DÉCRYPTAGEExtradition de Ratko Mladic: Que prépare La Haye?

Extradition de Ratko Mladic: Que prépare La Haye?

DÉCRYPTAGEprès son arrestation et son transfèrement aux Pays-Bas, que va-t-il se passer pour le criminel de guerre? «20 Minutes» vous explique tout...
Bérénice Dubuc

Bérénice Dubuc

Cinq jours après son arrestation, et après le rejet de son appel, Ratko Mladic, l'ancien chef militaire des séparatistes serbes de Bosnie, a été extradé aux Pays-Bas mardi soir et a passé sa première nuit au centre de détention de Scheveningen. L'ex-général serbe va désormais comparaître devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). 20 Minutes fait le point sur les suites judiciaires à venir.

Quand le procès aura-t-il lieu et combien de temps durera-t-il?

Ratko Mladic, inculpé de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide pour le massacre de Srebrenica en juillet 1995 et les 43 mois de siège de Sarajevo (1992-1995), comparaîtra pour la première fois devant les juges vendredi matin, et fera savoir s'il plaide coupable ou non coupable des chefs d'accusation retenus contre lui. Après cette comparution initiale, «tout sera fait pour que le procès ne s'éternise pas», a déclaré le procureur du TPIY, Serge Brammertz.

Quant à la durée du procès, elle est «très difficile» à prévoir. «Le problème ne viendra pas de l'accusation, nous avons déjà actualisé notre dossier, mais la question sera de savoir de combien de temps la défense aura besoin pour préparer son dossier.» A titre de comparaison, le procès de Radovan Karadzic s'est ouvert en octobre 2009 et devait initialement durer jusqu'en décembre 2012, mais les magistrats chargés de juger l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie craignent que le procès dure «quatre ans ou plus».

Mladic est-il apte à être jugé?

Son fils a indiqué la semaine dernière qu’il avait été victime de deux accidents vasculaires cérébraux qui l'ont sérieusement fragilisé. Cependant, les autorités serbes ont estimé mardi que son état de santé n’était pas incompatible avec un transfèrement vers La Haye. Et, ce mercredi, le greffier du TPIY a indiqué que Mladic jouit de toutes ses facultés et a été «extrêmement coopératif» à son arrivée au centre de détention de La Haye.

L'ambassadeur de Bosnie aux Pays-Bas, Miranda Sidran-Kamisalic, a expliqué que Mladic avait eu «un peu de mal à descendre les marches. Mais après, quand il a commencé à parler, il a vraiment donné l'impression d'un homme âgé en assez bonne santé, concentré et lucide.»

Ratko Mladic a subi un rapide examen médical à son arrivée et a été jugé apte à être incarcéré à Scheveningen. Il continue à subir des examens réguliers mais les autorités ne craignent pas qu'il mette fin à ses jours et ne l’ont donc pas placé sous surveillance antisuicide. Pourtant, Mladic aurait déclaré par le passé qu'il préférerait se tuer plutôt que de finir à La Haye.

Le procès de Ratko Mladic va-t-il être lié à celui de Radovan Karadzic?

Cela risque d’être difficile, puisque le procès de Karadzdic est déjà bien avancé. Cependant, le procureur étudie «toutes les possibilités» concernant une éventuelle jonction des deux procès. Radovan Karadzic et Ratko Mladic sont accusés des mêmes crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide commis durant la guerre de Bosnie (1992-1995), dans lesquels ils ont tenu des rôles différents, a souligné Frédérick Swinnen, conseiller spécial de Serge Brammertz.

«Ils étaient tous les deux très haut placés, l'un était politique et l'autre militaire: c'est pour cela qu’on parle de joindre les deux dossiers, mais cela ne sera pas facile», a-t-il reconnu. Les deux hommes pourraient être jugés ensemble uniquement sur une partie des faits, comme par exemple le cas du massacre de Srebrenica.

Ce procès risque-t-il d’avoir des conséquences en ex-Yougoslavie?

C’est une crainte justifiée, dans la mesure où l’arrestation du dernier grand criminel de guerre présumé dans les Balkans est aussi celle du héros des nationalistes serbes. Pour eux, le TPIY est un outil utilisé par l'Occident pour abaisser et humilier la Serbie. Quelque 10.000 Serbes se sont rassemblés mardi à Banja Luka, la capitale de la République serbe de Bosnie, pour manifester leur soutien à Ratko Mladic, et dimanche soir, une manifestation de soutien dans la capitale serbe avait dégénéré en affrontements entre plusieurs centaines de jeunes partisans et forces de police. Cependant, ces rassemblements n’ont aucune mesure avec ceux observés lors de l’arrestation de Radovan Karadzic en 2008.

Après le procès Mladic, le TPIY en aura-t-il fini?

Avant l'arrestation du «Boucher des Balkans», on s'attendait à ce que le TPIY mette fin à sa mission en 2012 ou 2013. Mais le jugement de Ratko Mladic devrait en fait être l'ultime chapitre de la guerre de Bosnie. Le TPIY a désormais rayé tous les noms qui figuraient sur sa liste de suspects en fuite dans les Balkans, sauf un: celui de Goran Hadzic, président de la République serbe de Krajina durant la Guerre de Croatie, qui est désormais le dernier fugitif encore recherché par le TPIY.