Libye: La difficile mission des associations humanitaires sur le terrain
TEMOIGNAGES•Elles n'ont pas accès aux zones touchées par la violence...Corentin Chauvel
Actives sur toutes les zones de conflit, les associations humanitaires affichent cependant une présence limitée en Libye. Sur place, les rapides reculs et avancées de la ligne de front entre insurgés et forces pro-Kadhafi compliquent sérieusement leur tâche. Contactés par 20minutes.fr, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et Médecins sans frontières (MSF) dressent un état de lieux critique, mais pas sans espoir.
Présent depuis le 26 février dernier, le CICR a envoyé en Libye deux équipes chirurgicales afin de «soutenir les équipes médicales locales», indique Marçal Izard, porte-parole de l’ONG suisse. Son bureau est établi à Benghazi, mais son personnel (13 expatriés et 20 employés nationaux) se déplace au gré des combats jusqu’à Ajdabiyah, analysant quotidiennement la situation militaire.
Une ligne de front mouvante
Même programme pour MSF, mais avec une équipe «très limitée» (trois personnes), qui a pu effectuer des visites «relativement rapides» des hôpitaux jusqu’à Ras Lanouf, précise Laurent Sury, responsable adjoint des urgences de l’ONG. Le CICR n’a pas pu aller plus loin vers l’ouest. Pour MSF, «la situation est assez aléatoire, on se déplace en fonction de la ligne de front». «S’il y a des combats, on n’y va pas», affirme pour sa part Marçal Izard.
Les ONG ont ainsi parfois nettement reculé: lorsque les forces pro-Kadhafi sont arrivées aux portes de Benghazi il y a quinze jours, le personnel du CICR a dû se replier à Tobrouk. Celui de MSF est lui directement retourné en Egypte, à Alexandrie. Pourtant, c’est bien à l’ouest, à Misrata, que la situation est la plus critique, selon Laurent Sury. «C’est notre priorité, mais on a beaucoup de difficultés à obtenir des informations, il y a peu de détails sur les blessés qu’on espère réussir à évacuer par bateau», dit-il.
Des médecins locaux réactifs, des hôpitaux «fonctionnels»
Mais la première bonne surprise pour le CICR, c’est que «les médecins locaux savent comment soigner les blessures de guerre». «Les hôpitaux sont encore fonctionnels, ceux de Benghazi ont des standards européens», ajoute Laurent Sury, qui loue la réactivité des médecins libyens qui ont formé un comité médical auquel MSF effectue des donations (matériel de chirurgie, consommables, anesthésiants, etc.).
De même, le porte-parole du CICR explique qu’outre le support de quelques ONG libyennes, des comités de charité, constitués par des citoyens libyens, ont été formés dans l’est du pays afin de porter assistance aux personnes affectées par la guerre, et notamment les nombreuses familles déplacées. «Il y a des moyens et une solidarité qui est très présente», insiste Laurent Sury.
Un «accueil très chaleureux et généreux»
Marçal Izard témoigne par ailleurs d’un «accueil très chaleureux et généreux» pour le CICR qui, comme MSF, n’était auparavant jamais intervenu en Libye. «Il a fallu expliquer aux gens qui on était, pourquoi on était là et surtout qu’on était neutres», raconte-t-il. Grâce à des «meetings de coordination» quotidiens, les différentes associations humanitaires peuvent ainsi se répartir les tâches. «C’est important pour ne pas doublonner les efforts», explique Marçal Izard.
Outre l’assistance médicale, le CICR se concentre sur la fourniture de téléphones pour faciliter le contact des réfugiés ainsi que la visite aux détenus de Benghazi. En temps de guerre, «la population carcérale est très vulnérable», précise Marçal Izard. De son côté, MSF, qui pourrait augmenter son «volume opérationnel» suivant l’évolution de la situation, pense déjà à l’après-conflit: «La plupart du staff infirmier en Libye était étranger et a quitté le pays, est-ce qu’ils reviendront?»