusieurs semaines sur la Puerta del Sol, sans leader et pacifiques, coordonnant leur action via les réseaux sociaux, pour dénoncer l'austérité, un chômage endémique, et des politiques incapables de faire face. Surnommés les «indignados» par les médias, ils ont inspiré d'autres mobilisations comme le mouvement Occupy aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne.
Mais, un an plus tard, le campement aura à peine tenu une nuit: dès dimanche matin, les Indignés ont été délogés par la police, alors qu’ils avaient prévu d’occuper pendant quatre jours la Puerta del Sol. En effet, cette année, le gouvernement des conservateurs emmenés par Mariano Rajoy, arrivé au pouvoir après la chute des socialistes, a interdit tout nouveau campement, déployé 2.000 policiers antiémeute dans Madrid, et imposé aux manifestants de quitter la place chaque soir à 22h.
>> Regardez une vidéo amateur de l'évacuation:
Malgré cette fermeté, les Indignés ont décidé de tenir jusqu'à ce mardi une «assemblée permanente» sur la place et des «assemblées populaires» à travers le pays. Car, un an après les débuts du mouvement, la situation ne s’est pas améliorée: l'Espagne subit sous la houlette de la droite une cure d'austérité sans précédent, l'économie est en récession et le chômage touche désormais un actif sur quatre (24,4%) et un jeune sur deux.
Retrouver de la visibilité
Ces quatre jours de manifestations doivent donc redonner de l'élan au mouvement, qui a connu depuis un an des querelles internes, les avis divergeant notamment pour savoir s’il fallait donner des suites politiques au mouvement, et une perte de visibilité dans la rue. Si le mouvement était présent dans les manifestations lors de la journée de grève générale du 29 mars dernier qui devait dénoncer la rigueur, ce sont les organisations syndicales qui étaient à la manœuvre, et qui appellent, désormais presque chaque semaine à battre le pavé.
En revanche, le mouvement est plus que jamais actif au sein de la société civile, remettant au goût du jour d’anciennes formes de politique -assemblées populaires» ou commissions de quartier- des actions militantes -blocage pacifique des expulsions immobilières par des citoyens solidaires, occupation d’espaces non habités par des communautés autogérées- ou des alternatives de solidarité économique -«marchés au troc» ou banques du temps basées sur les échanges de services. Une autre façon de faire changer le pays.