«Notre pays va devenir démocratique, qu'ils le veuillent ou non!»
TUNISIE•Les réactions hostiles au gouvernement de transition ont retenti ce mardi dans les rues de Tunis...Bérénice Dubuc
De notre envoyée spéciale en Tunisie
Ce mardi matin, devant le siège de la puissante centrale syndicale tunisienne UGTT, une petite vingtaine de personnes attendent. Objectif: savoir si une nouvelle manifestation va partir, pour protester, comme lundi, contre le maintien du parti unique de l’ancien régime, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), mais aussi contre le gouvernement d’union nationale annoncé lundi.
Pour Amor, 52 ans, professeur de philosophie et syndicaliste, «Ce qui a été réalisé est en-deçà des ambitions du peuple, ce gouvernement ne représente pas le peuple». Il explique que, les deux tiers des ministres étant issus du régime Ben Ali, «on ne peut pas avancer comme ça». «Ce sont des gens corrompus, fascistes, qui n’ont jamais soutenu ni le peuple, ni la liberté ni la démocratie.»
Dissolution du RCD
Même jugement sans appel prononcé par Jalel, 42 ans et enseignant. Il se dit «dégouté par ce gouvernement», et demande un gouvernement indépendant du RCD. Ils craignent en effet que le pouvoir ne soit pas laissé au peuple, dans deux mois, ou que l’élection présidentielle soit truquée. «Les élections sont supervisées par le ministère de l’Intérieur, qui est toujours tenu par le RCD», explique Houssine, qui travaille au ministère du Tourisme.
Autre écueil: «Selon les lois en vigueur, pour se présenter à la présidentielle, il faut recueillir 30 signatures de maires. Or, ils sont tous issus du RCD! Personne ne pourra se présenter aux élections, sauf ceux du RCD.» La meilleure solution est donc pour lui que «les anciens membres du RCD se déclarent indépendants», et que les lois en question soient modifiées.
Manifestation
Mais, si tous ceux qui peu à peu se massent devant le siège de l’UGTT ce mardi matin estiment que le gouvernement tente de leur «voler la révolution», ils sont aussi prêts à l’action. Naijb, 52 ans, professeur de physique dans l’enseignement secondaire et syndicaliste explique ainsi: «Il y a une contre-révolution et on va lutter contre la révolution en manifestant contre le gouvernement.»
Et effectivement, environ une demi-heure plus tard, une centaine de personnes s’élancent vers l’avenue Bourguiba. Ils sont repoussés à plusieurs reprises par les militaires qui tiennent l’avenue, mais sont également rejoints par de nombreuses autres personnes, qui accourent des rues adjacentes, selon des témoins.
Une répression impressionnante
Lorsqu’ils réussissent à passer, les policiers les répriment violemment, d’abord à coups de gaz lacrymogène, puis à coups de matraques mais aussi en tirant. Les manifestants ignorent s’il s’agit de balles réelles ou en caoutchouc. Un hélicoptère vole à très basse altitude pour les disperser.
«La répression a été terrible», raconte Ouejdi, présent dans la foule et qui était également présent en première ligne lors de la grande manifestation de vendredi. «La violence déployée alors que tout le monde parle de démocratie était impressionnante», juge-t-il. «C’était même peut-être pire que vendredi.»
Pourtant, comme tous les autres, il est prêt à recommencer demain, et chaque jour suivant, «tant que le RDC ne sera pas dissout». «On est optimiste, notre révolution continue, et notre pays va devenir démocratique, qu’ils le veuillent ou non!», conclut Jalel.