Afghanistan: l'Otan sera une "force d'occupation" si elle tue encore des civils

Afghanistan: l'Otan sera une "force d'occupation" si elle tue encore des civils

La coalition internationale de l'Otan risque de se transformer ...
© 2011 AFP

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La coalition internationale de l'Otan risque de se transformer en "force d'occupation" aux yeux des Afghans si elle continue à tuer des civils au cours de ses opérations, a averti mardi le président Hamid Karzaï, 48 heures après avoir lancé un "dernier avertissement" dans ce sens.

Le président Karzaï, dont les relations avec ses alliés occidentaux sont de plus en plus tendues, reproche depuis longtemps à la coalition de tuer des civils lors de ses opérations, mais les termes employés sont devenus nettement plus sévères ces derniers jours.

Si les troupes internationales "continuent de bombarder des maisons afghanes alors que le gouvernement le leur a interdit, alors leur présence sera considérée non plus comme celle d'une force menant une guerre contre le terrorisme, mais comme celle d'une force d'occupation", a-t-il déclaré.

Et d'avertir: "l'Histoire de l'Afghanistan a montré comment les Afghans traitent les forces d'occupation".

Les populations afghanes ont combattu de nombreux envahisseurs à travers l'Histoire. Au XIXe siècle, l'armée britannique n'est jamais parvenue à soumettre totalement le pays et en 1989, l'armée soviétique, intervenue dix ans plus tôt pour soutenir le régime communiste de Kaboul, a dû se retirer après un conflit meurtrier contre une résistance qu'elle n'est jamais parvenue à mater.

"Le bombardement de maisons afghanes est interdit", a poursuivi M. Karzaï. "Cela doit cesser, ou un jour nous devrons prendre une décision unilatérale pour que cela cesse", a-t-il dit sans toutefois expliquer quelle décision il pourrait prendre.

Les frappes "sont nécessaires et continuent d'être nécessaires", a réagi une porte-parole de l'Alliance atlantique, Oana Lungescu, à Bruxelles.

La force de l'Otan en Afghanistan (Isaf) a elle répété "tenter constamment d'éviter" les morts civiles, consciente que chacune "affaiblit sa cause", mais a aussi souligné mener ses opérations conjointement avec l'armée afghane après les avoir fait approuver à haut niveau à Kaboul.

Les autorités de l'Otan doivent "traiter l'Afghanistan comme une nation souveraine", a néanmoins asséné M. Karzaï mardi.

Dimanche, il avait déjà lancé un "dernier avertissement" aux Américains, les sommant de cesser leurs opérations "unilatérales", au lendemain de la mort, selon les autorités locales, de 14 civils dont 10 enfants, lors d'un raid d'hélicoptères sur deux maisons de la province méridionale du Helmand.

L'armée américaine fournit les deux tiers des quelque 130.000 soldats de l'Isaf qui soutiennent le gouvernement de M. Karzaï depuis fin 2001 face à l'insurrection des talibans, et assure le commandement militaire de la Région Sud-Ouest dont dépend le Helmand.

Sur un ton inhabituellement virulent, M. Karzaï avait qualifié cette bavure de "grave erreur" et de "meurtres d'enfants et de femmes afghans".

Les Etats-Unis ont assuré prendre "très au sérieux" et partager les "préoccupations" du président afghan.

L'Isaf, avançant un bilan différent, a présenté ses excuses pour la "mort de neuf civils" et accusé des insurgés talibans de s'être réfugiés à dessein dans deux maisons où se trouvaient des civils, une tactique récurrente selon la coalition.

Les pertes civiles sont un sujet sensible en Afghanistan, où dix ans de présence militaire étrangère alimentent le ressentiment anti-occidental.

La marge de manoeuvre de M. Karzaï reste toutefois très étroite.

"Ce n'est pas le premier avertissement et ce ne sera pas le dernier", a expliqué à l'AFP l'analyste politique afghan Ahmad Saeedi. "C'est destiné à gagner le soutien de la population et à calmer ceux qui sont en colère".

"Il n'a ni la possibilité ni les moyens de mettre à exécution ses menaces", a assuré M. Saeedi, soulignant que M. Karzaï est impopulaire et totalement dépendant de l'assistance militaire et de l'aide étrangères.