Otages français en Afghanistan: La grande inconnue des négociations
MONDE•Depuis leur enlèvement, rien ne filtre sur les conditions d'une libération prochaine, pourtant régulièrement évoquée par le gouvernement...Corentin Chauvel avec Reuters
Cinq cents jours après l’enlèvement d’Hervé Ghesquière, Stéphane Taponier et de leurs trois accompagnateurs afghans, le 30 décembre 2009 dans la vallée de la Kapisa, au nord-est de Kaboul, il est toujours aussi difficile d’avoir la moindre piste sur l’avancée des négociations avec leurs ravisseurs.
Ces derniers sont pourtant connus. «Ils sont bien aux mains des taliban, pas d’Al-Qaida», indique à 20Minutes Karim Pakzad, chercheur à l’Iris et spécialiste de la région. La mort d’Oussama ben Laden ne devrait donc pas compliquer outre mesure la tâche du camp de négociation français, mené par la DGSE, qui aurait cependant affaire à plusieurs interlocuteurs.
Trop d’intermédiaires
Cette configuration explique «la lenteur des pourparlers», a précisé dans Le Parisien de ce vendredi une «source militaire de haut rang». Outre le groupe de ravisseurs, les négociations ont lieu avec le commandement militaire des taliban dans l’est de l’Afghanistan et la direction politique du mouvement, dirigée par le mollah Omar. «Tout ce beau monde doit s’entendre et ce n’est jamais simple», résume dans le quotidien un diplomate.
«Ce qu'il y a de terrible, c'est que nous passons par des hauts et des bas. Vous m'auriez posé la question il y a quinze jours, je vous aurais dit que j'étais optimiste et qu'on n'était pas très loin de la solution. Depuis, les choses sont compliquées», avait déclaré Alain Juppé, alors ministre de la Défense, en février dernier, refusant de parler de calendrier après que le gouvernement a jugé à maintes reprises la libération des deux otages comme acquise voire imminente, sans résultat.
Dernier échec fin décembre?
La dernière fois, c’était il y a six mois. Les taliban avaient alors considéré que Paris ne prêtait «pas beaucoup d'attention» aux conditions qu'ils ont fixées pour libérer les deux Français, qu'ils accusent d'être des espions et d'avoir collecté des informations pour les services de renseignement dans la vallée de la Kapisa. Si la France avait accepté ces conditions, les journalistes auraient déjà été libérés, avait estimé un porte-parole du mouvement taliban. Les autorités françaises avaient démenti ces accusations.
La dernière preuve de vie connue des deux Français reste ainsi cet enregistrement vidéo, datant de novembre 2010. «C'est la première fois depuis le début de leur captivité qu'on est si longtemps sans nouvelles», a noté ce vendredi Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières, à propos des «seuls journalistes retenus en otage dans le monde».
Faudra-t-il attendre 2012?
Les militaires français présents en Afghanistan sont toutefois convaincus que les Français «sont traités correctement, ne sont pas enchaînés et peuvent sortir à l’air libre», selon Le Parisien qui décrit leur lieu de captivité: une maison traditionnelle afghane avec cour centrale et plusieurs colocataires, des familles et des hommes armés.
Malgré ces «bonnes» conditions présumées, l’impatience de leurs proches ne cesse de grandir. Et Thierry Thuillier, directeur de l'information à France Télévisions, se méfie du calendrier: «On sait qu'au-dessus des preneurs d'otages se trouvent des gens avec des visées plus politiques. On pense forcément à l'échéance présidentielle de 2012 en France. J'espère qu'ils n'attendront pas ça pour négocier.»