Tibet: face à la Chine, la communauté internationale marche sur des oeufs

Tibet: face à la Chine, la communauté internationale marche sur des oeufs

Agissant en ordre dispersé mais surtout soucieuse de ne pas contrarier la grande puissance économique et diplomatique qu'est devenue la Chine, la communauté internationale est extrêmement prudente et discrète sur la question tibétaine.
© 2012 AFP

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Agissant en ordre dispersé mais surtout soucieuse de ne pas contrarier la grande puissance économique et diplomatique qu'est devenue la Chine, la communauté internationale est extrêmement prudente et discrète sur la question tibétaine.

La communauté internationale est "discrète et réservée", constate pour l'AFP Katia Buffetrille, ethnologue et tibétologue à l'Ecole pratique des hautes études (Paris), "l'émergence de la Chine comme grande puissance économique et un désir très fort d'avoir des marchés passent avant tout".

Ainsi, les tibétologues estiment-ils vain l'appel à l'aide lancé la semaine dernière par le Premier ministre du gouvernement tibétain en exil après des manifestations meurtrières dans des régions tibétaines du Sichuan.

Lobsang Sangay -- chef d'un gouvernement reconnu par aucune capitale -- a aussi demandé à l'ONU d'envoyer une mission d'enquête sur les tirs mortels de la police contre des Tibétains.

Les 172 pays ayant des relations diplomatiques avec Pékin reconnaissent de facto que "le Tibet fait partie intégrante de la Chine".

En conséquence, la distribution de tracts en faveur de l'indépendance du Tibet lors des récentes manifestations "ne leur facilite pas la tâche", relève Barry Sautman, tibétologue à la Hong Kong University of Science and Technology.

Contrairement à d'autres ethnies en révolte contre le régime communiste de Pékin, comme les Ouïghours musulmans, les Tibétains disposent d'"un fort capital de sympathie", relève Mme Buffetrille: dalaï lama devenu star planétaire, image de non-violence et mythes folkoriques autour du "Toit du monde". La presse occidentale leur est largement acquise.

Mais loin de menacer Pékin de sanctions ou de boycotts de produits chinois, la communauté internationale se borne à appeler au dialogue et à la modération.

Les Etats-Unis, où le lobby tibétain est actif, ont demandé à la Chine de faire preuve de "retenue" après la répression des manifestations du Sichuan.

Les gouvernements occidentaux réalisent qu'ils "n'auront aucun effet en critiquant" Pékin, "alors ils poussent à des négociations entre les Tibétains et le gouvernement chinois", explique M. Sautman.

"C'est le seul moyen de trouver une solution à long terme", dit-il.

Sous la pression internationale, Pékin avait ouvert en 2002 des discussions avec des émissaires du dalaï lama. Mais les neuf rounds jusqu'en 2010 n'ont absolument rien donné.

La communauté internationale devrait encourager la Chine à "cesser d'attaquer le dalaï lama, cesser de forcer les moines à le dénoncer et à limiter les migrations (de Chinois hans) en zones tibétaines", dit Robbie Barnett, tibétologue à l'Université Columbia (New York). Mais elle doit "trouver le bon langage".

L'UE et l'ONU ont des discussions discrètes et régulières avec Pékin sur la question tibétaine, mais la Chine n'a accepté aucune visite onusienne au Tibet depuis celle du rapporteur sur la torture en 2006: elle n'a pas oublié son rapport au vitriol. Pékin proteste aussi avec véhémence à chaque fois que le dalaï lama est reçu à l'étranger.

Autre problème pour les capitales étrangères, elles ne parlent pas d'une même voix.

"Les Etats-Unis et l'Europe occidentale ont été très divisés dans leur approche" du Tibet, note M. Barnett, faisant état d'une "totale confusion chez les responsables occidentaux, particulièrement européens".

Ainsi, le Royaume-Uni, qui avait depuis 1914 un traité avec le Tibet, a déclaré abruptement en 2008 que la région faisait partie intégrante de la Chine, "ce qu'il n'avait jamais dit avant".

De même, le tibétologue évoque "les volte-face dramatiques" de la France en 2008 -- année du passage chaotique de la flamme olympique à Paris -- et "l'incapacité (du président Nicolas) Sarkozy de trouver une approche cohérente pour parler de la question tibétaine" avec Pékin.

Il sera intéressant de voir si Angela Merkel osera évoquer le Tibet à Pékin jeudi.

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